4 ans après son cancer, Thierry Chalandre est de retour sur l’UTMB® qu’il avait terminé en 2016 avant la maladie. En 2017, il apprenait qu’il avait un cancer (lymphome de HODGKIN(1) au stade 2 avec bulky médiastinale de haut grade), il s’accrochait à la vie pour de nouveau finir le 78 km du 100 miles sud de France en 2018. En 2019, il terminait le Grand raid de la Réunion et le 100 miles of Istria.
Dans le cadre d’un projet avec l’association « A chacun son Everest » il vient de boucler l’UTMB® 2021. Récit complet ICI et retour sur son histoire en bas de page.
48 h après je plane … une douce euphorie liée au sommeil retrouvé et aux endorphines que je dois continuer de secréter laisse déjà entrevoir une faille dans l’idée du « plus jamais ça » et l’idée du « je dois pouvoir faire mieux » s’insinue doucement. Heureusement, les quelques douleurs bien présentes dans les escaliers me ramènent à la réalité.
Si je devais résumer cet UTMB®, ce serait le mot soulagement qui en ressort, soulagement d’avoir accompli le défi que je m’étais lancé il y a trois ans depuis le lit d’hôpital. Ce projet ou je voulais à la fois me reconstruire pour être performant et aussi aider les enfants en leur montrant que tout est possible. La mission s’annonçait compliquée et il y a eu plein de moments difficiles pour gérer les douleurs post traumatiques mais aussi celles liées à l’entrainement qui se devait conséquent. La semaine avant la course, j’avais encore une douleur inflammatoire importante au niveau d’une vertèbre qui m’a entrainé des contractures dorsales et une douleur costale douloureuse. Trois ans d’entrainement et arriver au départ de l’UTMB® en ayant mal dur, dur !!
“…n’abandonnez aucun projets, inventez en de nouveaux, tout est possible…”
Cet année le départ s’effectuera en 3 sas constitués en fonction de l’indice ITRA des coureurs. Mon départ est à 17h dans le sas 1, petite preuve que j’ai dû faire du bon travail pour réussir avec peu de course (4 depuis le cancer), à avoir un rang ITRA qui me positionne juste derrière les élites. L’avantage est de partir dans le bon wagon, l’inconvénient, il ne faut pas s’enflammer. Les 30 premiers km ont été un peu compliqué dans la tête et dans les jambes, j’ai mal, je me demande pourquoi j’ai eu cette idée. Puis arrive la nuit, je vais passer 3 fois à plus de 2500m d’altitude (col du Bonhomme, la Seigne et les Pyramides calcaires). Là pas le choix, il fait froid (en dessous de zéro) il faut donc avancer. Finalement je finis par me sentir bien, je suis dans un bon rythme et les endorphines me bercent tranquillement. La lumière du petit jour me fera découvrir le Mont-Blanc de l’Italie : je suis déjà sur les arrêtes du Mont Favre et je vais plonger sur Courmayeur. Arrêt trop long, 1h30 à Courmayeur, manger, essayer de dormir un peu, se changer au final le temps passe trop vite. C’est reparti pour une journée entière sous le soleil et le vent froid. On remonte tout le Val Ferret pour passer le Grand col ferret et arriver en suisse. Chaque instant est consacré à aller le plus vite possible, courir en descente, sur le plat et même en faux plat montant, puis marcher dès que ça monte trop raide. Discussion rigolote avec un randonneur que l’on double, quand on lui explique qu’on est partis la veille de Chamonix alors que lui fait le tour en 6 jours.
Au col on est au-dessus de 2500m d’altitude et on bascule en Suisse, la descente est très longue 20 km, il faut courir mais attention de ne pas s’enflammer, je passe la Fouly, je déroule, puis arrive le coup de mou : marre d’avoir mal en descente (le releveur de la cheville et le genou commence à se faire entendre). Ça remonte sur Champex-lac : marre d‘avoir plus de jus en montée. Enfin, le ravito, « qui voit Champex, voit l’arrivée », il parait … en tout cas c’est bon pour le moral en arrivant car quand on repart on se dit qu’il reste encore 45 km et 2800 de dénivelé, on est que sur « le début de la fin ». Les 11 km jusqu’à Trient sont difficiles, techniquement à la montée comme à la descente. J’arrive à la nuit tombée, se forcer à manger. J’ai du mal à avaler solide donc je tourne essentiellement à la compote normal et améliorée avec des glucides lents et j’utilise les produits de mon sponsor Pileje avec un mélange glucide/protéine (BCAA) que j’ai avalé toute la course plus la boisson d’hydratation hyprosport. Je ne reste pas longtemps mais cela suffit pour me refroidir. Heureusement la montée et la descente sur Vallorcine est plus roulante et se déroule bien je me dis que je ne vais pas m’arrêter et repartir direct du ravito. Malheureusement, une fois assis, gros coups de barre, il reste 18 km et 1000 de dénivelé, il est minuit, 25 minutes vont passer, suffisamment pour que je grelotte et que le syndrome de Réno engourdisse mes doigts. Je vais mettre 4 km à les réchauffer or j’en ai absolument besoin pour utiliser mes bâtons dans la dernière montée très raide vers la Tête au vent. De nuit, cette montée est très dure et technique on est souvent dans des éboulis et seuls les fanions nous rassurent en nous disant que c’est le bon chemin, d’ailleurs j’y ai croisé deux mouflons. On se croit sauver à la Tête au vent, mais la descente vers la Flégère est un casse pattes géant. Enfin, la station de ski de la Flégère, plus que 7 km de descente pour boucler le tour, j’ai mis mes deux lampes frontales pour avoir la meilleure visibilité possible, je débranche le cerveau et à fond ! J’ai mal partout dans les articulations mais pour arrêter cela il faut aller chercher la ligne d’arrivée. Je double 15 personnes, j’ai les yeux qui me piquent tellement il faut être concentré pour ne pas se vautrer, au final je mets 56 minutes pour les 7 derniers km, une vitesse de coureur du top 100 ! Chamonix on y est, il est 4h25 les rues sont vides, ce n’est pas vraiment la bonne heure pour un bain de foule, les derniers auront plus de succès, ce n’est pas grave, mes suiveurs sont là, dernières foulées, trois ans depuis le lit de chimiothérapie, une pensée pour tous les soignants, un drapeau pour tous les enfants de l’association à « Chacun son Everest » …172 km, 35H25 , 288ème sur 2347 partants au scratch, je l’ai dit, je l’ai fait.
Le message que je veux laisser à tous ceux qui ont un accident de la vie est : « C’est l’occasion de réinventer une vie, n’abandonnez aucun projets, inventez en de nouveaux, tout est possible il y a mille et une façon de remplir une vie alors quand on vous en offre une seconde ….ne vous encombrez pas de l’inutile ».
Je remercie pour ce projet qui devait durer deux ans mais qui compte tenu de l’annulation de l’an dernier aura duré une année supplémentaire, tous les gens qui ont accepté de renouveler leur engagement pour que je puisse aller au bout de ce projet et surtout soutenir l’Association « A Chacun son Everest » : les laboratoires Pileje, spécialiste de la micronutrition, le staff médical : « merci au staff de Mme Doncker de l’hôpital Cesson Sévigné, vous m’avez offert une seconde vie, merci J.C Menard pour les nombreuses séances d’ostéopathie, pour me reconstruire », à terre de running Saumur et tous les amis, familles qui m’ont soutenu pendant cette épreuve.
Par T. Chalandre / Fred Bousseau
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