85 kilomètres et 4 800 mètres de dénivelé positif. C’est le cru 2014 du Grand Duc qui célèbre son 25e anniversaire ce 29 juin. Créé en 1988 par Frédéric Maillet, alors directeur de la maison de Chartreuse (ex-office du tourisme) de St-Laurent-du-Pont, lieu de production de la célèbre Chartreuse jusqu’en 1935, le « Tour pédestre de Chartreuse », qui deviendra le Grand Duc en 1995 lors de la création du Parc naturel régional de Chartreuse, vise un double objectif : sortir des épreuves sur route et faire découvrir le massif chartrousin. Au XVIIIe siècle, des courses de montagne ont déjà lieu dans le Haut Gard. Maillet veut appliquer la formule ici. Le Tour pédestre de Chartreuse sera, il en est persuadé, une excellente opportunité de faire découvrir la beauté sauvage, quasi mystique du massif et faire travailler les acteurs locaux.
Les communes traversées par la course sont impliquées dans le projet, qui oeuvrent de conserve pour organiser cet événement démesuré – une grande boucle de 90 kilomètres au départ du Sappey, avec près de 5 000 mètres de dénivelé. « Beaucoup nous disaient qu’on était fous, que c’était beaucoup trop long », raconte Georges Galle, six fois vainqueur du Grand Duc, co-organisateur de 1992 à 2006 et auteur de nombreux tracés. « On me reprochait aussi d’être trop élitiste… »
Vingt-six ans plus tard, l’enthousiasme est intact. D’une trentaine de coureurs sur la première édition, le Grand Duc en attire aujourd’hui un millier sur les trois formats proposés : solos, duos, équipes de cinq. « Sur la première édition, la seule obligation était le K-Way et une gourde d’eau – les barres de céréales existaient à peine, se souvient Georges Galle. La sécurité et les ravitaillements sont alors des notions aléatoires quand elles ne sont pas absentes. « Aux ravitos, il n’y avait que des oranges et du pain d’épices. On trouvait même des pancartes avec l’inscription : « Servez-vous ». Les bénévoles étaient barrés, nous laissant avec… ce qui restait. J’avais tellement faim que je me suis arrêté dans une ferme, après le Désert et avant la montée à la Plagne, où je me suis gavé de riz et d’œufs durs, et bu du vin rouge ! ». Les coups de barre s’enchaînent pour Galle et ses compagnons de course, Pierre Dufaud, Christian Pesanti, Georges Turel. Il termine bon dernier de cette première édition, gagnée en 12 h 6 min par le Suisse Jacques Berlie ex-aequo avec le coureur de St-Aupre, Michel Riondet, figure locale bien connue des traileurs. Riondet est d’ailleurs le seul à avoir participé et terminé toutes les éditions du Grand Duc, sauf en 2013 où il est victime de nausées. A 64 ans, il sera une nouvelle fois au départ du Grand Duc, dans l’équipe des « 332 », en référence à l’âge cumulé des co-équipiers, dont le beau-père de Galle, le pied toujours vaillant à tout juste 80 ans !
La course a dès le départ attiré des « pointures » qui venaient de France mais aussi de Belgique ou de Suisse, même si, aujourd’hui, on se souvient à peine de leurs noms. « Le trail n’existait pas ; les courses de montagne n’était pas médiatisées. Les temps de course montrent pourtant qu’on avait affaire à des costauds. On ne comptait que sur la force physique pour terminer ce genre de périple », relate Georges Galle tout en rappelant une époque révolue. En 1989, la première femme à terminer le Grand Duc est une Suissesse : Irène Troillet réalise un temps canon de 12 h 33 min. Elle se classe 10e au général… sur 23 coureurs à l’arrivée. La championne de ski-alpinisme Corinne Favre la gagnera à deux reprises, en 1993, sur un parcours raccourci pour cause de mauvais temps, et en 1996. En 2011, le Grand Duc accueille Dawa Sherpa qui évoque « l’enfer ». Le Népalais fait les frais d’un débalisage sauvage et se perd dans la pampa chartrousine avant d’être rapatrié, en stop, sur le bon chemin. Ce détour de quelques kilomètres ne l’empêchera pas de finir premier, en 10 h 53 min. L’année dernière, le vainqueur n’est autre que le patron de l’entreprise Raidlight installée dans la région depuis 2011. Après deux échecs cuisants, Benoît Laval veut ce trophée à tout prix. Et il l’obtient, « à l’arrachée ». « Ce sont les montagnes que je vois tous les jours de ma fenêtre et j’avais à cœur de les conquérir. Et puis, c’est quand même le Grand Duc ! », lâchera-t-il au lendemain de la course.
« Le succès du Grand Duc tient, entre autres, au fait que nous changeons de parcours tous les ans, et à la complexité du terrain. C’est une des difficultés majeures pour l’organisation, mais les coureurs sont toujours satisfaits quand on leur déniche des passages amusants ou qu’ils ne connaissent pas encore, assure Lionel Fouque, directeur de course depuis dix ans. Cette année, par exemple, c’est la première fois que le parcours passe par le mont Outheran. Il y aura quelques passages délicats, sur le mont et sur les crêtes de la Drière, après la pointe de Gorgeat, où il faudra mettre les mains ; et un passage amusant, en forêt, sous une falaise d’escalade. » Comme ses prédécesseurs, Fouque tient à conserver l’authenticité qui a fait la réputation de la course. Pas de prime ni de « gros » lots, des ravitaillements simples, une communication mesurée. Pour célébrer ce quart de siècle, l’organisation privilégiera l’esprit de famille, avec une kermesse pour les enfants, une initiation à l’escalade et à l’écologie de montagne. Une cuvée spéciale récompensera en fin de journée les gagnants du Grand Duc. Rendez-vous à St-Pierre d’Entremont le 29 juin, dès 5 heures pour le départ des solos.
Nathalie Mathieu – Photo Terra Trail
novembre, 2024
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