L’équipe de France a vécu un tourbillon d’émotions lors de la troisième journée de compétition à Canfranc (Espagne), consacrée au trail long. Louison Coiffet et Benjamin Roubiol ont partagé l’argent et ont largement contribué à la victoire des Tricolores par équipes, qui conservent leur titre. Le collectif féminin, emmené par Anne-Lise Rousset (6e), est aussi monté sur le podium avec une belle médaille de bronze.
« Ils arrivent ensemble ! » Le speaker espagnol s’égosille depuis plusieurs minutes dans la langue de Cervantes, mais fait un détour de quelques secondes par Molière. L’occasion est trop belle : voici Benjamin Roubiol et Louison Coiffet qui déboulent dans la dernière ligne droite de ce trail long des championnats du monde de Canfranc, une bonne dizaine de minutes après l’Américain Jim Walmsley, en or en 8h35’11’’. Sous le soleil et par une température presque douce malgré les un peu plus de 1000 m d’altitude, ils s’emparent d’un drapeau bleu, blanc, rouge, qu’ils tiennent chacun d’une main en franchissant la ligne d’arrivée de concert. Si Benjamin Roubiol la coupe en 8h46’05’’après un peu plus de 81 km d’effort et 5700 m de dénivelé positif, quelques centièmes de seconde avant son compatriote, les deux Bleus sont classés ex-aequo tous les deux et médaillés d’argent, conformément à la très saine réglementation de World Athletics.
Le champion du monde 2023 à Innsbruck, qui a rattrapé un Louison Coiffet dans le dur à quelques kilomètres de l’arrivée, avait sans doute les moyens de s’envoler vers la médaille d’argent même si, attention délicate, il indiquait qu’il en avait, lui aussi, plein les pattes. Mais il a lui proposé de terminer ensemble. Une manière d’aller jusqu’au bout de l’entraide et de la fraternité, après une course lors de laquelle ces deux trailers et amis, nés à un mois d’écart et qui s’apprêtent à fêter seulement leurs 26 ans, ont été d’admirables compagnons de souffrance.
Passages de relais, comme des cyclistes…
Après un départ à la frontale à 7h du matin, rapidement aux avant-postes pour Roubiol et légèrement plus en retrait pour Coiffet, le duo s’isole avec Walmsley et le Suédois Petter Engdahl sur ce parcours pyrénéen où les redoutables ascensions s’enchaînent. Ce dernier finit par être un peu décroché et, un temps, on se prend à rêver d’une prise de pouvoir des Tricolores. Mais la légende Walmsley, 35 ans, vainqueur de l’UTMB en 2023 et tout récemment de l’OCC, une des autres courses phares de l’événement planétaire ayant pour épicentre Chamonix, est au-dessus du lot. Blessé en début de saison, l’Américain finit en trombes 2025 et s’envole un peu avant le 60e km pour ne jamais cesser de creuser l’écart, encouragé à la sortie du deuxième ravitaillement avec assistance par une supportrice déguisée en licorne gonflable.

Benjamin Roubiol et Louison Coiffet, eux, ne se quittent déjà plus depuis un moment. « On s’est relayé comme bonne équipe cycliste, rigolait le second nommé quelques minutes après l’arrivée, dans un clin d’œil involontaire aux Mondiaux de cyclisme qui se concluent ce dimanche au Rwanda. On ne court pas tous les jours un championnat du monde, poursuivait celui qui faisait ses débuts en équipe de France ce samedi. C’est d’autant plus exceptionnel de réussir à faire ça le jour J. C’est l’énorme cerise sur le petit gâteau. »
Le grand gâteau, c’est la médaille d’or par équipes. Beaucoup la promettaient aux Tricolores, qui alignaient une véritable dream team en Espagne après l’avoir déjà emporté il y a deux ans en Autriche. Encore fallait-il répondre aux attentes le jour J. Contrat plus que rempli avec une large victoire devant les Américains et les Italiens avec, là encore, une course collective pour Vincent Bouillard et Baptiste Chassagne, respectivement 10e en 9h22’10’’ et 11e en 9h25’28’’. Le vainqueur de l’UTMB 2024 n’avait pourtant pas les jambes des grands jours. Mais il a découvert, à l’occasion de sa première sélection, les vertus du maillot bleu. « Honnêtement, j’ai eu des sensations assez horribles, je me suis battu à partir du tiers de la course, confiait-il. C’était génial de partager autant de temps avec Baptiste. » Le déclic psychologique avait eu lieu la veille de la course, lors du briefing, pour le trailer annecien de 32 ans : « Ça a fait comme un tilt et je me suis rendu compte que ce qui importait le plus pour moi, c’était le titre par équipes, car c’est une opportunité unique dans notre sport. »
Baptiste Chassagne est, lui aussi, allé au bout de lui-même. Il a d’ailleurs fini allongé dans l’herbe, à côté de la ligne d’arrivée, avant d’être pris en charge par l’équipe médicale pour se requinquer. Dans un autre contexte, Mathieu Delpeuch (64e) et Robin Juillaguet (91e) auraient sans doute mis le clignotant sur ce parcours si exigeant et d’une grande technicité, mais ils ont mis un point d’honneur à franchir la ligne d’arrivée.
Schide intenable, Rousset première Française
En ce jour où le collectif était roi, le scénario de course a voulu qu’Anne-Lise Rousset revienne sur Mathieu Delpeuch sur la fin, qui n’a pas manqué de lui donner un petit coup de main. Rattrapée par des crampes dans les dernières montées, celle qui retrouvait l’équipe de France huit ans après sa dernière sélection s’est classée 6e en 10h 50’45 » d’une course dominée très largement par l’immense favorite américaine Katie Schide, en 9h57’59’’.

Sa dauphine, la Népalaise Sunmaya Budha, a fini à plus de 25 minutes (10h23’03 »), le podium étant complété par l’Italienne Fabiola Conti (10h35’51’’). Anne-Lise Rousset, qui faisait ses adieux au très haut niveau à Canfranc, n’a pas pu retenir ses larmes en retrouvant ses proches après la ligne. « C’était une belle fin, réussissait-elle à articuler, la voix brisée par l’émotion. J’ai tout donné et j’ai été au bout de moi-même car je savais qu’on pouvait gagner une médaille collective. Je n’en espérais pas tant. »
Championne du monde en titre et revenue à la compétition fin 2024, après avoir donné naissance à un petit garçon, Marion Delespierre a, elle aussi, « fait tapis ». Sur un parcours beaucoup plus technique que ceux qu’elle fréquente au quotidien à Lyon et ses alentours, la médecin a « eu des hauts et des bas» mais « est vraiment allée chercher loin pour l’équipe », avec pour récompense une 8e place en 11h03’11’’, après être revenue de l’arrière. La Franco-Américaine Hillary Gerardi, 10e en 11h05’20’’, complète l’équipe et contribue à la belle médaille de bronze du collectif bleu. Et il est, là encore, question de douleur à surmonter. « J’ai souffert du début à la fin. Mais courir pour l’équipe et le maillot tricolore m’a permis de pousser bien au-delà de ce que je pensais possible. C’était assez incroyable », confiait la championne de France, qui a eu Marion Delespierre comme binôme pendant une bonne partie de la course.
Elle tenait d’ailleurs à associer le staff à cette dynamique collective, exemple à l’appui : « Je suis arrivée avec des crampes et en chialant au deuxième ravitaillement. Les kinés m’ont massée et j’en suis repartie mille fois mieux et avec la banane. Troisièmes derrière les Italiennes et les Américaines, les Françaises ont été cinq à intégrer le top 20, avec Jennifer Lemoine 17e et Anne-Cecile Thevenot 18e qui, fidèle, à la philosophie du jour, ont franchi ensemble la ligne d’arrivée.
Le bilan du trail français lors de ces Mondiaux est, une nouvelle fois, exceptionnel. Après les onze médailles d’Innsbruck, voici les sept récompenses de Canfranc. « Surtout, le rêve était que tout le monde rentre avec une médaille, comme le rappelle Adrien Séguret, entraîneur national de la spécialité. Les filles et les gars ont été extraordinaires. L’équipe de France leur fait sortir des courses démentes qu’ils n’iraient pas chercher en temps normal. Comme je le répète souvent, le trail est un sport collectif et pas individuel »
Source communiqué de presse – Photos Alanis Duc /FFA et @marcogulberti_photography
octobre, 2025
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