Courir sur le sable, Stephan Plana sait le faire. En février 2024, l’aventurier, préparateur physique et ancien membre de l’équipe de France de culture physique a parcouru 366 kilomètres dans le Sahara mauritanien sous 40 à 55°C. L’objectif de son expédition de six jours était d’effectuer une étude – dont les analyses sont en cours – sur les réactions des systèmes cardiaque et hémodynamique à l’effort dans des conditions extrêmes. Quelques jours après une conférence donnée à l’hôpital Sainte-Musse (Var), il nous a accordé un entretien d’une heure pour livrer ses conseils afin de réussir une aventure dans le désert ou finir un Marathon des Sables (MDS), dont neuf évènements sont prévus cette année.
Comment se prépare-t-on à une aventure dans le désert quand on habite en ville ?
Il faut avoir une bonne résistance physique et une bonne endurance pour être prêt physiquement à endurer les kilomètres. Surtout que l’effort ne se fait pas sur la route. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le sable n’est pas un terrain régulier. Il suffit d’aller marcher sur une plage pour s’en rendre compte. Et puis, dans un désert, on rencontre aussi des pierres et il y a du dénivelé, avec les dunes notamment.
Donc, pour faire face à ces longues portions irrégulières, ce que je préconise, c’est un réel renforcement musculaire à base d’exercices de pliométrie. Ce peut être des sauts, mais aussi des montées de jambes sur un banc en faisant des séries sur la jambe droite, puis sur la jambe gauche, et enfin en alternant jambe droite et jambe gauche. Un exercice comme cela va renforcer la cuisse et les fessiers de la jambe sur le banc, le mollet de la jambe au sol, ainsi que le système cardio-vasculaire en résistance.
Pour l’endurance, faut-il faire des sorties longues avec de l’alternance marche-course ?
Je suis plus dans la théorie du « qui peut le plus, peut le moins ». Dans un ultra-trail, on va forcément marcher, quel que soit le niveau du coureur. Je préfère donc les séances courtes et longues avec uniquement de la course et garder l’alternance marche-course pour le jour de la course ou de l’expédition. Par contre, je ne recommande pas de dépasser les sorties de 25 kilomètres. Pour augmenter le volume, je préfère demander à ceux que j’entraîne de faire plusieurs heures d’entraînement non-stop en associant des séances.
Par exemple, faire une heure de préparation physique, enchaîner avec une heure de vélo statique, puis une heure de course à pied. Cela permet d’éviter les longues sorties à accumuler les kilomètres, qui entraînent une fonte musculaire et empêchent parfois de s’entraîner les jours qui suivent. Enfin, il y a aussi un travail sur le haut du corps à faire pour bien profiter des bénéfices des bâtons.
Comment avez-vous géré la chaleur ?
Avec ce soleil et ces températures, il faut savoir que la moindre parcelle de peau exposée va forcément brûler. Il est donc préférable de rester au maximum couvert. Par exemple, j’avais opté pour un vêtement technique anti-UV (manches longues), qui a aussi comme qualités d’être micro-perforé et de sécher rapidement. Au niveau du visage, j’avais un chèche (écharpe originaire des régions sahariennes que l’on porte autour de sa tête), une casquette saharienne qui permet de protéger la nuque et des lunettes de soleil de niveau de protection 4 (le niveau maximum) complètement opaques, avec un adaptateur pour protéger le nez.
C’était pareil pour les membres inférieurs où je portais des manchons anti-vibrations. Ils maintiennent les mollets pour éviter la sur-fatigue, mais je les mettais surtout pour me protéger du soleil. On ne pense pas souvent aux jambes et pourtant, quand on prend un coup de soleil au niveau des mollets, cela peut mettre en péril le projet. Si tu brûles vraiment, cela crée une grosse rétention d’eau qui va empêcher le bon déroulement de la foulée et augmenter les risques d’inflammation au niveau musculaire.
Comme sur un MDS, vous avez enchaîné des étapes sur une semaine. Quels conseils pouvez-vous donner au niveau de la nutrition pour bien récupérer ?
À la fin de la journée d’effort, je favorise la prise de protéines pour réparer les dégâts occasionnés par les gros efforts de la journée, en l’associant à une surcharge de glucides. On dit souvent qu’il est inutile de manger des glucides le soir, mais c’est une erreur si tu t’entraînes le matin de bonne heure – comme c’est le cas sur beaucoup d’ultra-trails ou sur une expédition – car ils seront immédiatement disponibles. En revanche, oui, si tu t’entraînes l’après-midi, il n’y a pas besoin de ces glucides, car ils vont être stockés et transformés en graisse. Manger des glucides le soir a un autre avantage : celui de baisser la température de corps, ce qui favorise l’endormissement.
Le matin, je suis plus pour une prise d’aliments protéinés uniquement, afin de réparer la structure musculaire de la veille et pallier aux problèmes de fonte musculaire dues à la nuit. Mais je ne prends pas de glucides pour éviter de surcharger l’organisme. Je les apporte pendant l’effort, en prenant, par exemple, des barres de flocons d’avoine. Par contre, il doit y avoir le moins de sucres rapides possibles afin d’éviter l’hypoglycémie réactionnelle (une fatigue liée à une chute du taux de sucre dans le sang à cause d’une hausse soudaine de la glycémie provoquant un pic d’insuline excessif).
Il ne faut pas oublier les électrolytes non plus, car en milieu désertique, boire de l’eau ne suffit pas. Le mieux est de prendre des BCAA (isoleucine, leucine et valine ; des acides aminés ramifiés que l’organisme ne sait pas fabriquer et qu’il faut donc apporter d’une source extérieure) sous la forme de poudres à mélanger avec de l’eau. Non seulement la boisson va permettre d’éviter la fonte musculaire pendant l’effort, mais surtout, dans la poudre, il y a également du potassium, du sodium et du chlorure, ce qui permet l’apport des électrolytes.
Comment gérer l’effort et notamment l’alternance marche-course pendant la course ?
Il faut savoir s’adapter à la situation. Sur une épreuve de plusieurs jours, le mieux est de tâter le terrain le premier jour. Au départ, le corps est frais et a envie de courir tout le temps. Mais attention à ne pas le payer les jours suivants…À partir du deuxième jour, on sait alors comment on se sent sur les différents terrains pour savoir s’il vaut mieux courir ou marcher.
Par exemple, une dune, il ne faut pas forcément la monter en marchant, car plus tu vas être lent, plus ton pas va glisser. Il vaut donc mieux l’aborder en allant un peu plus vite en utilisant la pointe des pieds et avec des grosses poussées sur les bâtons, puis récupérer de l’autre côté de la dune, dans la descente.
Vous avez expliqué que vous n’aviez pas eu d’ampoule. Quel est votre secret ?
(Rires) J’ai bien préparé mes pieds pendant trois mois. Au début, je les ai frottés une fois par semaine avec du citron vert le matin et je les ai hydratés avec de la crème le soir. Puis, progressivement, je le faisais de plus en plus souvent dans la semaine, jusqu’à le faire tous les jours. Et sur les dix derniers jours, je n’ai fait qu’hydrater mes pieds matin et soir.
Quel est l’effet du citron vert ?
Il tanne la peau. C’est le même effet que si on marchait pieds nus. Mais l’Homme n’est pas habitué à marcher pieds nus, donc, pour plein de raisons – hygiénique mais aussi pour éviter de se couper – je conseille le citron vert qui a la même action.
À quoi avez-vous pensé pour avancer quand vous étiez seul dans le désert ?
Je réponds souvent que je ne pense à rien, mais ce n’est pas tout à fait vrai. Je pense à ceux que j’aime pour me motiver. Ceux qui m’ont soutenu et qui ont dû accepter les sacrifices lors de ma préparation. Je cours pour eux et je me dis que ça leur permet de vivre l’aventure par procuration.
Auriez-vous un dernier conseil pour ceux qui vont participer prochainement à une course dans le désert ou y mener une aventure ?
Il faut qu’ils le fassent pour de bonnes raisons. Non pas pour briller aux yeux du monde et le partager sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, s’ils y parviennent au cours de leur expédition, je ne sais pas dans quel désert ils sont, parce que, moi, dans tous les déserts que j’ai traversés, je n’avais pas de réseau (rires).
*Le MDS Maroc en janvier et en octobre ainsi que le MDS Trek Maroc en octobre, le MDS Raid Namibie en avril, le MDS Cappadoce en juin, le MDS Fuerteventura en septembre, le MDS Jordanie en novembre, le MDS Pérou en décembre et, bien sûr, le MDS The Legendary, au Maroc, du 4 au 14 avril prochain.
2025 MDS CALENDAR IS HERE!
— MARATHON DES SABLES (@marathonDsables) November 15, 2024
As we wrap up 2024, it’s time to explore the 2025 destinations and gear up for a year filled with challenges and emotions! pic.twitter.com/5G5pDhmRrM
Propos recueillis par Killian Tanguy
janvier, 2025
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