Pau Capell, grand retour à Istria ?

Pau Capell

Pau Capell n’aura pas pu reconquérir « sa » Transgrancanaria en 2024, mais l’excuse est valable : cause bébé, c’est sur Istria by UTMB que nous retrouverons « EL » favori Pau Capell (du 4 au 7 avril prochain). En 2013, un espagnol de 22 ans intriguait en surgissant sur la scène trail internationale. « Va se brûler », « franchira jamais les Pyrénées ». Perdu. Capell a 32 ans, une TDS (2016), un UTMB (2019), deux UTWT, quatre + une TGC et tout un tas d’autres lettres. Après les années fastes à 12 courses par saison, l’Espagnol subissait 2020-2021 et réduisait (un peu) la voilure en 2023. Où en est-il ? Fini les bêtises pour le paternel ? Et ce record sub-20heures de l’UTMB ?

Par Julien Gilleron

À 22 ans, alors que le grand public ne te connait pas encore, tu enchaines près de 20 courses sur une saison, du 8K (32’30) au Cami de Cavalls (2e) en passant par la Skyrace. Si tu l’analyses aujourd’hui, était-ce trop de dossards ?

Pau Capell : pas vraiment, je pense, car c’est moi qui les ai accrochés, sciemment, et sans aucun objectif professionnel. En tant qu’amateur, il est vrai que je pouvais aligner des compétitions avec moins de réflexion, mais celles-ci étaient toutes courtes et sans pression : pas de devoir absolu de donner le meilleur de moi-même à chaque fois, donc de bonnes performances mais sans plus. Du coup, la gestion du planning ou des enchainements était plus simple.

10 ans déjà ! A quoi ressemblait la vie de coureur de Pau Capell, avant ces 10km de Sant Boi de Llobregat 2013 ?

PC : A l’inexpérience ! Je n’ai jamais fait d’athlétisme dans ma jeunesse ! J’ai toujours aimé le football, pratiqué tout un tas de sports différents, tennis, padel, golf, voile, basket…jusqu’à découvrir le triathlon. Quand j’y pense, j’ai vraiment – vraiment – fait beaucoup de sport ! Le Pau d’alors vivait très normalement, loin des projecteurs et des médias : étudiant en génie industriel puis rapidement au boulot. J’avais une moto, un scooter, mes potes et j’aimais foncer et m’amuser… disons un garçon « vif » mais jamais conflictuel, toujours entouré socialement, en groupe.

Pau Capell

Que t’a apporté le triathlon ?

PC : Un déclic, le vrai point de départ : c’est là que j’ai découvert que je voulais vraiment faire de la compétition. Je suis devenu coureur pour devenir triathlète. J’aimais vraiment pouvoir associer les 3 sports car ça me permettait d’être toujours en mouvement, sur l’adrénaline. Je passais mon temps sur des half Ironman, des formats sprints ou olympiques. On y allait fort et j’adorais cela, puis on m’a conseillé de cibler la course…notamment vu mon faible niveau en natation ! Ca allait mieux à vélo, encore bien mieux à pied. Mais j’ai toujours pratiqué en amateur jusqu’à ce que je creuse la course à pied en m’y consacrant professionnellement.

À partir de 2017, ton volume de courses devient impressionnant et tu acquiers cette image de boulimique : le « coureur de 12 » par an. N’est-ce pas cette charge qui provoquera tes blessures suivantes et l’échec de ton record sur UTMB (2020) ?

PC : Sincèrement, absolument pas : c’est même ce qui m’a permis de gagner l’UTMB 2019, en développant ma capacité à courir, récupérer, m’entraîner ; puis de nouveau courir, récupérer, m’entraîner, etc…et d’être toujours à un très haut niveau de performance. La suite a été identique : j’ai terminé la saison, coupé, repris l’entraînement, la compétition, la récupération, l’entraînement, la compétition, la récupération, etc. Les blessures qui ont suivi provenaient d’une mauvaise gestion de l’entrainement durant la pandémie, sans lien avec mon fonctionnement jusqu’alors. Pendant le Covid – comme tout le monde – je me suis beaucoup préparé à la maison puis j’ai lancé 3 très gros projets off (dont ce « Breaking Twenty » sur l’UTMB) : un mois après Chamonix, j’ai réalisé un record solo sur 187K à Minorque, puis un second record à Ténérife en aller-retour depuis la plage de Socorro jusqu’au Teide (NDLR : plus haut sommet de l’île). J’ai enchainé en partant m’entraîner au Kenya fin 2020 et c’est en revenant du Kenya que je me suis blessé : 2021 a débuté ainsi. Une série de bobos sans fin jusqu’à me rétablir à la fin de l’année. Je pense que c’est davantage la gestion de 2020, la façon dont j’ai géré mon entraînement en salle, que la charge de compétitions, qui l’explique. En outre, je prends soin de moi et suis bien suivi, je consulte dès la moindre alerte, et rien de cet ordre ne s’est produit.

“Il ne faut pas s’habituer à l’idée qu’il est facile de gagner ou qu’un même athlète doit gagner tout le temps !”

2019 reste une saison historique : 2e sacre sur UTWT, 11 victoires sur 13 courses. La conclusion qu’on peut enchainer les performances ; qu’il n’y a pas de règle générale mais seulement des cas particuliers ?

PC : (Réflexion) Difficile d’en tirer une conclusion, je pense d’abord que c’est la conséquence d’une excellente préparation et d’une grande confiance en soi. Il était vraiment important pour moi de gagner la Transgrancanaria 2019 et à partir de là, j’ai pu enchaîner différentes courses de l’UTWT et y réaliser de très bonnes performances : le capital confiance et l’expérience s’y sont énormément solidifiés. Bien sûr, la victoire à l’UTMB est un booster intérieur inestimable ; mais je retiens d’abord la quantité et la qualité du travail accompli en amont. En plus du physique, générer de la confiance et de l’équilibre, encore et toujours.

Pau Capell

N’as-tu pas subi la hausse exponentielle du niveau athlétique depuis 2020, notamment sur l’UTMB ?

PC : A mon avis absolument pas, car depuis 2020, j’ai pu terminer 2e à la TGC ou 3e à l’Ultra Pirineu ; les résultats ont également été très corrects en 2023. Le niveau évolue en effet, je ne suis pas encore « trop vieux » ( !) mais je pense surtout qu’il ne faut pas s’habituer à l’idée qu’il est facile de gagner ou pire, qu’un même athlète doit gagner tout le temps : remporter une victoire, ça signifie tout faire à la perfection dans le meilleur de tes jours. C’est donc rare, pour ne pas dire rarissime, et hyper-exigeant ! Il n’y a qu’un seul vainqueur et énormément de monde derrière. C’est très dangereux de mettre dans la tête d’un sportif qu’il doit systématiquement être le meilleur. Pourquoi ? parce qu’on en oublie la performance pure du coureur, cette transcendance du jour J que sa victoire impliquera, le fait d’aller chercher « encore » plus loin. On se focalise seulement sur la gagne. Or, crois-moi, c’est compliqué de gagner. Très compliqué…

Comment évalues-tu tes saisons 2022/2023 : encore besoin de solidification, ou bien constructives, réussies ? C4était un choix volontaire d’être moins médiatisé ?

PC : 2022 restera une saison compliquée car je revenais de blessure, comme si je redécouvrais la compétition. Un an à bosser sans grands résultats parce qu’il fallait en passer par là. Mais dès 2023, j’ai retrouvé une 5e place à Gran Canaria, fini 2e sur Andorra 100…gagné le Cami de Cavalls 96K, etc. L’UTMB restera un échec à cause de mon infection à la jambe mais au global, j’ai gagné des marathons et d’autres compétitions. C’est constructif….même sans UTMB ! 

Pau Capell

On ne t’aura pas vu fin février sur « ta » TransGranCanaria, pour une bonne raison : sens-tu que cette paternité nouvelle atténue ou modifie ton degré de compétitivité, de combat ? Priorises-tu ta vie sur des choses plus essentielles ? Sans parler du temps disponible (ni du…sommeil).

PC : Je ne sais pas encore ! Cela ne fait qu’un gros mois que Julia est née, et tu imagines la nouveauté pour moi, ma femme, la vie à la maison…Nous essayons de nous adapter au mieux, et la présence d’un enfant génère quantité de responsabilités inédites – tout comme le planning ! Je dois maintenir mes entrainements car c’est mon boulot, difficile de les rater ; je tâche de me reposer du mieux possible la nuit, ou à chaque fenêtre disponible. Si la période nocturne n’est pas trop hachée, je peux réaliser mes séances et consacrer le reste du temps à ma famille. Mais je ne sais pas si cette nouvelle vie aura pour effet de me rendre meilleur ou moins bon. Ma certitude, c’est qu’il y a un nouvel être dans ma vie qui me donne beaucoup de force, et je suis sûr que lorsqu’elle sera plus âgée et plus consciente de ce que font ses parents, elle m’en transmettra encore davantage pour la compétition !

avril, 2024

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