Sylvie Negro, scénario d'une victoire sur le Grand Raid 73

Ceux qui entrevoyaient le crépuscule, voire le terme de sa carrière, en auront été pour leurs frais. Indubitablement, l’éclatant succès de Sylvie Négro lors du Grand Raid 73 Allibert Trail, disputé ce samedi dans  l’extrémité sud des Bauges, confirme son retour au premier plan, amorcé en réalité à l’automne dernier.

Petit retour en arrière, plus précisément en 2011-2012 où cette Aixoise de souche dut endurer de violentes et interminables douleurs au dos en raison de l’usure d’un disque. Démoralisée sur le coup, elle n’en chercha pas moins à sortir très vite de l’ornière en se ménageant, et parallèlement, en multipliant les séances de gainage dont elle tire désormais profit en  compétition. Séances qui lui auront en effet permis de repositionner son corps et de gagner ainsi en souplesse et en légèreté.
Dès le 3 juin, elle épinglait de nouveau le dossard en enlevant de justesse le 28km de l’Arbarine devant la Mauriennaise Laure Pion. Puis elle enchaînait avec d’autres trails courts, écumant systématiquement les podiums : 1ère sur la Cépienne (23km) et la Sange Run (22km), 2ème sur le Trail de l’Ours (30km), 3ème sur l’Incontournable (33km) et le Courchevel XTrail (30km).
Même si la perf fut au rendez-vous, celle qui porte les couleurs de l’Entente Athlétique de Chambéry et du Team Activasport n’avait qu’une idée en tête : renouer au printemps 2013 avec sa distance de prédilection, celle comprise entre 50 et 70 bornes. En mal de sensations, elle allait toutefois combler son « horrible » attente par une fabuleuse aventure, cette fois-ci en ski de fond (1), son autre violon d’Ingres.

Fait d’armes avec ses planches…

En effet, en début d’année, la forme et la confiance au zénith, elle se sentit capable de relever le défi dénommé « Grande Traversée du Jura (GTJ) Challenge », mis en place en 2010 par l’association éponyme (2). Concrètement, il s’agissait de parcourir d’une seule traite, en skating et en solitaire (3), la mythique GTJ, longue de 180km pour 4400m de dénivelée positive, reliant Villers-le-Lac (Doubs) à Giron (Ain) à travers le Parc Naturel Régional du Haut-Jura et les hauts lieux du ski de fond jurassiens.
En état de grâce, forte de son expérience glanée en trail, qui l’amènera à bien gérer son effort et son alimentation, Sylvie sera la première femme à accomplir cette action d’éclat. Cerise sur le gâteau, elle achèvera son épopée en moins de 24h, parvenant en 18h29 à Giron. A vrai dire, elle aurait pu faire beaucoup mieux si elle ne s’était égarée à plusieurs reprises en dépit de sa montre GPS, accumulant quelques bornes supplémentaires pour effleurer in fine les 200km, perdant ainsi 2h à 2h30.

… puis avec ses running

But en soi, cette prouesse lui servit naturellement pour la préparation de son trail long dont le dernier remontait déjà au 23 octobre 2011 à l’occasion du 45km de la Source du Lison (Doubs), où elle revêtit le costume de dauphine.
Seul problème, elle ignorait sa destination, preuve de son tempérament imprévisible. C’est seulement après son triomphe à la Chambottine, un trail de 25km concouru le 12 mai sur les hauteurs du Lac du Bourget, qu’elle porta son choix sur le Grand Raid 73 en vue de la passe de trois, Sylvie l’ayant déjà fait tomber dans son escarcelle en 2009 puis 2010.
Sachant l’âpreté et l’exigence de ce trail, incontestablement l’un des plus redoutables et plus  redoutés des Pays de Savoie, elle intégra plusieurs compétitions dans son plan d’entraînement. Outre la Chambottine, on la retrouva également sur les Princes en Foulées (28km) où elle arracha une méritoire 3ème place derrière les talentueuses Emilie Deronzier et Christiane Lacombe, sans oublier sa mainmise sur la Chavoyarde (21km). De quoi raffermir encore un peu plus son mental avant qu’elle ne se rende à Cruet, camp de base du Grand Raid 73 cher à Gilbert Codet et Catherine Morin
L’épisode bauju sera à l’avenant. Rien, en vérité, ne s’opposera à son cavalier seul. Pas même les déplorables conditions météos contraignant les organisateurs à réduire le parcours d’une quinzaine de km. Pas même la concurrence symbolisée par sa camarade de club et de team Nadège Cavagna, lauréate 2011 du Challenge des Bauges, incarnée encore par la skieuse-alpiniste albvertvilloise Isabelle Ciferman, la cycliste voglanaise Marie-Laure Ferrari ou la Tarine Claude Chenal (4).

 

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Les yeux embués

Dès les prémices, Sylvie accrocha le premier wagon fort d’une vingtaine d’athlètes, et ce pendant cinq bons km. Plus aucune fille ne la revit, ni même osa aller la chercher. En réalité, l’unique danger ne pouvait venir que d’elle-même, en l’occurrence d’une défaillance ou d’une blessure. Ce qui faillit se produire d’ailleurs lorsque le blizzard s’abattit en pleine ascension de la Petite Pointe de la Galoppaz (1623m) après le 25ème km : « J’ai alors eu très peur, gardant en mémoire ma sévère hypothermie contractée en 2011 sur l’arête de l’Aiguille Pers à l’occasion de l’Altispeed (5), qui m’obligea à rendre les armes. » Et l’Aixoise d’ajouter : « J’ai bien cru que l’histoire allait se répéter. »
Non,  pas cette fois ! Car même si elle aura laissé beaucoup d’énergie sur cette portion, ses sensations et son moral étaient tels qu’il ne pouvait absolument rien lui arriver. L’odyssée jurassienne, son entourage également, jamais avare de soutien, auront beaucoup contribué à ce nouvel et retentissant exploit.
Au bord des larmes au moment de franchir la ligne, cette femme de 49 ans, d’une grande sensibilité, avouait : « Je me sens revivre après ces longs mois plombés par la douleur, le  doute et l’angoisse, où je n’étais pas loin de tirer ma révérence. Mais cette résurrection ne signifie pas pour autant que tout est acquis, bien au contraire ! Car la course à pied est un éternel recommencement. Raison de plus pour profiter de l’instant présent. »

François Vanlaton

(1) Sylvie s’adonne au ski de fond au sein de la célèbre formation savoyarde du Centre de Ski Nordique du Revard.

(2) Sylvie se décidera à se lancer dans la Grande Traversée du Jura Challenge après avoir pris connaissance de la première tentative sur ce parcours, réalisée en 12h45 par Patrick Bohard, le 6 décembre 2010.

(3) Si Sylvie skiera seule, elle n’en sera pas moins assistée par son compagnon, sa soeur et son beau-frère, qui assurèrent plusieurs fois l’assistance et le ravitaillement en plusieurs endroits du trajet où elle put échanger habits et skis.

(4) Nadège, Marie-Laure et Claude finiront respectivement 2ème, 3ème et 4ème, à 20’27,  1h30’24 et 1h39’43 de Sylvie. Quant à Isabelle, elle devait jeter l’éponge.

(5) L’Altispeed est le 32km de l’Ice Trail Tarentaise.

REPERES :

– Née le 8 janvier 1964 à Aix-les-Bains.
– Une fille, Mélissa (15 ans).
– Réside à Saint-Offenge-Dessous, commune située à 13km d’Aix-les-Bains au pied de la  Montagne de Bange, sur le versant occidental du Massif des Bauges.
– Technicienne de laboratoire au sein de l’Etablissement Français du Sang à Annecy.
– Sociétaire de l’Entente Athlétique de Chambéry et du Team Activasport.
– Début en course à pied : 2000.
– Début en trail : 2003 à l’occasion du Tour du Roc des Bœufs à La Chapelle-Saint-Maurice (Bauges).

décembre, 2024

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