Grand Raid Réunion 2023 – Alexis Sevennec

Alexis Sevvenec

En 10 années de carrière, le champion de skimo, 36 ans, s’est taillé un palmarès d’ogre sur les « trails » les plus vertigineux – courses en montagne à cordes tendues – Limone, Kima, Ecosse ou Ultraks. Vous avez dit montagne : alors, apte au Grand Raid Réunion 2023  ?

Le Morzinois raflait La Mascareignes 2019 et finissait 2e au duel sur le Bourbon 2022. Jamais deux sans trois, Sevennec s’alignera donc sur la Diagonale 2023. «  » 90 bornes ça va, mais après ça devient dur  » confiait-il l’an dernier : comment aborde-t-il ces 165K ?

Par Julien Gilleron

Tu sembles prendre goût aux plus longues distances : Bourbon 2022, Lavaredo et Wildstrubel 2023. Sens-tu que le moment est arrivé sur les plans physiques et mentaux ? Ou vises-tu des challenges sur lesquels tu as davantage tes chances, car toi aussi tu prends (un peu) d’âge ?

AS : C’est en effet un nouveau challenge que je me suis lancé. Ces dernières années, on a eu deux enfants donc c’était devenu un peu compliqué en termes d’organisation familiale, notamment l’hiver, pour continuer sur les coupes du monde et tout simplement être au niveau. Donc à un moment donné, quand tu as un peu fait le tour mais que tu restes compétiteur, tu n’as pas forcément envie d’y aller à reculons pour prendre des claques ! J’avais fait le Bourbon l’année dernière et ça s’était plutôt bien passé ; en parallèle, j’ai eu des opportunités via mes différents sponsors, et la Diagonale est devenue une évidence. Après, combien de temps je vais creuser cette aventure ? Aucune idée mais aucune barrière ; on verra au fur et à mesure. J’ai déjà fait quelques 100 km et je sens que le corps s’habitue, mais la Diag’ sera mon premier 100 miles : je pense que je vais finir bien, mais alors bien rincé ! Mais j’ai remarqué que le corps s’habitue pas mal lorsqu’on l’entraînait très progressivement. Après, difficile de chasser ma fibre : c’est clair que j’’aimerais bien le challenger, ce corps…mais déjà prendre du plaisir et finir la course sans bobo, ce serait cool.

 

Cette année, tu attaquais dès la fin juin les 120K du Lavaredo, sorti d’une saison de skimo. Forcé d’abandonner, ton DNF était-il lié à un manque de volume printanier à pied ? N’était-ce pas très ambitieux, lorsque des skieurs comme Magnini ou Bonnet reprennent avec beaucoup d’efforts sur des 40K fin mai ?

AS : Oui, je me suis aligné dès la fin juin sur le Lavaredo mais notamment parce qu’il permet d’obtenir des points en vue de compétitions UTMB. J’étais plus orienté sur une course qui se déroule en Suisse mais mon partenaire (NDLR : La Sportiva), italien et pilier historique du Lavaredo, tenait beaucoup à ma participation. C’était un peu tôt dans la saison. Je m’y suis pointé avec à peine 300 km dans les jambes et très sincèrement, ce n’est pas du tout un profil qui me convient. Mais j’ai surtout subi un gros souci gastrique après lequel j’ai poursuivi encore 50 km dans la douleur. J’aurais pu terminer, mais honnêtement ça ne servait à rien de terminer esquinté ; j’avais également d’autres ambitions pour la suite de la saison. Rien n’est linéaire, ça fait partie du jeu, et je me souviens d’avoir fait des belles Zegama alors que je sortais à peine de ma saison de ski ; tout comme des moins bons chronos en ayant moins couru… certes, j’ai fait de l’endurance pendant 10 ans donc la caisse reste globalement présente, mais 100 bornes, ce n’est plus de l’endurance : c’est de l’ultra distance, un autre sport. Et c’est ça qui me plaît.

Alexis Sevennec

Ou en es-tu de ta carrière à ski, et quelles sont tes ambitions d’ici à la quarantaine : encore des possibles ? Ta longévité est déjà rare, et ce sport en possède beaucoup d’exemples.

AS : Niveau ski, très sincèrement, j’ai la sensation d’avoir fait le tour et de faire une croix dessus désormais. La direction que prend ce sport ne me plaît pas forcément, donc une part de motivation s’en va. Si le circuit avait perduré dans le sens pur du ski alpinisme, pourquoi pas ; mais l’orientation olympique produit des changements qu’en tant que compétiteur, je ne suis plus spécialement prêt à accepter. Même si certaines compétitions perdent un peu de leur valeur, et comme je disais, que mon organisation familiale est devenu un point à gérer, j’aimerais continuer à m’aligner sur deux grandes compétitions telles que la Pierra Menta ou le Rutor. En skimo, les courses et les perfs des anciens nous faisaient rêver : Mezzalama, Patrouille des Glaciers… c’était ce qu’il fallait faire. Désormais, la ferveur diminue. Bon, je pense que l’année prochaine si tout va bien, on fera la Pierra avec madame Sevennec, et j’aimerais bien trouver un collègue pour le Rutor… Appel lancé !

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Ta 5e place au Wildstrubel 113K (derrière un Andy Symonds vraiment rapide en 12h51’) t’a-t-elle conforté dans tes sensations à 5 semaines de la Diagonale, ou qu’as-tu complété depuis ?

AS : Cette course s’est avérée une super expérience : l’ultra trail présente cette rareté que tu peux échanger avec des personnes, et que cela te fait gagner énormément de temps. J’ai commis deux ou trois petites erreurs de gestion et laissé quelques plumes ; j’aurais dû davantage laisser faire la course. En fait, on a beau dire, tous les mecs qui sont devant ont quand même déjà un peu d’expérience sur le long. Je débarque avec zéro expérience, un Bourbon qui date d’un an et un Lavaredo où je suis passé à travers : mine de rien, je trouve que ce n’est pas si dégueulasse de finir 5e au Wildstrubel. Avec davantage de métier, j’aurais aimé aller chercher un petit peu plus devant. Mais sur ce genre de course, je crois qu’il faut que tout aille bien et s’aligne le jour J, un grain de sable et ça peut déraper, tu peux très rapidement accumuler du retard. A 2 semaines de la Diag’, je me suis surtout reposé car j’en avais besoin – une petite douleur à la cheville – et je n’ai pas spécialement complété : tu imagines que ce n’est pas maintenant que tu vas faire du boulot, c’est déjà trop tard.

Alexis Sevennec

Tu retrouveras Mathieu Clément avec qui tu avais bagarré sur le Bourbon l’an dernier. Cette fois, l’effort sera d’une toute autre gestion et la Diag’ dévore ses enfants…lorsqu’ils sont trop pressés. Es-tu prêt à ralentir, toi qui apprécies la compétitivité ? Dunand-Pallaz, Tschumi, Grangier ou D’Haene… On ne compte plus les concurrents qui peuvent te pousser à l’emballement.

AS : Eh oui, je vais retrouver le père Mathieu . On avait sacrément bataillé au bourbon, 90 km au coude à coude pour qu’il finisse le plus fort ! Cela dit, au Bourbon, l’idée n’était pas de partir devant tout seul dès le départ ; en plus une erreur de balisage a entraîné une quinzaine de coureurs qui se sont plantés devant moi, donc ça a un peu chamboulé le tout dès le début. Je me…freinais. Je ne savais pas trop à quelle allure courir, et j’ai demandé qui était en tête : Romain Fontaine et Mathieu, notamment. Or, je m’étais mis comme objectif de tenter de rester avec ces deux-là. Donc ? Donc j’ai accéléré pour les rattraper. Arrivé au 1er ravito, je redemande « qui est devant ? ». « vous ! ». « mais non ? », « mais si ! », « ah ben non ? », « ah ben si ! »…etc !!! bref, j’ai fait un bout de chemin avec un autre puis gentiment accéléré encore, et les kilomètres m’ont manqué sur la fin et la bosse de Colorado. Mathieu avait tout ce qu’il fallait, chapeau. Alors cette année sur 165K ? Je ne m’attends pas à un truc facile, et je pense que je suis vraiment prêt à ralentir encore davantage. Tous les champions que tu cites ont déjà une sacrée expérience sur ces formats, et arriveront les dents longues. En ce qui me concerne, le but est plutôt de me faire une jolie expérience sur un terrain qui me convient bien, et sans aucune prétention. Ça va être super dur…. Mais j’ai hâte..

 

« 90 bornes ça va, mais après ça devient dur ». Ainsi concluais-tu ton Bourbon 2022. Il te reste donc à apprivoiser la 1ère moitié de course. La connais-tu ?

AS : Effectivement, et je le pense toujours en partie ! Mais comme je te le disais, je trouve que le corps a une mémoire et face à l’inconnu, c’est comme s’il savait quoi faire. En revanche, sur un 100 miles, ce n’est pas comme 100 ou 110 bornes que tu peux tronçonner en trois mentalement. Je ne connais pas spécialement la première moitié, mais j’ai un local de l’étape qui m’aide beaucoup pour reconnaître. D’ailleurs j’ai même été explorer le début du parcours original qui était vraiment fabuleux et m’aurait beaucoup plu. Je serai sur place le 10 octobre et je tacherai d’aller y regarder de plus près – même s’il y a plusieurs parties privées qui restent compliquées à explorer ; faire un tour dans Mafate histoire de…jeter un œil, quand même !

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décembre, 2024

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