Mission accomplie. La première édition de l’Echappée Belle pourra s’enorgueillir d’être un des courses les plus difficiles du calendrier « ultras », exactement comme le souhaitaient ses organisateurs. Chez les solos hommes, la tête de course a pris les couleurs flamboyantes de l’Espagne, avec l’arrivée en 28 heures d’Oscar Perez Lopez (Grifone), suivi de son compatriote Raùl Frechilla Toledo (Los Bandoleros del Guadarrama) 1h16 plus tard. La troisième place a été remportée par Sébastien Gérard (Team Les Saisies Scott Odlo), vainqueur en 2012 et 2013 du Tour du Beaufortain, et Sangé Sherpa (Team Endurance Shop), qui ont terminé main dans la main en 29h47. Une belle image de solidarité et une grande émotion pour le Besançonnais, blessé à la cheville une dizaine de kilomètres avant l’arrivée à Fond de France et soutenu pendant toute sa seconde partie de course par S. Gérard et R. F. Toledo.
Pour terminer ce redoutable ultra, il fallait davantage que la motivation comme lièvre. Il fallait l’expérience des épreuves ultimes, mais, surtout, bien connaître la montagne et avoir reconnu une partie du parcours. Malgré leur expérience, beaucoup de participants ont été surpris par les conditions de course. Chacun y est allé de son commentaire, les qualificatifs portant sur la difficulté du parcours avant la beauté du paysage. « De la caillasse partout ! A aucun moment tu ne peux poserle pied normalement, toujours en instabilité. Tu es constamment sur le qui-vive, à regarder tes pieds, alors le paysage… Ah si, quand tu t’arrêtes ! », raconte avec ironie un coureur hors micro. Blocs de pierres, absence de traces, singles « très, très étroits », souvent en mauvais état ou dangereux, névés, dénivelé important – « pas moins de 1 000 mètres de positif dans les montées », selon un autre coureur – etc., qui ont eu raison de la motivation de plus de 400 trailers sur les 600 au départ. Les arrivées au compte-goutte – à 17 heures, à Aiguebelle, moins de vingt solos ont terminé – et Oscar Perez Lopez confirment ce sentiment unanime : « C’est sans doute la course la plus difficile que j’ai eue à courir avec l’Andorra Ultra Trail (184 km, gagné en 2012 en 30h34), » ajoutant même que les organisateurs devraient proposer, en parallèle des 140 km initiaux, une distance plus courte au départ de Fond de France.
Oscar Perez Lopez et Sandrine Béranger
Vendredi matin, 5 heures du mat’. L’ambiance au départ de Vizille, dans le parc du château, est un mélange d’excitation et d’inquiétudes. Marie Line Mantoux, 33 ans, résidant au nord du massif de Belledonne, coureuse d’ultras en montagne depuis 2005, fait part de son stress après deux nuits sans sommeil. « Le but est de finir. Je prévois deux nuits sur le parcours, mais j’espère ne pas faire la seconde complètement et arriver vers 2 ou 3 heures du matin, samedi, à Aiguebelle. » (ndlr : elle finit avec son époux, Arnaud Mantoux, à 10h19, dimanche matin, après… deux nuits complètes). Sandrine Béranger, marraine de la course aux côtés d’Oscar Perez Lopez, en grande habituée des épreuves longues et extrêmes, se garde bien de faire aucun pronostic, surtout sur une première édition. « Je ne suis pas sûre d’être en forme, mais on verra bien. »
Premiers kilomètres. Chez les solos hommes, la tête de course s’est très vite cristallisée. Dès le premier ravito, à l’Arselle, et jusqu’à Fond de France, Sébastien Gérard court en tête, suivi par Sangé Sherpa et les deux Espagnols, Raùl Frechilla Toledo et Oscar Perez Lopez. Les distances entre les quatre champions vont désormais osciller entre quelques secondes et cinq minutes jusqu’à la Base Vie, où a également lieu le passage de relais pour les duos. La pause est rapide, entre 12 minutes pour Oscar Perez et 23 minutes pour Sherpa, après un strapping réalisé par les kinés qui lui permettra de tenir jusqu’au bout sans souffrir. La nuit est une épreuve supplémentaire, surtout sur la montée (et la descente !) au col de Morétan, 20 kilomètres après Fond de France, culminant à 2 500 mètres, qui reste dans les esprits des finishers comme une des plus grandes difficultés du parcours. Très vite, Perez revient sur Gérard et ne sera plus jamais inquiété par ses poursuivants. Toledo, Gérard et Sherpa, décident de rester ensemble pour traverser la nuit et se soutenir.
Au col du Grand Cucheron, dernier point de pointage, Perez passe 35 minutes avant le trio et arrive à Aiguebelle, à 10h4 après plus de 28 heures de course. Pour expliquer son avance et sa relative fraîcheur, Perez donne une petite leçon de sérénité. « Je ne cours pas la course avec le chrono en tête. D’ailleurs, je n’en porte pas. Je cours aux sensations et, surtout, en harmonie avec ce qui m’entoure. Il faut trouver le plus de plaisir possible dans la course pour tenir jusqu’au bout. » La surprise arrive une heure vingt plus tard avec l’arrivée du second Espagnol, Raùl Frechilla Toledo. Epuisé, grand sourire aux lèvres, il raconte avec humour que Gérard et Sherpa lui ont donné l’autorisation de s’échapper après leur nuit passée ensemble. « On voulait terminer tous les trois, mais je me sentais de finir plus vite. Alors, Sébastien et Sherpa m’ont donné leur bénédiction… et je suis parti, c’est normal, non ?! » Gérard et Sherpa finissent 27 minutes derrière sur une belle image fraternelle. Plus difficile et plus longue que toutes les courses qu’il a eu à courir, Sherpa, en montrant l’état de ses pieds, blancs, ramollis et creusés par la sueur, a cette dernière saillie sur l’Echappée belle. « On donne 4 points à l’UTMB®, mais c’est l’UTMB® qui devrait donner 4 points à l’Echappée Belle ! »
Relais et féminines.
Chez les relais, c’est presque sans surprise que l’on a vu débouler, à 8h52mn, après 26h51mn de course, le raideur Grenoblois du Team les Chauds Patates, Gaëtan Janssens (en duo avec Maxime Léger) à plus de six heures du second (32h55mn) !, composé des Belges Arnaud Salmon et Mike Wittorski. Le troisième relais est savoyard : Alain Excoffier et Serge Duverney Pret (El Pronto) terminent en 33h2mn. « Je me suis régalé dans le technique, même si c’était de nuit. je suis parti vite mais bien, je suis revenu sur tous les autres relais qui étaient devant nous en une heure de temps. Le plus dur, vraiment, ce sont les 10 km de route à la fin, » explique G. Janssens, terrassé par cette dernière partie bitumée, augmentée de 4 km et 300 mètres de dénivelé par les organisateurs à la dernière minute. « Il m’a dit qu’il était en forme, il a envoyé et rattrapé son retard. Le fait de passer le col de Morétan de jour a aussi été un bon choix tactique. Il a gagné du temps par rapport aux coureurs derrière. Il a vraiment couru vite, il était même impressionnant dans la descente sur les derniers kilomètres, » relate son co-équipier, Maxime Léger. Un des relais favoris, le duo Geoffrey Gras/Benoît Exbrayat (Run Alp Helly Hansen), encore deuxième à Super Collet, a explosé juste avant Val pelouse. Le seul équipage féminin, composé des sœurs Lafay, Elodie et Alexine, a lui aussi abandonné entre Super Collet et Val Pelouse.
Chez les féminines, Sandrine Béranger a mené de pied de maître toute la course depuis le départ, se permettant le luxe d’une très belle dixième place au scratch en 34h23mn. La clé pour réussir son ultra, Sandrine Béranger la résume en deux mots : patience et objectifs courts. « Si je me dis que j’ai 140 km à parcourir, c’est mort. Si je vise chaque prochaine étape, c’est court, donc mentalement, ça passe mieux. » La championne de raid multisports (6e du championnat du monde de raid en 2012) confie également n’avoir jamais autant mangé ni s’être autant assise et reposé sur une épreuve. « En général, je préfère toujours partir moins vite, mais tenir sans m’arrêter. Mais là, ce n’était pas envisageable. Bon, j’ai quand même forcé un peu sur la première partie, histoire d’être dans la course. » Aux deuxième et troisième places, on retrouve l’Albertvilloise Isabelle Ciferman, prof d’EPS et membre du Club alpin français, qui termine en 39h57mn et la Haut-Savoyarde Catherine Desmurs, visiblement très heureuse et émue à l’arrivée, en 40h29mn. Martine Volay, une des favorites de la course, encore 3e derrière Ciferman jusqu’au refuge Jean Collet, a abandonné à Fond de France après 14h18mn de course.
Première édition réussie. Pour Florent Hubert, organisateur de l’Echappée Belle, cette première édition est d’ores et déjà réussie, avec beaucoup de retours positifs. « Il faut juste savoir à quoi l’on s’engage dans cette aventure, rappelle-t-il en réponse aux critiques de certains participants, surpris par la rudesse du parcours. Et il faut s’entraîner pour. Mais ceux qui étaient venus chercher cette difficulté étaient ravis. Même certains, qui ont abandonné, ont promis de revenir l’année prochaine, mieux entraînés. »
Nathalie Mathieu
octobre, 2024
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