Courir en hiver – Prêt à affronter la neige et le froid ?

Courir en hiver

L’hiver est là – ou bientôt là – le froid et l’humidité s’installent, les sols se dégradent et se couvrent parfois de neige, jusqu’en plaine. Dans ces conditions nouvelles, courir en hiver devient une autre discipline, plus complexe, souvent plus contraignante. Par conséquent, il faut pouvoir contrer les assauts du froid par l’habillement et la nutrition, et chausser les bons pneumatiques pour maintenir l’adhérence. Voici quelques tuyaux pour affronter l’hiver !

Par Pascal Balducci

En préambule, comme nous l’avons maintes fois expliqué, rappelons que l’hiver est le moment idéal pour modifier ses modalités d’entraînement en croisant davantage. Le ski, qu’il soit alpinisme, de randonnée ou de fond, est une pratique idéale pour ceux qui le peuvent. Elle permet de développer un grand nombre d’habiletés physiques (endurance, force, coordination…) tout en réduisant les contraintes excentriques de la course. L’hiver, on peut également amplifier sa pratique en salle avec différents ergomètres : rameur, home trainer, vélo elliptique, step-climber, presse, et bien entendu tapis roulant. Ça peut être aussi le moment idéal, toutefois sur une période maximale d’un mois, de réaliser sa coupure annuelle, à but de récupération et de régénération. Pour autant, l’hibernation totale n’est pas conseillée et pour une grande majorité d’athlètes, la course à pied reste de mise, sur tout-terrain et dans toutes les conditions. Heureusement, même dans des conditions hivernales sévères, l’être humain n’est pas à court de moyens pour s’adapter.

Courir en hiver
Le ski alpi, alternative à la course à pied en hiver

Premier constat, nous sommes peut-être le seul animal à pouvoir vivre sous toutes les latitudes, des pôles à l’équateur ; et pour subsister dans les régions froides, nous disposons de moyens efficaces pour lutter contre le refroidissement, au-delà de l’habillement bien évidemment :

– La vasoconstriction, diminution du flux sanguin chaud (37°C) vers les extrémités très exposées au froid, permet de limiter les échanges avec le milieu extérieur.

– La production de chaleur, soit par une activité physique volontaire, soit par le frisson. Les frissons sont des contractions involontaires des muscles dont la fonction première est de réchauffer l’organisme en de baisse de la température corporelle (hypothermie). Les muscles, dans cette lutte contre le froid, se contractent très rapidement (environ 10 contractions par seconde).

– La libération de noradrénaline, une hormone qui booste le métabolisme pour lui faire produire de la chaleur.

La mise en jeu de ces moyens de défense permet à la personne exposée au froid de se protéger efficacement et d’éviter l’installation d’une hypothermie, synonyme dans un premier temps de baisse de la performance, puis potentiellement léthale.

Je cours, donc je chauffe !

Par l’activité physique, ici de la course à pied, l’individu produit une chaleur dite endogène. L’athlète se réchauffe jusqu’à l’équilibre thermique, et produit même assez rapidement de la chaleur en excès, selon la durée et l’intensité de l’effort, mais aussi selon son habillement et la température extérieure réelle et ressentie. Toutefois, la mise en condition musculaire, articulaire, tendineuse…c’est-à-dire l’échauffement, doit être très progressive car le froid reste un obstacle à la pleine expression de ses moyens physiques. En effet, même s’il n’existe pas de température seuil (la notion de froid restant subjective), des études ont montré qu’à une température de -18°C, la consommation maximale d’oxygène est réduite de 6.5% par rapport à une température de 20°C. La vitesse de course est donc réduite pour une même intensité d’effort. Du côté ventilatoire, pas de modification notable, idem pour la fréquence cardiaque. D’autres études ont montré l’apparition de bronchospasmes (= respiration sifflante) à l’issue d’efforts intenses de type cross ou trails blancs courts. De plus, ces symptômes disparaissent le plus souvent après quelques heures de repos. On peut donc considérer que le froid modéré n’est pas l’ennemi du traileur dans la mesure où il suffit de se couvrir : vêtements imperméables pour repousser le vent et la pluie, assez chauds pour éviter le refroidissement de l’organisme, et respirants pour permettre l’évacuation de la chaleur endogène. On n’oublie pas de se couvrir les extrémités (bonnets + gants) en raison de la vasoconstriction périphérique.

Courir en hiver

La question de l’acclimatation au froid est tout de même posée. Est-il intéressant de s’entraîner par grand froid pour être plus performant en compétition ? Comme pour la chaleur, la réponse est oui si on prépare une course polaire ou des trails blancs en montagne. Dans le domaine de l’habillement comme de l’alimentation-hydratation, il n’y a pas de règle universelle. Il y a autant de procédés que d’individus et chacun peut réagir différemment d’une course à l’autre et d’une saison à l’autre. Nos résistances au froid et au chaud sont différentes, nos dépenses caloriques pour un même effort sont très variables, la capacité d’acclimatation est également très subjective.

La fameuse question des « Trois couches » pour s’entraîner l’hiver

Au-delà de l’acclimatation, la lutte contre le froid est grandement facilitée par le port de vêtements adéquats, c’est-à-dire adaptés à l’environnement et à l’activité. Les caractéristiques du parfait vêtement isolant seraient :

– d’être composé d’une matière isolante,

– d’emprisonner de l’air qui est un excellent isolant,

– de couper du vent,

– de rester sec en évacuant la sueur produite au moment de l’effort.

Réunir toutes ces qualités en un seul vêtement est difficilement réalisable, mais en superposant plusieurs couches, on peut obtenir une excellente protection contre le froid tout en conservant des qualités de confort. C’est le fameux principe des 3 couches : transfert, isolation et protection. La 1ère couche, près du corps, transfère l’humidité de la transpiration à l’extérieur. Eviter absolument le coton et préférez les tissus techniques qui respirent et sèchent rapidement. La 2ème couche isole le corps et préserve sa chaleur. Quant à la 3ème couche, de type coupe-vent, elle protège des intempéries. Si elle est indispensable à l’entraînement et à l’échauffement, on peut s’en dispenser parfois en compétition. A chacun de trouver la bonne combinaison de couches (1 et 2 ou 1 et 3, voire 1, 2,3) selon les conditions météo et sa propre physiologie. Pour le bas, le collant est indispensable car même en cas de temps clément, les projections de neige et de glace sont fréquentes. Pour compléter la panoplie, n’oublions pas une paire de gants et un bonnet car les extrémités du corps sont très sensibles au froid en raison du phénomène de vasoconstriction.

Une nutrition adaptée au froid ?

En réalité, il n’y a pas d’aliments spécifiques pour lutter contre le froid. Le frisson épuise rapidement les réserves de glucides, qui sont, contrairement aux graisses, limitées. Il est donc important de maintenir un stock suffisant en glycogène, en consommant aux repas plus de glucides (à index glycémique faible) que d’habitude, et en ayant dans ses poches et son sac d’hydratation de quoi prévenir un coup de barre. Sur les ravitaillements, consommer une boisson ou un plat chaud apporte un bien être important en plus de l’énergie libérée par les aliments. Au quotidien, une alimentation équilibrée qui évite les carences en Fer, calcium, magnésium… est fortement recommandée pour renforcer son immunité.

A cela, il faut ajouter que la sécheresse de l’air en montagne accentue la déperdition en eau. Il faut donc veiller à maintenir un bon capital hydrique en absorbant régulièrement des boissons. Pour éviter les mauvaises surprises dues au gel, protégez votre sac d’hydratation. Un truc : glissez-le sous vos vêtements et protégez le tuyau par du néoprène. Si vous utilisez un bidon, la seule solution est de mettre de l’eau tiède ou chaude afin d’éviter une eau très froide, voire gelée, au moment de l’absorption.

Des chaînes pour la neige ?

Sur neige, l’état du sol est très variable : poudreuse, neige dure, neige tassée, glace… Il faut donc de l’accroche. Ainsi, il faut proscrire absolument les chaussures de route à semelle lisse. Chaussez de préférence un modèle trail avec forte accroche. Enfin, de nombreux coureurs optent pour le système Yaktrax® qui permet de fixer des chaînes métalliques sous ses chaussures habituelles et de passer partout (si l’enneigement est total). Être bien chaussé évitera des glissades intempestives et des dérapages latéraux souvent dramatiques pour les adducteurs. Dans le cas de neige fraîche, ce sont les ischios-jambiers et les quadriceps (muscles de l’arrière et de l’avant des cuisses) qui vont être fortement sollicités. Sur certaines courses hivernales surprises certaines années par le froid, comme la Saintélyon, les coureurs mal équipés sont fréquemment victimes de chutes aux conséquences parfois désastreuses. Dernier conseil pour l’équipement, les guêtres. Sur les entraînements ou des épreuves dépassant l’heure de course, il est judicieux de se munir de guêtres imperméables afin d’éviter les rentrées intempestives de neige et de glace dans les chaussures et les chaussettes. Cela peut entraîner des gênes et des brûlures désagréables.

Courir en hiver

Une foulée bien particulière

Une fois bien échauffé et bien équipé, il n’y a plus qu’à courir. La foulée sur neigeest spécifique et s’acquiert naturellement avec la pratique. Elle se différencie de la foulée régulière sur bitume. Sur terrain glissant – neige, boue ou sable – la foulée se fait plus courte, plus fréquente et le temps d’impulsion au sol plus bref afin d’éviter les appuis fuyants. Cela peut ressembler à ce qui se passe quand on court la première fois sur un tapis roulant. Pour assurer les appuis, on les multiplie, donc on augmente la fréquence du pas. Cette modification des paramètres de la foulée et l’irrégularité des appuis peut influer négativement sur les pulsations cardiaques. Ainsi, en compétition sur neige, il faut gérer son départ sous peine de se retrouver dans le rouge au bout d’un kilomètre, la Fréquence Cardiaque Maximale pouvant vite être atteinte ! L’altitude peut également modifier le ressenti d’effort et pousser à la faute.

En montée, si ça glisse, ne pas s’affoler, ralentir, écarter davantage les appuis au sol, tirer sur les bras (ou appuyer sur les bâtons) et rechercher un équilibre respiratoire. Dans une neige fraîche, le déploiement de force est nécessaire pour compenser l’absence de renvoi élastique. Il faut donc réduire sa vitesse pour ne pas évoluer à des intensités trop élevées, et comme pour toute course nature, il faut savoir alterner la marche et la course pour maintenir une intensité stable. La fréquence cardiaque, dans une stratégie dite de pacing, est donc un bon indice à surveiller, au-delà des sensations souvent trompeuses.

Une préparation physique adaptée

Pour éviter de belles courbatures post-course et des traumatismes musculaires et articulaires, il est indispensable de se préparer physiquement pour les trails blancs. Encore une fois, le trail est une affaire de motricité globale, et pas seulement de course. Force, technique, coordination, souplesse…sont des qualités essentielles à une mobilité efficiente. L’idéal est de pouvoir s’entraîner dans la neige car c’est là que vous pourrez régler votre foulée et prendre tous vos repères. C’est le principe même de spécificité de l’entraînement. Vous y apprendrez à monter (foulée courte et fréquente) mais aussi à descendre en neige fraîche (talon en premier pour amortir le poids du corps) comme en neige damée (pied plus à plat ou sur l’avant). Courir sur neige est une véritable activité de proprioception. En quelques centièmes de secondes, votre pied doit vous renseigner sur la nature du terrain et vous permettre d’adapter la phase d’amorti et de soutien. Mais la plus grande partie des traileurs n’habite pas la montagne et beaucoup doivent se contenter du bitume et de la piste pour préparer les échéances hivernales. Alors voici quelques conseils de préparation :

  • Intégrer de la Préparation Physique Générale dans votre entraînement hebdomadaire. Du travail de gainage au niveau de la ceinture abdominale mais aussi un renforcement des membres inférieurs (fentes, squats, chaise…) et supérieurs (pompes aidées ou non, burpees…)
  • Intégrer des descentes de tout type dans vos séances pour un renforcement en excentrique, et un travail spécifique des ischios-jambiers.
  • Réaliser des exercices de proprioception sur BOSU® ou en terrain instable (sable), comme par exemple des appuis unipodaux, yeux fermés ou ouverts, bras écartés ou le long du corps…
  • Avant l’épreuve, réalisez un échauffement complet d’une trentaine de minutes comprenant mobilité, footing, éducatifs, accélérations.

Au final, l’affaire n’est pas si compliquée, on optimise son plaisir de courir sur la neige et dans le froid si :

  • On se prépare physiquement aux contraintes de la course sur neige pour éviter courbatures et blessures.
  • On s’habille et se déshabille en fonction de la température et en respectant le principe des 3 couches.
  • On s’alimente et on s’hydrate de manière conséquente.
  • On se chausse selon la nature du terrain. L’accroche est indispensable, la légèreté conseillée.

S’il est difficile de s’adapter à la chaleur, les moyens de s’adapter au froid sont nombreux. Alors sortez couverts, mais sortez !

décembre, 2024

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