Ou comment une trentenaire s’est révélée ultra-championne en à peine 6 ans. Et dire qu’avant son sacre à Chamonix sur l’UTMB en 2022, l’Américaine débutait brillamment sur skyrace ou croisait souvent le fer avec Camille Bruyas et Courtney Dauwalter. Bonne pioche, Schide aura tout le caillou qu’elle aime sur son projet défi : le Grand Raid Réunion 2023. Tiens, elle y retrouvera Camille. Tiens, Courtney n’est pas là. Teasing de rêve.
Recueilli par Julien Gilleron
Question immédiate : mais qu’est-ce que vous avez toutes avec le hockey sur gazon (*) ?
KS : Oui, je pense juste que ça a l’air bizarre en France mais c’est un sport super populaire dans le reste du monde ! C’est comme si je te disais que je jouais au football : tous les enfants font du foot, non ( rire) ? Je crois que c’est un sport qui implique beaucoup de course à pied et cela semble bien se traduire dans le trail. Aux Etats-Unis – du moins là où j’ai grandi – c’était le sport le plus compétitif pour les filles, donc c’est ce que j’ai fait. Par exemple, le hockey était nettement plus populaire que le cross-country.
Question technique : savoir viser un but de hockey te sert-il vraiment en trail ?
KS : Ta question était un peu dure à comprendre mais là, c’est bon, je l’ai : on va dire que non ! Par contre, les sports d’équipe en général sont vraiment intéressants dans leur transposition en trail running. Ils t’aident à courir à différentes cadences et longueurs de foulée. Beaucoup de coureurs puristes qui viennent du running ou de l’athlétisme n’ont pas vraiment l’habitude de réorienter brusquement leur direction ou d’adapter la cadence ou la taille de leur foulée, le déplacement physique reste linéaire. Du coup, disposer d’un bagage athlétique plus complet est un atout, et d’une certaine mesure, à mon sens les sports co’ s’apparentent davantage au trail que deux heures de course en ligne à la même allure.
Question sérieuse : dès ton installation en Europe, tu performes sur des formats courts et skyraces (Livigno, Skyline, G.Paradiso..) puis 90K du Mont-Blanc ou Matheysins. Étant montagnarde, te sens-tu avantagée sur un parcours aussi technique que la Diagonale ?
KS : Je me suis immédiatement mise au trail parce que je pratiquais déjà pas mal de randonnée. C’est sûr que je me sens en confiance sur un terrain montagnard, mais je pense tout autant que l’on peut s’y préparer ; cela vaut pour n’importe quoi du moment qu’on y consacre du temps. Par exemple cette année en vue de la Western States, je me suis beaucoup entraînée sur des terrains plats et sans obstacles et j’y ai gagné en confiance. Donc je pense que le plus important repose sur ton objectif, et la façon dont tu adapteras au mieux ton entraînement à celui-ci. Cela dit, j’ai tout de même la sensation de bénéficier d’un léger avantage, parce que courir en descente sur un terrain technique peut être long et difficile à apprendre ; or j’étais déjà plutôt à l’aise sur ce point en me mettant au trail, sans devoir y consacrer des heures. Même après des mois de plat, je n’ai donc pas l’impression de devoir travailler trop dur pour le retrouver. Attention : je ne dis surtout pas que je suis la meilleure sur une descente technique ! Mais je pense que mon niveau reste correct.
Question vicieuse : Mais alors, toi qui débutes le trail running dans les White Mountains, cela voudrait-il dire que les Appalaches sont de vraies montagnes ?
KS : Certaines parties, totalement ! D’où je viens, c’est le nord-est des États-Unis, et ces White Mountains, sont beaucoup plus montagneuses que la partie inférieure des Appalaches. Donc oui : des VRAIES montagnes.
Question mystère : ton palmarès impressionne depuis 2018. Sur une trentaine de compétitions majeures, pratiquement que des victoires ou 2e places. Que se passe-t-il au tournant 2017-2018 ? Une démarche plus professionnelle ?
KS : en effet, je crois que j’ai fait ma première course en 2015, mais c’était davantage un défi personnel, une compétition contre une éventuelle concurrence. Je n’avais jamais couru de 50 km, donc cela représentait un gros truc pour moi. L’année suivante, j’ai terminé ma maîtrise et donc pu réaliser deux ou trois courses mais davantage pour le fun. En revanche je n’avais aucune mais alors aucune idée de ce que l’entraînement signifiait vraiment. En 2016, j’ai rencontré Germain et ce dernier a commencé à me coacher pour 2017. C’était donc la première fois que je me préparais véritablement et de façon structurée. Mais plus globalement – et ne doutons pas de l’apport de Germain (rires) – je pense que quand tu commences de 0, tu ne peux avoir qu’une progression très significative ! Et c’était mon cas.
Question concurrence : Camille Bruyas et toi, une histoire de chassés-croisés entre 1ère et 2e places, et vous courriez récemment l’Ultra Spirit en équipe. Retrouvailles sur la Diagonale des Fous, et sans Courtney ! Camille a déjà remporté la Mascareignes 2016. Comment imagines-tu votre course, et vos points forts ?
KS : À mon avis, un ultra et surtout une Diagonale si particulière, c’est plutôt quelque chose que tu découvres réellement une fois que cela débute. Le second point, c’est que notre course durera entre 25 et 30 heures ; moins avec un peu de chance ? Donc tu t’en doutes, ce n’est absolument pas le type de course ou tu te bats contre quelqu’un ; mais d’abord où tu essaies d’arriver jusqu’au bout. L’humilité, reste la règle de base, et tu dois d’abord te focaliser sur la durée que prendra ton effort en toute hypothèse. Finir, tel est l’objectif majeur. Quoi qu’il puisse se passer entre Camille et moi, mais également les autres, on verra bien. En outre, ce genre de compétition, se prépare longuement en avance et permet souvent de partager du temps ensemble avant l’épreuve : c’est ce qui s’est déroulé avec Camille cette année, notamment sur le Lavaredo où nous avons couru une grande partie ensemble, et je pense que cela nous a aidées à prendre de l’avance sur le reste des participants parce que nous nous aidions à maintenir un rythme. Partager la diagonale des fous avec elle durant de longues heures serait génial, car je sais que nous prenons toujours beaucoup de plaisir lorsque nous sommes ensemble et c’est une personne que je respecte profondément. Et puis, nous avons la chance de pratiquer un sport qui a un rapport très particulier à ces notions de rivalité ou de concurrence, énormément relativisées par la longueur des épreuves. Je trouve toujours positif de respecter ses concurrentes, et c’est nettement plus gratifiant à mon avis.
As-tu pu réellement te préparer au terrain de La Réunion, où l’on marche beaucoup, et si oui de quelle manière ?
KS : Nous sommes arrivés trois semaines avant, et… on est là pour courir sur le parcours ! En y allant doucement mais tout en repérant et en me familiarisant avec le terrain, à l’environnement et aux spécificités générales qui sont tout de même nombreux. On dira donc que c’est comme cela que je me serais entrainée spécifiquement à la Diagonale. Il n’y a pas eu de musculation, de renforcement ou de séries d’escaliers… Je pense qu’il faut surtout se préparer aux grandes descentes, aux marches, et à ce jour je continue de penser que la meilleure façon d’appréhender une course est de courir sur son terrain propre. Pas de magie ou de séances top secrètes, rien ! La meilleure façon de s’améliorer en descente, c’est de courir en descente, pas de faire du squat.
Tu envisages tout de même de ralentir à J-10 ??
KS : Oui, Je pense que c’est comme ça que ça marche, normalement !
(*) sport qu’a pratiqué assidûment Kathie durant sa jeunesse
Photos Mathis Dumas
novembre, 2024
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