Tous les barons et toutes les baronnes étaient là. Il faut dire que lorsqu’on aspire à occuper le trône mondial du trail il fallait cette année passer faire allégeance dans ce fief Buxois, baronnie d’habitude si calme, plutôt occupée par les grimpeurs de falaises que par les trailers très balaises.
Mais devenir roi ou reine du Monde, c’est seulement dans 2 mois au Portugal. Il faut d’abord pouvoir représenter le Royaume de France en intégrant une équipe de 14 athlètes, toutes et tous plus nobles les un(e)s que les autres. Le droit du sang n’est en l’occurrence d’aucun secours : il faut en passer par 42 km et 2 200 de D+, en un temps minimum, non pas dans les buis mais dans les tilleuls (célébrés chaque année dans la ville) et oliviers, avec le maitre Ventoux en surplomb, encore recouvert de son manteau blanc, comme juge de paix. Et le rassemblement de la noblesse de la discipline atteint ici des sommets, avec un plateau historique à faire frémir toutes les autres contrées mondiales.
L’organisation est à la hauteur, impeccable, sans fausse note, avec un balisage et un encadrement remarquables.
“on pourrait presque croire qu’il n’y a aucune hiérarchie”
Plus que d’habitude, je me demande donc encore ce que je fais là. Il n’y a pas beaucoup de fiefs sportifs dans lesquels un petit paysan du trail comme ceux de mon espèce viennent prendre le même départ que les seigneurs de la discipline, bien moins condescendants que leurs ainés du moyen-âge. L’ambiance est toujours à la franche camaraderie et si l’on ne pensait pas aux futurs écarts de chrono, on pourrait presque croire qu’il n’y a aucune hiérarchie et que l’on fait le même sport. D’ailleurs, le topo de la course indique bien que ce parcours « très sélectif » est l’occasion rêvée de comparer son temps à ce qui se fait de mieux (dans le Royaume donc). Ah bon ? Aurais-je pris la place d’un vrai comparatiste ? Sauf à considérer qu’on compare encore lorsque l’on se demande si l’on va mettre plutôt 2 ou plutôt 3 fois le temps du premier, je n’avais pas l’impression de venir me « comparer » à Sir Martin, Julien de Rancon, son altesse Meyssat, le baron Baronian ou Ludovic de la Pommeret…
Loin du chrono, loin du Portugal, c’est plutôt pour moi la course de début de saison (j’avais juste au compteur de dossards cette année une exploration des cabornes de ma région Lyonnaise). Loin de toute sélection (si ce n’est celle que pourrait imposer ma méforme), il s’agit de me sortir de ma condition de trimeur, qui n’arrive pas à courir dans la semaine. Avec ma petite sortie hebdomadaire urbaine (mais collinaire), je viens finalement faire un entrainement long, dans un paysage que je sais magnifique, mais sans bien connaitre le parcours. Mon objectif n’a rien à voir avec ceux évoqués plus haut : finir sans casse, sans douleur, en prenant du plaisir, en lâchant prise avec les heures et les minutes. Pour ça, il s’agit de négocier un parcours en 8, qui repasse à presque mi-course par la cité drômoise si accueillante, lieu de départ et d’arrivée. Deux courses en une, séparées par l’Ouvèze, avec deux grosses bosses, plus quelques petites sur la fin, qui risquent de faire mal. C’est à peu près tout ce que je sais du parcours en ayant rapidement jeté un œil au profil.
Jacques V. et ses TUC…
Un départ prudent donc, dans les derniers du peloton comme souvent, mais qui permet d’apprécier la belle ambiance de la traversée du village, animé comme un jour de tournoi, malgré l’heure et la fraicheur matinales. Les premiers kilomètres permettent de m’envoyer le signal que les jambes ne sont pas au mieux et qu’il va falloir les réhabituer à la pente. Le lever de soleil sur le Ventoux aide à passer sans encombre, mais sans performance non plus, cette première partie de course qui se termine par une descente très roulante qui nous fait plonger vers Buis. Deuxième ravito bienvenu, au bord de l’eau, sans TUC (mais j’ai fait le plein sur les deux autres) mais très bien fourni en vivres et en sourires de bénévoles !
Une deuxième course commence, avec quasiment 1000 m à prendre, tandis que la noblesse n’est pas loin d’en voir le bout. Se ménager, dans l’inconnu de la technicité de la suite et de la capacité du jour de l’organisme ; profiter du lieu (les falaises du Saint-Julien et bientôt le Ventoux à portée de main), de la météo idéale, des odeurs printanières, des encouragements ; pousser sur les cuisses en gardant son rythme : la clé pour arriver à presque 1200m d’altitude et rejoindre une descente caillouteuse récompensée par un 3e et dernier ravito dans un cadre champêtre. On sent le village approcher mais toutes les difficultés ne sont pas derrière nous. Cette partie inédite du parcours est la plus technique (quelques chutes autour de moi) et deux belles bosses font, comme je craignais, très mal aux jambes (mais moins que les deux jours à suivre, signe que je n’étais pas prêt). Être patient, pour, enfin, retrouver les seigneurs, déjà fêtés par le peuple, douchés et restaurés, comme s’ils étaient allés faire une petite partie de chasse sur leurs terres.
Chacun sa classe, chacun sa place, je resterai à la mienne ; le trail est d’une logique implacable qui permet rarement la promotion, surtout si l’on n’a rien fait pour s’émanciper… Au fait, est-ce que lorsqu’on a mis 1,8 fois le temps du maitre du jour, sir Martin, on peut encore parler de comparaison ? J’essaierai au moins de revenir, tant le parcours est beau, me comparer à moi-même.
Bio Express
Jacques Vince – 49 ans – originaire de Nantes
De Villeurbane (69) – prof de physique agrégé
353ème en 6h03’16 (83ème catégorie M1)
Marié / 2 enfants
2-3 entrainements maxi par semaine en milieu urbain
Jack Vince – © C. Vince et F. Bousseau
novembre, 2024
type d'évènement:
Tous
Emplacement de l'événement:
Tous
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