L’entraînement ne peut pas être qu’une succession de séances bien calibrées et référencées comme de la VMA, du seuil, de l’endurance fondamentale (la sortie longue), du croisé ou encore de la rando-course. Il peut également intégrer de manière avantageuse des séances insolites destinées à surprendre physiquement et psychologiquement le traileur en quête de progression. Nous vous en présentons sept, une pour chaque jour de la semaine ou pour chaque couleur de l’arc-en-ciel, au choix !
Article extrait de Trails Endurance Mag 145
© Par Pascal Balducci
En préambule, rappelons que l’objectif de l’entraînement est de stresser l’organisme de sorte qu’il élève de manière réactionnelle son niveau de potentiel. La séance au sein d’une programmation doit favoriser les processus d’adaptation sans générer une fatigue excessive. En cela, les séances sortant de l’ordinaire remplissent pleinement leur fonction. Mais insolite ne rime pas avec désorganisée, chaque séance devant être calibrée en fonction de l’athlète et de l’objectif recherché
1 – La séance polissage de terrain, en montée-descente
Il s’agit ici d’accumuler un certain nombre de montées et de descentes, sur un même terrain. Quels sont les intérêts d’une séance apparemment rébarbative que l’on peut travailler soit au dénivelé (par exemple, je cherche à réaliser 1000m d+/d-), soit à la durée ( je pars pour 2 heures de montées/descentes) ? Ils sont nombreux en fait :
- Accumuler un maximum de dénivelé positif sur une pente de courte distance et faible dénivelé.
- Travailler les 3 dimensions de la descente:le musculaire (excentrique), l’engagement et la technique.
- Développer la capacité à enchaîner rapidement montée/descente et surtout descente/montée.
- Développer des habiletés mentales en répétant un grand nombre de fois une même boucle.
Sur l’écran ci-contre, une séance de Patrick Bohard en préparation du record de dénivelé en 24 heures. Il a répété une même boucle de 95m d+ et 500m aller-retour, pendant 6 longues heures. Bien entendu, on doit aborder de manière progressive ce type de séance en commençant par exemple par 1000m d+/d-.
Et contrairement à ce que certains pensent encore, c’est bien la descente qui est la partie traumatisante, et donc le secteur clé de la séance. Séance inutile, remake du mythe de Sisyphe ? Certainement pas, car comme le disait Roger Caillois : « Il n’y a pas d’efforts inutiles, Sisyphe se faisait les muscles. » Nous pourrions rajouter : «Patrick aussi ! ».
2 – La séance test, en contre-la-montre avec des partenaires
C’est une séance réjouissante à plus d’un titre, et plus spécialement pendant les périodes où les compétitions sont interdites. Si on est seul, on choisit une distance et un terrain en lien avec les futurs objectifs. Par exemple, un coureur qui prépare une course de montagne ou un trail court, va réaliser un test sur une boucle de 5 à 10 km.
Un coureur qui prépare un trail long ou un ultra peut monter jusqu’à 20 km, à une intensité moindre bien entendu. Les intérêts sont multiples de se mettre en conditions de course, au-delà du fait de stresser l’organisme de manière inhabituelle. Mais là où ça devient excitant, c’est quand cette séance est réalisée à plusieurs avec des handicaps relatifs au niveau des coureurs. Comment faire ?
Voici une méthode assez simple : on prend en compte les derniers résultats communs des coureurs et on ramène la différence de temps en pourcentages. Prenons par exemple 3 coureurs qui, sur leur dernier trail de 40 km, ont réalisé 4h, 4h30 et 5h.
Les écarts en pourcentages sont de 12.5% (le 2ème sur le 1er) et de 25% et 11% (le 3ème sur le 1er et le 2ème). A présent, imaginons que ces athlètes s’engagent sur une boucle de 10 km et 500m d+/d-. Il faut estimer le temps du premier, disons 55min, pour calculer les temps estimatifs des deux autres, à l’aide des pourcentages. On obtient alors 1h02 et 1h09.
Ainsi, le 3ème partira le premier avec 7 et 14 minutes d’avance sur ses camarades. Le challenge sera pour lui de ne pas se faire rattraper. Le deuxième vivra le double enjeu de revenir devant sans se faire reprendre par l’arrière. Et le dernier à partir aura pour objectif de dépasser tout le monde, bien entendu.
Cette séance à plusieurs permet donc à chacun d’évoluer à son niveau et de se dépasser.
Dernier conseil : faites un repérage du parcours, balisez-le de manière éphémère au besoin. Et comme toute séance test, une fréquence mensuelle est suffisante.
Les 12 séances clés du trail running
3 – La séance montée course – descente télécabine
C’est une variante de la première séance, mais ici l’accent est mis uniquement sur la montée alors que la descente est banalisée. L’intérêt premier est de cumuler un maximum de dénivelé (travail musculaire – concentrique pur – en montée) sans subir les traumatismes dus à l’excentricité des descentes répétées.
Bien entendu, ce type de séance se pratique l’été dans une station de montagne. C’est même devenu un modèle de compétition sur une durée horaire, comme l’ultra montée du Salève en Haute-Savoie et plusieurs autres courses (à découvrir ici ). Les durées de ces épreuves varient entre 2h et 8h avec à chaque fois un temps de descente banalisé.
Le bon pacing
C’est bien entendu un excellent exercice de préparation aux trails et ultras de montagne. On veillera à maîtriser sa première montée car un bon pacing est le premier critère de réussite sur la durée. Pour cela, on peut prendre des repères chronométriques mais également contrôler sa fréquence cardiaque en déterminant une limite à ne pas dépasser selon la durée de l’exercice.
Prudence au début de chaque ascension car la récupération est passive dans la cabine, ce qui nuit à la métabolisation du lactate produit en montée. Bien entendu, on peut imaginer la séance inverse, montée en télécabine, descente en courant, à visées musculaire et technique, mais ce type de séance est particulièrement traumatisante et ne peut se réaliser que très rarement.
4 – La séance de tapis en bosse
C’est bien entendu une nouvelle séance clivante car elle ne peut être réalisée que par les heureux détenteurs d’un tapis de course inclinable, à la maison ou en salle de sport. Toutefois, elle est usitée avantageusement par les traileurs résidant en plaine.
Elle peut se faire en continu ou en fractionné après un échauffement progressif. Ce type de séance nécessite un tapis qui s’incline à minima à 10%, une habituation aux tapis, une aération de la pièce (fenêtre ouverte ou au pire un ventilateur), et une idée du rapport entre la vitesse en pente et la vitesse à plat.
Bien calibrer sa séance
Pour cela, il faut s’aider des données issues de la recherche sur les coûts énergétiques. Plus le pourcentage de la pente est élevé et plus je dois augmenter l’intensité de l’effort à une même vitesse. Ainsi, à 15% de pente, je consomme en moyenne deux fois plus d’oxygène qu’à plat.
Ma vitesse est donc deux fois moindre. Voici un tableau indiquant les vitesses moyennes à 10, 15 et 20% de pente, correspondant à la vitesse à plat. Ainsi, courir à 7 km/h dans une pente à 20% revient à courir à 16 km/h à plat. A pourcentages élevés et à vitesses modérées, la limite marche-course est proche. Attention toutefois à vérifier au moyen des plages de fréquences cardiaques les correspondances entre les vitesses plat-montée, car on observe de fortes disparités entre les individus concernant les coûts énergétiques de montée.
De plus, les rapports indiqués dans le tableau ne sont valables que pour des intensités sous-maximales car ils sont basés sur des rapports de coûts énergétiques qui excluent la participation du métabolisme anaérobie.
A partir de ce tableau, on peut imaginer toute une batterie de séances à toutes les intensités.Exemple de séance d’endurance active pour un athlète à 20 km/h de VMA à plat : échauffement 3 x 5min à 11/12/13 km/h + 5 min à 15% et 7.5 km/h, puis 30 min à 80% d’intensité et 15% de pente, à une vitesse de 8.5 km/h, puis récupération active 5-10 min à 11 km/h à plat.
Le gros avantage de cette séance est de pouvoir travailler sur une longue durée (et donc aussi une longue distance) en côte régulière et à une même vitesse, mais peut-être pas à une même intensité !
En effet, l’examen des fréquences cardiaques permettra de visualiser une éventuelle dérive cardiaque témoignant d’une élévation de l’intensité de l’effort, même si sur cette durée une dérive cardiaque due à l’augmentation de la température interne se met progressivement en place, d’où la nécessité de bien aérer la pièce, de s’hydrater, et de s’essuyer au moyen d’une serviette accrochée au tapis.
5 – La séance enchaînée pour se déchaîner
La problématique essentielle en ultra trail est la suivante : comment se préparer à parcourir de longues distances sans générer une fatigue excessive à l’entraînement en raison de la répétition de longues séances courues ? Les séances croisées permettent il est vrai de développer un grand nombre d’adaptations mais elles restent non-spécifiques de l’activité.
Ainsi, la séance qui enchaîne course-vélo ou vélo-course permet d’allier la durée à la spécificité. On peut utiliser le vélo en préfatigue ou en récupération.
Exemple de séance à visée de développement de l’endurance fondamentale
2h de vélo route ou de VTT à intensité régulière + 1h à 1h30 de course à intensité basse et régulière.
Autre type de séance : sortie trail de durée variable (45 min minimum) + sortie vélo de durée variable selon le moment de la saison. Le changement d’activité en cours de séance permet d’en réduire la monotonie, l’ennemie du traileur.
6 – La séance d’endurance musculaire, celle qui pique !
Cette séance a pour objectif de répondre spécifiquement aux contraintes du trail, à savoir une forte variation des vitesses de course, et une alternance des sollicitations musculaires. Par exemple, un pratiquant peut évoluer à 12 km/h sur une partie plate puis se retrouver en forte pente à 3 km/h.
L’entraînement de course en continu ne permet pas de répondre efficacement à ces fortes contraintes. Certes, l’entraînement en terrain trail va préparer le traileur à la variation des terrains et des vitesses de locomotion correspondantes, de la même manière que l’entraînement en continu prépare à la course en continu, mais cela reste insuffisant.
En effet, le but des séances d’entraînement est également d’accentuer les difficultés (intensités, contraintes musculaires, technicité) afin de favoriser les phénomènes adaptatifs. La séance suivante mime et accentue les difficultés du trail, mais elle est également utile à tous les coureurs (piste-route-triathlon) qui ont intégré la force comme facteur essentiel de la performance, notamment par la voie de l’économie de course.
Il s’agit donc ici d’alterner des 400m à 100% de PMA et un exercice de renforcement musculaire (par exemple demis-squats). Quand cette séance est réalisée sur piste, on observe généralement une perte de 10% de performance entre la première fraction et les suivantes.
Et contrairement à ce que l’on pense, on observe ensuite une stabilité des performances par l’atteinte d’un état d’équilibre temporaire. C’est au niveau des différences interindividuelles que s’observent les profils de traileurs experts et non-experts.
Bien entendu, on peut faire varier le type d’exercice entre les sessions de course : gainage, burpees, pompes …). L’échauffement doit être complet afin que la dette d’oxygène, contractée à l’issue de la première répétition, soit limitée. Cette séance se caractérise par un ressenti d’effort maximal sur les 2-3 premières répétitions. Il faut donc accepter d’être dans le dur pendant les 6-7 premières minutes. Il faut également veiller à enchaîner promptement les exercices, et atteindre le plus rapidement possible son intensité cible après les demi-squats.
En répétant cette séance, on peut visualiser une amélioration sur plusieurs critères : le temps global de la séance, le temps des fractions, le temps de réalisation des squats, la décroissance de vitesse entre la première fraction et les suivantes (par exemple le rapport vitesse moyenne/vitesse 1ère fraction), et bien entendu sur les sensations et la qualité de réalisation des demi-squats. Il n’est pas non plus nécessaire de réaliser les fractions à VMA/PMA car on peut tout à fait intégrer des exercices de renforcement au sein de sessions de courses à intensités variables.
7 – La séance sans fin pour développer sa VO2max et son temps limite
Cette séance consiste à courir à une même vitesse, avec une même récupération, mais sur des distances croissantes (100/200/300…). A première vue, cette séance n’a rien de spécifique pour le trail. Et bien si, car toutes les études sont consensuelles sur le sujet : la consommation maximale d’oxygène (ou VO2max) est un facteur de performance essentiel, et être performant sur du long et même très long, vallonné et technique, ne dispense pas de travailler le qualitatif.
Ainsi, le développement de la filière aérobie doit être effectif sur les versants capacité et puissance. Il existe de multiples voies pour développer le VO2max et sa vitesse associée de terrain (la vitesse maximale aérobie, ou VMA) en jouant sur le volume de la séance, le nombre de séries et de répétitions, l’intensité des fractions et celle de la récupération … mais tout commence évidemment par l’évaluation.
VMA et temps limite
L’idéal pour évaluer la VMA est de procéder à un test progressif de type VAMEVAL. Pour autant, la détermination de cette vitesse qui va servir à calibrer de nombreux entraînements n’est pas suffisante. En effet, à VMA égales, les performances des coureurs peuvent grandement varier, et cela après quelques minutes de course seulement.
C’est pour cela que la notion de temps limite est importante. Ce temps limite est la durée de maintien de la VMA et ce test doit compléter celui de VMA. Le but des séances de développement est de provoquer un stress métabolique qui va contraindre notre organisme à réagir et s’adapter.
La séance présentée est basée sur la VMA et sur la capacité à la maintenir dans le temps. C’est une séance très difficile, donc à ne pas répéter régulièrement. Quand l’athlète flirte longtemps et répétitivement avec sa VMA, de nombreuses habiletés mentales sont également mises en jeu.Cette séance nécessite de l’expertise et de la fraîcheur physique et mentale.
Pourquoi ? Parce que l’athlète va devoir aller le plus loin possible en respectant l’allure demandée. La difficulté est croissante car la distance augmente de 100m à chaque fraction, alors que la récupération ne varie pas (100m trot en 30 à 40 secondes) !
De plus, l’athlète doit être en mesure de maîtriser son allure de VMA, ce qui n’est pas toujours évident. Notre conseil est de mémoriser cette allure en fin d’échauffement par 3 lignes droites courues à 100% VMA.Pour cette séance, les consignes sont simples: être le plus régulier possible !
Toute erreur sur les premières fractions se paiera cash sur les suivantes car l’allure demandée vous fait évoluer sur le fil du rasoir. Ainsi, il faut contrôler les temps de passage tous les 100m sur chaque fraction. La séance s’arrête quand on n’est plus capable de tenir l’allure, ou de récupérer en courant. Cela peut survenir au milieu ou à l’issue d’une fraction.
(Séance à retrouver in extenso dans Les 12 séances clés du trail running)
Ca pique au 400m, tenez au moins jusqu’au 600m !
Le port du cardiofréquencemètre est fortement conseillé pour analyser au mieux les données. Quand la séance commence à être difficile (généralement après le 400m), pensez au relâchement et concentrez-vous sur des paramètres comme la foulée et la respiration. La séance commence à être intéressante si vous parvenez au moins aux 600m, soit un volume global de 2100m à VMA, ce qui constitue une bonne base.
L’athlète qui atteint les 1000m réalise 5500m à VMA, ce qui est une grosse séance. Sachez que pour une même VMA, la fraction maximale atteinte peut varier fortement. Sachez également que pour un(e) même athlète, la répétition de cette séance conduit généralement à une amélioration, le plus souvent due au développement d’habiletés mentales (motivation, concentration, relâchement).
Pensez au cardiofréquencemètre pour une séance optimale
L’examen des fréquences cardiaques permet également de savoir si l’athlète a su solliciter au maximum ses capacités cardiovasculaires, ainsi que l’état de forme du moment. Cette séance est insolite car elle n’a pas de fin programmée ! L’arrêt se fait quand l’athlète n’est plus capable de soutenir la vitesse requise (sa VMA).
Selon l’athlète et les objectifs, on peut choisir une vitesse inférieure à sa VMA (pour développer le temps de soutien), voire supérieure (pour développer la VMA). Deuxième aspect intéressant, la récupération qui est unique : 100 m trot. Si elle apparaît suffisante sur les premières fractions, elle est ensuite largement incomplète à partir du 500m, ce qui rend la séance de plus en plus difficile et qui lui permet d’atteindre les objectifs fixés.
En effet, pour solliciter VO2max, il faut faire tourner la machinerie oxydative à plein régime. En raison de la cinétique de VO2 (paramètre variable selon l’expertise des athlètes), cela nécessite des fractions relativement longues (> 2min), ce qui est le cas pour cette séance. Cette séance est à placer en début et en fin de cycle de développement de la VMA. C’est une séance de développement mais également une séance test qui servira de référence.
Article extrait de Trails Endurance Mag 145
© Par Pascal Balducci
décembre, 2024
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