Team Asics Fuji Trail – Sur tous les fronts

Team Asics Fuji Trail

Ces dernières semaines, les représentants du team international ASICS étaient de toutes les courses, et souvent de tous les podiums – ou presque. De la victoire de Ben Dhiman au MIUT, à celle de Maude Mathys sur la première manche des Golden Trail series à Kobe, en passant par celle de Andreu Simon sur le KAI70 du Mont Fuji, ou encore Julie Lelong championne de France CD, Asics continué d’écrire son histoire avec le trail. A ce jour, les athlètes du team ont participé en 2024 à 52 events, avec 35 victoires à la clé ! Et cela pourrait continuer ce week-end, sur la SKY RACE des Matheysins, et le suivant, sur le SNOWDONIA by UTMB. On refait le film et on « tease » ferme avec Laurent Ardito, un team manager heureux.

Recueilli par Julien Gilleron

Laurent, la team Asics a cumulé les succès jusqu’en 2018, puis a connu le creux de la vague à part quelques succès isolés (Sissi Cussot, Mathieu Clément, etc). Comment l’expliques-tu : vie d’une équipe, contre-performances cumulées, budget ?

LA : Quelle que soit la marque, le rayonnement de son « team » d’athlètes dépend toujours de ses politiques marketing … Dans l’univers outdoor/running, il y a deux grosses familles : les marques  qui vivent à 90 ou 100% du trail, et qui n’ont pas d’autres choix que d’avoir une continuité dans leur engagement – les budgets et investissements sont assez réguliers – et celles pour qui le trail n’est pas exclusif. C’est le cas d’Asics : 70% du business repose sur le running, 30% via les autres sports, et le trail représente 30% du running . Tu y trouveras donc des marques qui n’ont pas investi beaucoup pendant longtemps et s’y mettent un peu, d’autres qui y viennent, repartent, puis y reviennent etc. Asics était là dès le départ, mais par la seule volonté de la branche française qui avait perçu très tôt le marché. Cathy (NDLR : Ardito) et moi terminions nos carrières en raid aventure, on s’est trouvés à cet endroit, à ce moment … le projet nous a immédiatement intéressés, et nous avons lancé la Team Asics France en 2009 de façon mi-pro, presque mi-associative , familiale , soutenu par ASICS France car ASICS Europe et ASICS global  regardaient cet embryon de marché avec peu d’attention, tellement le volume était insignifiant.

On a poursuivi ainsi jusqu’en 2018 avec une entité ultra-petite et légère…en gagnant quand même 3 UTMB (2013, 2015 , 2018) et de nombreux autres monuments ! Puis, pour des raisons de stratégie,  ASICS a préféré ralentir l’investissement, d’où cette période de retrait. Ce fut très difficile, nous avons accusé le coup, mais il était pour moi inconcevable de juger ou de contester des choix d’entreprises. Va expliquer au board du 4° groupe de sport dans le monde, qui planifie son avenir à 5, 10 ou 15 ans, qu’il se trompe en terme de stratégie? Durant cet intervalle, nous avons changé de nom pour “Fuji Spirit by ASICS” et non plus Asics, qui était devenu un des sponsors de la structure… parmi un pool de 10 environ…. a un peu ramé pour rester à flot… mais nous avons bien fait, car juste avant le COVID, vu l’ampleur que prenait le marché, le balancier s’est inversé.

Notre développement a repris, avec un engagement fort d’ASICS Europe, ce qui nous a fait changer de dimension. Nous sommes passés d’un groupe, en 2021, qui comptait 11 coureurs de 5 pays, disputant 77 évènements et remportant 35 victoires à un groupe de 43 athlètes, provenant de 14 pays, qui ont couru 176 évènements, remportant 95 victoires en 2023 ! Cela vaut pour l’effectif, mais aussi pour tous les autres marqueurs : la création de contenu, le staff, les stages …. Forcément le rayonnement n’a plus rien à voir ! Dans le même temps notre développement à repris et nous avons je pense les meilleures chaussures du marché avec une gamme très complète, ainsi que pour la partie textile et portage.

Team Asics Fuji Trail
Laurent Ardito à l’assistance de Andreu Simon au dernier KAI70

Entre recrutements, annonces et résultats, la dynamique 2024 de la team semble hyperactive !

LA : Commercialement, nous sommes premiers en France, en termes de vente sur le 1er trimestre 2024, cela dynamise donc les ambitions. Le rayonnement de nos athlètes a fait écho ; on poursuit donc notre développement , avec le recrutement de Maude Mathys,  d’Antonio Martinez de  Ben Dhiman et de 6 jeunes.

À l’image d’Asics, Adidas, ou North Face regroupant de 20 à 50 athlètes, les teams sont-elles amenées à s’étoffer ?

LA : Oui je pense ; pour les majors, l’avenir passe par des teams globaux composés d’athlètes de tous les continents. Pas forcément tous les pays, mais tous ceux où il y a des pratiquants et donc un marché qui présente un intérêt pour la marque. Mais au-delà du marché, dans notre ADN, « anima sana in corpore sano » nous sommes attachés à la promotion du sport et de la santé. Comme la marque a contribué au développement du running, nous avons vocation à accompagner le développement du trail, en développement des produits et en accompagnant de jeunes athlètes… le Trail Elite Factory, notre académie que nous soutenons depuis 5 ans en est le parfait exemple. On sera donc présent sur tous les évènements majeurs de la saison, partout dans le monde, mais on aura certains « highlights » qui centraliseront nos budgets ; comme en Ardèche fin février, notre « Kick Off Week » avec 33 athlètes, 25 personnes du staff, des développeurs produits, 6 photographes, etc…et on répétera se dispositif sur l’UTMB avec ASICS HOUSE , le FUJI CAMP et plus de 40 athlètes.

Depuis quelques années, des athlètes pros expriment de plus en plus leur impossibilité à vivre de leur passion, ou déplorent le peu de soutien fédéral. La question de la valeur « marchande » de ces sportifs s’accroit à mesure que le trail s’industrialise.

LA : Les teams se sont construits sur un vide structurel et n’ont à ce jour pas d’existence juridique. Dans tous les sports en France, les clubs fédéraux sont des structures associatives ou des sociétés, qui pour assurer leur développement, se tournent vers l’entreprise pour se financer. En trail, je dirais donc qu’heureusement, les marques sont venues en soutien aux athlètes et notre job reste profondément attaché à soutenir, développer des carrières et accompagner des jeunes. Mais l’écosystème actuel du trail ne justifie pas (pas encore ?) qu’un sponsor investisse et crée une structure pro à l’image d’un club de division nationale en sport collectif, ou une équipe pro-continental en vélo. Il faudrait mettre 5 à 7 millions, or la dimension du marché ne le justifie pas. Et dans tous les cas, ce ne sera pas à la marque d’être propriétaire de la structure, ce n’est pas sa vocation ; il faudra qu’une structure externe et privée prenne cette initiative et ce risque. Regardez ce qui s’est passé l’an dernier en Italie, avec Dynamo, un projet de ce type s’est monté…il a duré 3 mois ! C’est trop tôt pour prétendre salarier vraiment 30 athlètes et une structure d’accompagnement.

Concernant les revendications des athlètes, on revient toujours à la question de la valeur des choses, que le marché définit. Lorsqu’un coureur me dit « je ne gagne même pas un SMIC, je ne peux pas acheter de voiture, investir dans un logement, etc », ou qu’il sollicite 2000, 3000 euros par mois, il exprime une vérité ; il le « mérite » en effet, car il s’entraine 1000 heures par an et je l’entends ; mais, même si c’est dur à entendre, il ne les « vaut pas ». Tout comme mon mérite de team manager est sans doute égal à celui d’un de mes amis qui travaille dans le top 14 de rugby…mais pas ma valeur, car les surfaces économiques du trail et du rugby n’ont rien à voir, ils ont les droits télés et les billetteries…pas nous ! Nous essayons donc d’aider les athlètes du mieux que nous pouvons, avec nos capacités, en les payant avec le plus d’honnêteté possible, dans le cadre du modèle juridique et économique actuel.

Team Asics Fuji Trail
SAra ALonso en route pour la victoire sur la Callamorro SkyRace

On a énormément commenté le départ de Jean-Michel Faure-Vincent du team Salomon qu’il a fondée en 2003. Toi depuis 2009, comment restes-tu motivé ?

LA : Motivé, je le suis comme jamais, car ce job est tout sauf répétitif ! Je n’ai pas envie de changer. Il y a 5 ans, nous bossions à deux avec Cathy. Aujourd’hui nous avons des indépendants qui sont à nos côtés sur tous les projets : coachs, médecin, kinés, photographes… et mes deux fils : ju et max sont entrés dans notre société familiale AOSC et prennent des missions de chefs de projet. Ils nous apportent une bouffée d’oxygène, car 48 athlètes, tous les projets d’évènements au service de la marque, le développement produit, cela devient énorme et ils ont une vision des choses nouvelle… bref la structuration des choses est excitante. Je n’ai pour ma part pas vraiment de plan carrière, j’avance à l’instinct et par passion, mais j’ai envie par contre d’aller au bout de ce projet, en passant d’un stade local (la France en 2009 ), à une structure globale dans les prochaines années.

En 2023, la team avait fait le buzz en accueillant des leaders comme Stian Angermund, mais 2024 a surpris tout le monde : 48 athlètes de 16 pays, Maude Mathys, Ben Dhiman, Antonio Martinez… Avez-vous bénéficié de transferts, comme paramètre « chance » qui fait partie du métier de manager ?

LA :  C’est certain, comme dans la vie, il y parfois de belles rencontres inattendues ; cela dit on ne mise pas sur la chance pour travailler ! Notre métier principal est le scouting :  c’est de détecter et designer de nouveaux athlètes, qui sont en accord avec les valeurs de la marque, ont envie de nous rejoindre, présentent un profil qui nous intéresse et font l’unanimité en interne.

Notre mode opératoire reste assez simple : on a 48 athlètes sous contrat et 6 en « seeding », c’est à dire des jeunes à qui on envoie beaucoup de produits, mais n’ont pas d’engagement juridique, on ne leur demande rien, ils ne nous doivent rien, on les aide …. Un Belge, 3 Français, une Italienne, un Suédois… ils vont probablement rejoindre le groupe un jour.

À côté de cela, on échange avec une vingtaine d’autres athlètes dans le monde, qui eux, possèdent déjà un contrat, ou pas. Peut-être qu’un jour ils feront partie du groupe, ou pas … On se connaît, on échange, ils suivent nos produits et notre actualité. Quand ils sont disponibles, on se rapproche d’eux, en respectant les clauses des contrats en cours. Il y a aussi des acteurs du milieu qui me contactent en me disant « un tel voudrait te parler ». Bref, cela prend parfois du temps :  J’ai mis 2 années pour recruter Sara, ou cela peut aller très vite : on a mis 2 semaines pour signer Ben et Antonio et depuis 3 ans nous n’avons pas trouvé d’accord avec certains. Ce qui est certain, c’est que maintenant le groupe est attractif, il dégage une belle énergie et beaucoup de tops athlètes souhaitent nous rejoindre….et quand durant la négociation , ils essayent les chaussures …ça aide !

Team Asics Fuji Trail
Julie Lelong aux France de Trail

On ne peut éviter d’avoir ton avis sur le cas Stian ANGERMUND, qui a surpris tout le monde ? (*)

C’est une triste histoire.  Je me consacre avec toute l’équipe à la promotion et à la mise en œuvre d’un sport propre et équitable, et je suis passionné par le soutien apporté aux athlètes tout au long de leur parcours et à la communauté du trail dans son ensemble.  Par respect pour la procédure et la vie privée de toutes les parties concernées, je ne peux pas faire de commentaires sur les enquêtes et investigations en cours. Cependant, j’ai remarqué que l’ensemble de la communauté, y compris ses rivaux habituels, ont beaucoup soutenu Stian, car il est très apprécié pour sa gentillesse et sa bonne volonté à l’égard de tous les acteurs de ce sport. Mon avis en général sur la lutte antidopage, c’est qu’elle est essentielle et qu’il faut l’intensifier, mais rien n’est simple. Il y a des tricheurs qui sont pris, d’autres qui ne le seront jamais, il y a d’honnêtes athlètes qui sont imprudents et manquent de connaissances, il y a des athlètes de bonne foi qui consomment des produits contaminés… bref les choses sont beaucoup plus complexes que «  un cas positif =  un imposteur, tricheur » qui doit être radié à vie. Malheureusement le tribunal populaire n’a pas ce recul !

(*) contrôlé positif à la chlorthalidone à la suite de sa victoire à l’OCC (55 km) lors de l’UTMB 2023.

décembre, 2024

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