Mais si, vous en avez forcément entendu parler. 2023 : aussi noire, raffinée et travaillée qu’une Batmobile, la Blackshell de chez WISE annonçait 430 euros d’épure technique. Parce qu’on le vaut bien – nous les trailers – faut-il qu’un produit, aussi apparemment superbe, les vaille ?
Par Julien Gilleron
La marque annécienne poursuit son ascension fulgurante, distille sa philosophie et sa “blacksophistication” via une collection qui ne cesse de fleurir ce printemps : « le coureur sage est celui qui a conscience de sa juste place dans ce monde ». Nous avons pris le temps de tester ce bel objet, à I.E.R. « Impact Environnemental Raisonné ».
Les promesses techniques
- Construction 3 couches « nouvelle génération de seulement 50g/m² qui bouscule les standards de la performance ». Et bim, Steve Jobs et la NASA.
- Aussi légère et plus robuste qu’une membrane Shakedry®. Et bim, Gore-Tex.
- Imperméabilité 20K Schmerbers, haute respirabilité avec un RET < 4,5. RET ? « Resistance Evaporative Transfert » : capacité à évacuer la vapeur d’eau. En résumé : RET<6 = plancher bas pour respirabilité maximale / RET>40 : plafond haut pour irrespirabilité complète.
- 170g en M, 500ml compactée.
- Produit communautaire : ni votation, ni Referendum d’Initiative Populaire, mais la consultation (et même les réponses) de plusieurs centaines de followers trailers via ateliers et questionnaires – nous en avons été témoins. Raconte-moi la veste de tes rêves ou de ton ennemi de grupetto, et… je ferai de mon mieux. Lorsqu’il y a du dialogue et pas du démocratic-washing, nous saluons ce process, signature Wise.
Les conditions du test
- « Gran Canaria, vous connaissez ? l’île intense ». Claude Rich aurait fait une belle pub pour la TGC 2024 et sa météo dantesque. D’accord, on dit dantesque tout le temps, mais embarquer une veste inconnue sur un 85K par force 7 et 5°C, ça nous semblait dantesque. Surtout lorsqu’on franchit El Garanon (K48) et qu’Apollon passe de « caillante » à « cagnard » en 2 km.
- « Maurienne au printemps, Giboulées dans les dents » : 900<1800m d’altitude et notre désormais célèbre El Nino bipolaire Frenchie. Soleil, pluie glacée, neige fondue, crêpe au suc’.
- 3 testeurs alternés, 3 semaines, 3 efforts (originaux : séances courtes, moyennes, et longues). On est maniaco-mystiques mais on se soigne.
Le Verdict
1er contact : la Wise Attitude. Il faut parfois chercher un peu pour comprendre, mais c’est précisément une invitation Wise : la raison de vivre du produit, c’est l’usage. Juger au débotté ou contempler ? c’est oublier tout un process de réflexion. En clair, impossible de faire un test à vue car vous passerez inévitablement à côté de quelque chose. Avez-vous levé les bras pour sentir le soufflet dorsal ? Ou levé le zip pour buter contre le bidule (appelons-le languette, c’est plus classe et c’est son nom) ? Serré le cordon pour en voir (ou pas) pendouiller sa longueur ? Retourné les poignets car ils vous énervaient d’un centimètre ?
Et masochistes, niais ou exaltés, nous le considérons comme une qualité. Combien d’autres marques vous livrent un sac-sans-notice qui mérite une notice ? Wise démontre par le geste que ses produits sont pensés pour le geste.
Prise en main : Look ? Le noir mat est propre, légèrement irisé et joue l’épure. La coupe est précise, mais : les manches légèrement plus longues (hors protections poignets), le buste plus ample que ses rivales (hors soufflet dorsal). On aurait aimé quelques motifs réfléchissants de plus et une poche externe étanche. Rien de spécial des zips étanches, les coutures soudées se passent/repassent par-dessus aux points de fragilité habituels (épaules…) et les rares liaisons cousues sont soignées : nous ne constatons pas d’élargissement en tirant ferme dessus. Wise nous invitera même à « y aller franco » et « pousser les produits, increvables ».
Étanchéité en action : Vicieux que l’on est, on aimerait trouver l’anecdote qui démolit l’édifice. Mais reconnaissons que même sous 5 heures d’averse glacée, nous avons validé les 20000 Schmerbers annoncés – valant un 25000 au doigt…mouillé. Pas d’accumulation au pli du coude, bas du cou, zones de contact avec un sac ; portée sur ou sous un gilet d’hydratation, etc. La largeur des manches est très appréciable en ne les plaquant pas aux bras, la veste protège largement le bas du dos, les performances sont là. Nous n’aurons jamais réussi à « imbiber » la matière, son toucher demeurant « râpeux » et non paraffiné, excellent point. En clair, on sent nettement la construction 3 couches.
Respirabilité en action : On commence à comprendre que Wise aime les défis, preuve en est avec ce RET de 4.5 qu’une micro-veste packlite serait contente d’atteindre. Au passage, même si c’est un argument de vente, notons la clarté de l’info, alors que le client est habitué aux « 20000/25000 », « 30/30 », « 25K/75K »…
À l’usage, la respirabilité tient ses promesses. Mieux : ça respire sans…inspirer le froid et l’humidité, ce qu’on attend en théorie d’une veste « respirante » (et non trans-parente). Le léger volume supplémentaire du taillant s’associe aux qualités de la membrane pour produire ce bon transfert. Globalement, nous n’éprouvons aucun déséquilibre entre respirabilité et étanchéité ; à souligner en regard de certaines concurrentes.
Ergonomie en action : Certes, un critère vaste mais qui rassemble la « vérité vraie » d’un produit, à savoir le pratico-pratique tous azimuts.
Zip : La ronde des jurons, Brassens : ça vous dit quelque chose ? De l’art du bidule, ou l’énervement du testeur pourtant bien disposé. 3, 4, 5 fois nous aurons remonté le zip en butant sur le bidule-à-pression censé maintenir la veste ouverte de 5 centimètres. Bing ! re-bing ! Ce bitoniau…identique à celui du sac Sherpa ! Appelez-le targette, truc ou machin, mais inspirez avant et ne vous énervez pas. Agacés nous fûmes, boudeurs nous restons un peu. En plus, nous ne l’aurons jamais utilisé en action.
Vous avez dit soufflet ? Non, nous n’avons pas retiré d’incroyable bénéfice de la construction du dos. Certes, la veste tient promesse en s’enfilant comme jamais par-dessus un sac, et le taillant plus large diminue bien la compression des flasques. Mais malgré nos essais (notre culture ?), nous avons toujours eu besoin d’accéder à nos sacs et soit de relever le bas de veste, soit de l’ouvrir : on touche ici à une question d’habitude, plus que de qualité. À voir si la révolution des vestes « par-dessus” pendra.
Visière serre tête : l’un d’entre nous – préférant garder l’anonymat – trouvait le col étrangement serré et près du râtelier. On se force une demi-heure en disant que ça passera, et puis on aime souffrir. Mais Il suffisait juste de baisser un peu la capuche vers l’avant en exploitant le doux élastique serre-tête : et voici une visière gentiment rigide mais qui ne fait pas une bosse dans la poche, tient assez bien au vent car le corollaire de sa protection reste sa légère prise au vent. Mais le ratio entre profondeur et tenue aux bourrasques nous parait très juste.
Col et capuche : même si l’on trouve les tirettes de zip trop courtes, le col s’avère l’un des plus précis, efficaces et protecteurs du marchés. Cette précision implique de ne pas trop faire de lard au cou durant les fêtes, mais ça n’arrive qu’une fois par an, et ce col s’associe à une forme de capuche qui colle étonnement bien à la périphérie du visage. Chapeau (ahah). Ce point restera l’une des vraies réussites de la veste.
Poignets : leur prolongement n’emballe pas les testeurs qui certes, peuvent allonger le bras pour pousser sur le bâton, mais retourneront rapidement 2 ou 3 centimètres pour surveiller leur montre ou oxygéner leurs poils. Peut mieux faire. Détail : le cordon bas est simple et son excès pendouille un peu une fois serré.
Compressibilité : une fois rangée dans sa poche intérieure, joli défi remporté que d’équivaloir au volume d’une flasque – clairement moins de 500 ml – pour 169 grammes sur balance (taille M). Les derniers centimètres de la veste méritent d’insister un peu pour l’insérer dans la poche, mais on a vu “plus-pire”.
Réponse de Wise à certaines de nos interrogations : « Nous pensons qu’une veste imperméable de trail n’a pas vocation à porter du matériel : elle le fait d’ailleurs très mal, ça ballote. En revanche, retirer une poche inutile permet de gagner en compacité, en respirabilité, en poids et en prix. Le taillant plutôt large s’explique par le fait que la veste vise à être portée par-dessus le sac : via le soufflet, en effet, ainsi qu’une coupe à l’avant qui permet de porter les flasques ».
Super performante, Multidurable…Son juste prix ?
Alors, « increvable » ? Cette Blackshell3 présente un vrai gros 3 : véritable 3 couches qui s’est avérée impeccable contre les accrocs habituels, frottements, ou gestes intempestifs (attraper le bout pointu d’un tube métallique de crème, stocker un gel saillant dans le bas du dos…). L’avantage de l’absence de poches est aussi de ne pas pouvoir emporter d’objets perforateurs. La membrane externe est un plus indispensable en trail car même si les occasions sont rares, une seule ronce mal placée peut anéantir une veste adorée : cette Wise a résisté à une demi-douzaine de gadins coudes en avant, bête sur les flancs – sans un seul impact.
Sonne donc l’heure de la question à 10 000€ : 430€ utiles ? Nous pensons qu’une telle somme dépasse le raisonnable. Mais face à ce jugement, rappelons alors les engagements drastiques d’écoresponsabilité, de marge « juste » et le constat d’extrême durabilité (dont l’écologique) de Wise : celle-ci affiche clairement son prix de revient à 167€, et un tarif X3 et non X6 comme la concurrence ! A vous de juger…mais qu’on se le dise avant d’hurler !
novembre, 2024
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