La fameuse « course de quartier » a 20 ans. Dans la pleine force de l’âge. En deux décennies, l’UTMB a connu une croissance exceptionnelle. Pour certains, c’est devenu un mastodonte qui écrase tout sur son passage, rejetant dans l’ombre les « petites » organisations. Mais la plupart rêve tout de même de boucler la fameuse « boucle ». On l’aime, ou on la déteste. Mais elle ne laisse jamais indifférent.
Par Luc Beurnaux – Photos Archives UTMB-MontBlanc
Ce 30 août 2003, à 4 heures du matin, les 722 pionniers de la première édition de l’Ultra Trail International du Mont Blanc sont sans doute loin de s’imaginer que, 20 ans plus tard, on se battrait pour avoir le droit de disputer le Tour du Mont Blanc en courant. Et que quatre lettres accolées, U-T-M-B, deviendraient le symbole mondial d’une discipline en plein développement, le trail-running.
« 4 mousquetaires » à l’origine de l’évènement
René Bachelard, général à la retraite, est bien loin, lui-aussi, d’imaginer cette destinée. Quelques mois avant cette première, il n’a qu’une lubie : il veut, d’une façon ou d’une autre, ressusciter « feu » le Tour du Mont Blanc Ultra Marathon (une course en relais de 7 coureurs organisée par le club de course à pied de Chamonix dont il est président), disparu du calendrier avec les flammes qui ravagèrent le tunnel du Mont Blanc, en 1999. Entêté, René Bachelard s’accroche à cette idée. Il trouve finalement l’oreille attentive de Michel Poletti. Skieur de fond, parapentiste, ce jeune informaticien devient rapidement accroc aux sorties longues dans les massifs de France ou de Navarre. En 1997, il tente lui-même le tour du Mont Blanc, mais doit stopper sa progression dans le Val Venis. Il poursuit la découverte de cette nouvelle discipline qu’on n’appelle pas encore « trail » via la Fortiche de Maurienne et le Grand Raid Ariège. Des ultras avant l’heure. Le virus est inoculé. Avec son épouse Catherine, disquaire à Chamonix, il fait le pari fou d’organiser cette course au tour du Mont Blanc. Banco. A force de persuasion, René Bachelard est arrivé à ses fins. Encadrée par le Chamonix Mont Blanc Marathon – dont Jean Claude Marmier et le couple Poletti – l’épreuve rêvée de René Bachelard vient au monde le 30 août 2003
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Un développement qui répond à la forte demande
La naissance se fera dans la difficulté. L’édition N°1 est une vraie aventure. D’autres auraient dit « boucherie ». Des conditions exécrables, des abandons à foison, mais des vainqueurs iconiques, Dawa Sherpa et Krissy Moehl, et un esprit d’aventure qui galvanise les foules, et qui s’affirme. Le succès populaire est immédiat. On va rapidement se bousculer pour participer à l’évènement. Pour faire face à la demande, on multiplie les formats. Les Poletti lâchent bientôt tout, revendent la société informatique, et le Violin (magasin de disques) pour ne se consacrer quasiment qu’à cette épreuve. A partir de 2004, l’évènement est géré conjointement par une association (l’Association des Trailers du Mont Blanc), où veille René Bachelard, et une société (la SARL Autour du Mont Blanc), dirigée par les Poletti. On limite bientôt la participation à la course phare de l’UTMB, et on redirige le « surplus » vers de nouvelles courses annexes, comme la CCC, puis la TDS. Bientôt, on exige des points qualificatifs, récoltés sur des courses partenaires, qui donnent le droit à participer à un tirage au sort. Pour beaucoup, l’UTMB devient une chimère. Ou une épreuve de résilience avant l’heure, à attendre, sur plusieurs années, son précieux sésame. En 2022, il y eu 22 000 demandes pour seulement 10 000 dossards attribués sur les courses. On critique, on vitupère, mais on s’y bouscule. Bienvenue en France. On y vient des quatre coins du globe. La sur-fréquentation et la surexposition de l’évènement risquent de dénaturer l’évènement. La Petite Trotte à Léon est là pour sauvegarder l’esprit d’aventure, d’autonomie, et faire passer le chrono au second plan, au profit de l’entraide et de la solidarité.
L’OCC, la MCC, la YCC et l’ETC s’agrègent au programme au fil des ans, pour contenter tous les publics. L’évènement s’étale désormais sur une semaine entière. Une manne économique supplémentaire inespérée pour la ville de Chamonix, pour cette dernière semaine des congés d’été.
Les meilleur(e)s mondiaux au palmarès
L’évènement est porté par les stars de la discipline, qui, comme le commun des trailers, y voient un passage obligé pour exister, et s’affirmer aux yeux du microcosme, et de la communauté. Aux pionniers nommés Sherpa, Delebarre, Jacquerot, Olmo, Favre, Herry, Hawker ou Bosio, succède la nouvelle génération, « biberonnée » au trail-running, et supportée par les équipementiers qui misent sur un segment toujours plus porteur. Le jeune Kilian Jornet « dépoussière » la discipline de son culot et de son talent. Seb Chaigneau, Caroline Chaverot, Nathalie Mauclair, Xavier Thévenard, Ludo Pommeret, François d’Haene, Camille Bruyas ou Mathieu Blanchard portent haut les couleurs tricolores. Tim Tolleffsson et Jim Walmsley butent toujours sur la plus haute marche du podium. En 20 ans, aucun athlète américain n’a encore remporté l’épreuve phare. Alors que les Américaines trustent les victoires, de Krissy Moehl à Rory Bosio, en passant par Nikki Kimball ou Courtney Dauwalter. L’UTMB s’ancre définitivement dans le paysage mondial du trail. Il en devient le porte-étendard. Un peu trop pour certains, qui l’accusent de prendre toute la lumière, et la plupart des ressources. Il se relève de toutes les tempêtes. D’une édition 2010 rabotée, d’une édition 2020 annulée (par le covid19), d’une TDS endeuillée en 2021.
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L’esprit de famille résiste au gigantisme
Comme l’évènement, le trail se professionnalise. Le sport arrive à maturité, le niveau se densifie, les perfs ne cessent de progresser, l’émulation est à son comble. Courir les 170km/10 000m D+ en moins de 20 heures est devenu réalité en 2022. Impensable il y a 20 ans. Brocardée pour son prétendu appât du gain, l’organisation conserve pourtant toujours son fonctionnement « mixte », entre association et société privée. La structure familiale de l’organisation survit également au gigantisme. Michel et Catherine Poletti ont récemment passé la main à leurs enfants, même sils restent très actifs en coulisses. Ils assurent qu’ils ne vendront jamais leur « affaire », qu’elle restera dans le giron familial. Même « l’ogre » Ironman s’est vu opposé un refus.
Le groupe américain s’est « contenté » de racheter les parts d’un des associés, le Groupe Télégramme. Grâce à eux, et leurs liquidités, l’UTMB s’est sauvé du marasme provoqué par le Covid. Et avec eux, l’UTMB a aujourd’hui construit un circuit mondial de 36 trails – l’UTMB World Series – qui conduit, pour les plus méritants, à la grand-messe chamoniarde. Et à 91 ans, René Bachelard est toujours sur la ligne d’arrivée, pour veiller au grain. Michel Poletti, lui, est toujours dans le peloton, dossard sur le ventre, pour « prendre la température » du cœur du peloton. Et préserver les valeurs initiales, basées sur la solidarité, l’authenticité, le partage. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, force est de reconnaître que l’UTMB est devenu incontournable.
Et si c’était reparti pour 20 ans ?
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décembre, 2024
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