Mais qui connaît vraiment Ruth Croft ?
Même si elle s’est illustrée sur de nombreuses courses en Europe, elle reste méconnue du grand public.
Elle avait pourtant marqué les esprits en 2015 en remportant, pour ne pas dire en survolant la CCC avec une 8ème place au scratch à tout juste 1h d’un certain Zach Miller.
Mais la Néo Zélandaise, timide et réservée, n’est pas arrivée là par hasard et c’est cette face du personnage que j’ai découvert en allant courir avec elle sur les hauteurs du Mont Veyrier 3 jours avant le marathon du Mont-Blanc.
Des qualités athlétiques au dessus de la moyenne qu’elle développe lors de ses années au collège au pays des Blacks. Elle pratique l’athlétisme et remporte à 3 reprises le Championnat National de course en montagne ce qui lui vaut 3 sélections pour les mondiaux, dont une 5ème place en Suisse en 2007 en junior.
A l’adolescence elle découvre l’Asie avec ses parents, un déclic qui se révélera comme un tournant dans sa vie un peu plus tard.
Mais en attendant Ruth Croft part pendant 4 ans aux Etats-Unis dans une université à Portland, elle obtient une bourse « track and field » et participe aux épreuves sur 3 000 m steeple et 5 000 m avec de belles références, 10’32 sur le premier et 17’02 sur le second nommé.
« j’ai repris le sport pour retrouver la santé » : Ruth Croft
A petite foulée nous grimpons tranquillement dans la forêt à l’abri de la chaleur, le rythme n’est pas très élevé, le marathon approche et elle se sent plutôt en forme et estime avoir bien récupéré de sa 3ème place à Zégama 1 mois plus tôt.
Nous continuons notre discussion sur sa période post étudiante. Après les US, elle décide de partir pour Taiwan « j’étais attirée par la culture Asiatique », et s’installe à Taipei ou elle travaille pour Garmin pour le développement marketing et communautaire de la marque.
A 23 ans elle délaisse un peu la course à pied « j’étais blessée pendant 6 mois, je ne faisais plus de sport, je sortais et je buvais un peu »….rien de bien inquiétant au fond .
Mais elle se rend vite compte que c’est pas la meilleure voie a emprunter « dès que j’ai pu, j’ai repris le sport pour retrouver la santé ».
Elle reprend le chemin de l’entrainement et s’engage sur une course, partie pour faire le 15 km elle sera en fait inscrite pour le 50 km ou elle termine 3ème….un déclic.
Finalement elle retrouve du plaisir à courir en montagne et à s’entrainer, elle participe même à un marathon en 2015 avec un chrono en 2h40’.
On en vient à parler de ses entraînements, comme beaucoup d’athlètes elle est une adepte de l’entrainement croisé, « je fais du vélo, surtout en hiver pour le foncier et ensuite de la course en montagne pour travailler le spécifique. Depuis 3 ans c’est Jonathan Wyatt qui m’entraîne ».
« Mais ce qui est différent pour moi c’est que j’ai 2 été dans l’année, donc je ne fais pas de ski de randonnée l’hiver, je rentre en Nouvelle Zélande voir ma famille ».
Et l’été, depuis cette année ou elle a décidé de participer au circuit international, elle est en Europe entre La France et La Suisse (CranMontana, le Valais).
Elle a quitté son travail même si elle garde quelques missions ponctuelles.
On en vient à discuter de son approche de la discipline, nous l’avions découverte sur la CCC en 2015, mais c’est finalement sur les formats plus courts qu’elle prend du plaisir.
Elle remportera d’ailleurs le dimanche suivant le marathon du Mont-Blanc.
Vainqueur des Templiers et 2nde du Lavaredo en 2017, elle avait en projet de faire la Western States 100 et l’UTMB cette année.
Mais l’expérience Italienne du côté des Dolomites l’a vite ramenée à la raison, « j’ai vécu une course difficile, ce n’était pas un bon jour, j’avais pas de bonnes jambes et mentalement ce fut très dur, j’aime pas courir la nuit et encore moins avec des bâtons ».
« L’UTMB et les Ultra j’y reviendrai peut-être plus tard quand j’irai moins vite, quand on est jeune il faut profiter de ses qualités de vitesse ».
Un Black Spirit ?
Après une courte pause pour apprécier la vue sur le Lac d’Annecy, nous entamons la descente, à n’en pas douter Ruth Croft est à l’aise dans cet exercice, la foulée est fluide et les appuis sont précis.
On retrouve les berges du Lac d’Annecy, elle veut dérouler 20’ encore à plat, notre chemin se poursuit le long de la piste cyclable.
J’aborde avec elle l’esprit Black, en France nous avons cette image très forte des Rugbymen unis dans l’effort et communiant avant le match avec le célèbre Haka.
« Oui, il y a un esprit particulier dans notre pays, on est éloigné du reste du monde et lorsque l’on va sur des compétitions on veut montrer que l’on existe et que l’on peut faire de belles choses ».
D’ailleurs c’est aussi l’humilité qui caractérise l’athlète aujourd’hui âgée de 29 ans, « Dans notre culture, si on réalise de belles choses on est pas là pour s’en vanter, beaucoup de gens font des exploits mais ne les font pas pour que l’on parle d’eux ».
A l’époque des réseaux sociaux et de la sur-communication c’est un aspect quelque peu contradictoire, mais justement c’est pas là qu’elle se sent le plus à l’aise « certains de mes amis qui savent que je suis en Europe se moquent parfois de moi car je dois aussi communiquer vis a vis de mes partenaires mais il faut bien utiliser les réseaux pour ne pas se mettre trop en avant ».
Après une saison 2017 avec 6 victoires, elle aborde 2018 avec un peu moins de courses « je vais participer aux Golden Trail Series, j’irai à Pikes Peak en août et à l’Otter Trail en Octobre en Afrique du Sud , je ne serai pas aux templiers, je veux aussi refaire un marathon en fin de saison et essayer de viser un chrono en 2h35’ ».
On termine notre sortie tranquillement, quelques instants de récupération au bord du lac pour finir sur sa vision de la discipline en Europe, bien différente de l’Asie et des US, plus axés sur les 100 miles « Ici, les coureurs font sans doute trop de courses, un marathon reste un marathon, on est sollicité et les saisons sont longues, il faut savoir se ménager, on verra qui va tenir dans le temps et qui fera un burn out ».
A bon entendeur, salut !
Par Fred Bousseau – © Fred Bousseau
Ruth Croft – Team Scott Running International
Née le 15 janvier 1989 à Stillwater en Nouvelle Zélande (29 ans)
Vainqueur Marathon du Mont-Blanc 2018
Vainqueur Templiers 2017
Vainqueur Tarawera 50K 2017
Vainqueur Matterhorn 32K 2016
3ème TNF San Francisco 2016
Vainqueur CCC 2015
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