Thibaut Garrivier, 32 ans, installé depuis quelques mois à côté d’Annecy ou il exerce la profession de médecin radiologue dans une clinique, affrontera pour la 1ère fois la distance mythique du 100 miles lors de l’UTMB. Vainqueur de la Transvulcania 2019, de la CCC 2021, 2nd du MIUT 2022, il s’affiche comme l’un des sérieux outsiders pour cette 19ème édition.
Marqué par des blessures par le passé, cette page semble désormais tournée, il aborde quand même cette épreuve avec confiance au regard de sa préparation mais avec quelques appréhensions…
UTMB – T. Garrivier “j’ai peur de ne pas boucler la boucle”
TRAILS ENDURANCE MAG : Tu n’a jamais dépassé 120 km en course (MIUT 2022) et tu es angagé sur ton 1er 100 miles, de quoi as tu peur?
Thibaut Garrivier : J’ai peur de faire comme tout le monde, de bâcher à Arnuva ou à Courmayeur, comme beaucoup lors de leur première expérience. Quand on regarde les gars qui sont au niveau aujourd’hui, pour la plupart, leur première expérience, ne s’est pas bien passée (à part Kilian bien sûr). Soit ils ont fait 30ème, soit ils n’ont pas fini. Donc ça, il ne faut quand même pas l’oublier.
Je suis dans une situation où c’est mon premier gros ultra à 32 ans, mon premier 100 miles. C’est avant tout la prudence qui résonne en moi, j’ai peur c’est de ne pas boucler la boucle
TEM : Tu avais prévu de faire le 90 du Mont Blanc au mois de juin, course qui a été annulée. Tu as aussitôt fait le choix de pas faire autre chose. Comment t’as réorganisé ta préparation ?
TG : Et bien, je n’ai rien changé, si ce n’est que j’ai fait une séance un peu nocturne mi-juillet. Sinon, je devais partir en vacances, et je suis parti en vacances malgré l’annulation du 90. C’est vrai que ça a chamboulé la préparation mais bon les choses étaient prévues comme ça et je n’ai pas souhaité revenir dessus. En concertation avec mon entraîneur, il ne voyait pas non plus d’intérêt à aller cavaler dans les Dolomites, sans préparation spécifique pour cette course. Donc il n’y a pas eu de gros changements si ce n’est que j’ai repris un petit peu plus vite le volume début juillet alors que je l’aurais fait plutôt sur la deuxième quinzaine du mois.
TEM : Tu viens de finir fin juillet la reco de l’UTMB® en compagnie de Jim Walmsley et Julien Chorier. Quel était l’objectif de cette reco, est-ce que ça a changé des choses dans ta vision du parcours et de la stratégie de course ?
TG : Effectivement nous avons fait cette reco en 3 jours. La première section jusqu’à Courmayeur est très roulante et je ne m’attendais pas à ça. Je m’attendais à faire une grande CCC, mais en fait c’est beaucoup plus roulant.
La CCC, dès le départ on monte à la tête de la tronche qui est très raide, alors que là ce n’est jamais raide, c’est long et il faudra être très patient, c’est rapide et très courant.
J’aurais peut-être pu faire cette partie un peu plus tôt, cela m’aurait permis d’adapter un tout petit peu mieux mon entraînement. Je me suis beaucoup entraîné en montagne. Je pense que c’est assez intéressant aussi de s’entraîner plus en courant, comme le font pas mal de gars : Tom Evans, l’allemand Hannes Namberger, Jim Walmsley (près de 300 km la dernière semaine de Juillet), ou Aurélien Dunand Pallaz qui a fait un tour du lac d’Annecy à plat.
Je pense que c’est peut-être une petite erreur que j’ai faite, après la course est longue, et dure à la fin, et théoriquement c’est plutôt favorable pour moi d’avoir du dur à la fin.
Au départ, on avait prévu 4 jours, mais on avait l’anniversaire d’un pote en commun avec Jim le dimanche, donc on a raccourci et ce n’était pas plus mal comme ça.
Ça a permis de faire des longues étapes. Je fais très peu de bornes à pied par rapport aux autres. Je privilégie le vélo (NDLR, il rentrait d’une sortie de 270 km la veille en haute montagne), les 65km de la 1ère étape, c’était la seconde fois de ma vie que je faisais cela à l’entrainement et je sens aujourd’hui que ça m’a bien débloqué.
TEM : tu retiens déjà des enseignements de cette reconnaissance, va tu modifier un peu ton entrainement ?
TG : Oui, exactement, je vais apporter une séance avec une descente plus raide et plus longue, et on va aussi inclure une bonne séance sur le plat, une vingtaine de kilomètres, pas plus, car on se rapproche de l’événement.
L’objectif est d’habituer un peu plus les muscles au profil de la 1ère partie de course qui va aller très vite.
T. Garrivier : “un rêve…ce serait de courir 21h”
TEM : Tu as aujourd’hui le statut d’outsider comme l’ont pu être par le passé Seb Chaigneau ou Ludo Pommeret, est-ce une pression pour toi ? Et est-ce que tu fais un travail pour évacuer ce stress ou est-ce que le fait d’être éloigné te suffit ?
TG : Tant que je reste outsider, c’est à dire que l’enjeu n’est pas de gagner la course, il y a une bien sûr une pression, mais elle reste gérable.
Je fais de la préparation mentale depuis peu, mais pas tellement pour le côté pression, parce que la pression dans la course à pied c’est pas 1/10ème de ce que j’ai connu dans mes études de médecine.
Je n’ai pas de pression non plus de mon sponsor qui est aussi celui de l’événement. C’est vraiment une exigence personnelle de bien faire et de donner le meilleur de moi le jour de la course. La pression est plus forte quand tu es là pour gagner la course, moi, je dois faire le job sans me soucier des autres.
L’enjeu est pas du tout le même. La stratégie de course n’est pas du tout la même. La pression n’est donc pas la même.
Pour l’instant j’arrive cette épreuve, je suis encore un petit poussin, et j’ai tout à prouver.
On peut être fort sur un format d’environ 100 km et pas forcément réussir en passant sur 100 miles. Je dois faire mes preuves avant de ressentir de la pression concurrentielle et je dois prouver que je peux être au niveau des meilleurs.
TEM : Si aujourd’hui t’avais un rêve ou un souhait, ce serait lequel ?
TG : Pour cette année, mon rêve est de faire une course pleine et bien réussi avec la préparation que j’ai, et le niveau que j’entends, ce serait de courir 21h.
C’est ce qui peut m’arriver de mieux, je ne pense pas avoir actuellement les capacités de descendre en dessous.
TEM : 21h, c’est aussi ce que veut faire Mathieu Blanchard, donc ça va être un repère pour toi.
TG : Oui, c’est ça. C’est ce qu’a couru Xavier quand il gagnait. C’est ce qu’a fait Aurélien l’an dernier, Après, c’est quand même que des mecs qui ont une expérience qui est 10 fois supérieure à la mienne sur ces distances, donc il faut quand même y aller mollo et prendre des pincettes. J’aime bien être discret et pas trop l’ouvrir tu vois.
C’est déjà costaud. Il y a pas mal d’éditions de l’UTMB® qui sont gagnées au-dessus de ça, donc je ferai ma course et on verra ensuite.
UTMB : “Avec Jim, on n’a pas amusé le terrain”
TEM : Dans la prépa mentale, que tu fais, on dit souvent qu’il faut visualiser la ligne d’arrivée. La ligne d’arrivée, elle est la même que la ligne de départ sur l’UTMB. Est-ce que tu visualise déjà ton arrivée ou tu te focalise sur autre chose ?
TG : Non. J’avoue que, pour l’instant je visualise plutôt le parcours, point par point plutôt que l’arrivée. Ce n’est pas quelque chose que je fais habituellement en fait de visualiser la ligne d’arrivée, c’est quelque chose qui arrive naturellement.
Je me focalise sûr des sections du parcours, des passages un peu plus délicats, des sections que j’aime moins, c’est plutôt ça.
La ligne d’arrivée reste quand même un peu loin dans ma tête actuellement, je suis plutôt quelque part entre les entre le col du bonhomme et Courmayeur !
Après la reco, tu te dis quand même « Whaouuu le chantier ». Surtout qu’avec Jim, on n’a pas amusé le terrain et même 21h c’est costaud si on additionne les temps de nos 3 jours….je me demande même si je vais pas revoir les objectifs (à la hausse) !
TEM : Tu as prévu de relâcher l’entrainement à partir du 8 août, quel va alors être ton programme ?
TG : Et bien, je vais pas mal bosser à la clinique sur des journées complètes, parce que là j’ai pris pas mal de jours-là sur ces 3 dernières semaines pour m’entraîner.
Ca va être récupération et assimilation des entrainements passés et retourner sur le vélo et les chemins le week-end.
Le boulot permet aussi de s’occuper l’esprit et de ne pas penser qu’à la course.
TMB – interview de Manon Bohard
UTMB – interview de Aurélien Dunand-Pallaz
UTMB – interview de Jim Walmsley
UTMB – interview de Kilian Jornet
UTMB – interview de Pau Capell
Par Fred Bousseau – © Peignée Verticale / Fred Bousseau (Merci K. Tanguy).
novembre, 2024
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