Sylvain Cachard, 21 ans, encore espoir cette saison a marqué les esprits les 3 derniers week-end en remportant successivement le titre de Champion de France de course en montagne, le Trofeo Nasego en Italie et The Smarna Gora Race en Slovénie.
3 courses de montagne de très haut niveau, qui le positionnent désormais parmi les meilleurs coureurs mondiaux de la discipline.
Après ses 2 secondes places cet été sur le Fletta Trail et le challenge Stellina en Italie au milieu de coureurs comme Francesco Puppi et Cesare Maestri, c’est un monument qu’il s’est offert avec le Trofeo Nasego, s’adjugeant le record de la course en 1h34’11 au terme des 20,6 km (1 336 m D+ et 1039 m D- / ancien record 1h35’37 Andrew douglas en 2019)
Rencontre avec cet étudiant ingénieur à l’INSA, qui fêtera ses 22 ans le 25 décembre prochain, et s’affirme comme le porte-drapeau d’une nouvelle génération très prometteuse.
Trails Endurance Mag : Tu t’affirmes comme l’un des meilleurs coureurs mondiaux de course en montagne, tu as franchi un nouveau cap cette année et tu assumes ce statut.
Comment as-tu préparé cette saison avec le confinement, qu’as-tu travaillé spécifiquement de plus et as-tu effectué un travail mental pour aussi prendre les courses à ton compte ?
Sylvain Cachard : Pour moi, une carrière, c’est rencontrer les bonnes personnes au bon moment. Et je pense que ce fut encore plus important durant cette saison 2020 particulièrement difficile. Avec la crise sanitaire, le confinement, toutes les courses ont été annulées pendant de longs mois. Bien sûr, il m’a fallu un temps d’adaptation pour m’habituer à ces nouvelles conditions de vie, de travail, d’entraînement que cette crise a engendré. J’ai la chance d’être très bien entouré et je suis donc parti me confiner avec deux amis et ma copine, tous étant de très bons coureurs en montagne et traileurs, à Barcelonnette. (NDLR : Baptiste Fourmont, Mathieu Delpeuch et Jade Rodriguez)
La course en montagne et le trail sont deux sports très intimistes avec peu de moyens et on a l’habitude de se débrouiller par nous-mêmes pour mettre toutes les chances de notre côté et réaliser nos rêves sportifs. Loger à quatre pendant deux mois, on n’a pas attendu le confinement pour le faire, depuis 2016 je mets toutes mes économies dans des stages d’entraînement qui se résument bien souvent à des matelas par terre dans une location trop petite pour le nombre de personnes. Mais ce sont à chaque fois de merveilleux souvenirs !
Après le confinement, j’ai décidé de monter deux mois à Font-Romeu pour m’entraîner du mieux possible. Faire les choses dans l’ordre, sans précipitation, construire une réelle progression dans mes séances et ma charge de travail, ce sont plein de choses sur lesquelles je me suis vraiment attardé avec les conseils de mon coach Pascal Balducci.
Nous avons aussi mis en place une nouvelle relation entre nous, me laissant beaucoup plus de liberté dans la programmation de mes entraînements, lui jouant plus le rôle de superviseur.
Avoir quelqu’un de si compétent à mes côtés et surtout qui s’adapte entièrement à mes besoins, c’est vraiment un plus ! D’un point de vue technique, ces mois de juin et de juillet m’ont permis de mettre l’accent sur des séances très intenses, bien supérieures à l’allure course. En ce qui concerne le travail mental, je pense que j’ai passé un gros cap cette saison sur la gestion de mes entraînements. Avant, quand je recevais mon plan d’entraînement et que je repérais une séance difficile, j’étais capable de stresser trois jours avant pour finalement ne la faire qu’à moitié.
Maintenant, comme je me programme moi-même mes séances, je comprends exactement à quoi elle va me servir et je prends donc énormément de plaisir à la faire même si je finis en rampant !
« Avec un short, une paire de baskets et beaucoup de volonté, tout est possible »
TEM : tu excelles au niveau scolaire et sportif, comment gères à la fois tes études d’ingénieurs et le sport de haut niveau, est-ce que le sport est aussi une soupape de décompression, et est-ce que l’un te sert pour l’autre et réciproquement ?
SC : On dit souvent que le sport est une belle école de la vie. Mais je pense que la gestion des études en parallèle de la pratique d’un sport à haut-niveau l’est encore plus. Cela m’apprend tout simplement à assumer toutes les conséquences de mes choix, même les plus désagréables. Par exemple, quand j’approche d’une course qui est l’objectif de ma saison, je veux me mettre au niveau des mecs avec qui je vais courir, souvent professionnels, alors je délaisse complètement les cours. Mais après la course, je dois assumer ce choix et rattraper tout mon retard, ce qui est parfois encore plus difficile que la course !
En réalité, l’INSA de Lyon est pour moi le paradis. Outre sa situation lointaine des montagnes, la politique de cette école en termes de sport de haut-niveau est vraiment conçue pour aider les athlètes-élèves ingénieur dans leur quête sportive. Pour donner un exemple parmi tant d’autre, l’INSA arrive à proposer des cours de langues particuliers à des horaires choisis par les étudiants pour les arranger au mieux dans leur emploi du temps, et ceci malgré les milliers d’étudiants qu’elle doit gérer !
En ce qui concerne les études d’ingénieur à proprement parlé, elles me plaisent vraiment même si je ne pense pas devenir ingénieur directement après la fin de mes études. En fait, le sport occupe une très grande place dans ma vie et c’est actuellement ma priorité au moins 6 mois par an. C’est plus l’INSA qui est une soupape de décompression quand un entraînement s’est mal passé, ou quand j’ai besoin de couper psychologiquement avec la course en montagne pour y revenir plus affamé.
« le team, un moyen pour réaliser mes rêves » : S. Cachard
TEM : Tu quittes le team espoirs BUFF / HOKA / LES SAISIES pour intégrer le team Elites HOKA. Est-ce un aboutissement du travail de ces dernières années et quels sont tes ambitions et objectifs à N+2 et N+5….passer sur format marathon par exemple ?
SC : Intégrer un team n’a jamais fait parti de mes rêves. Pour moi, c’est un moyen pour réaliser mes rêves. C’est un moyen incontournable, certes, à la vue de ma situation estudiantine, mais je me vois mal me dire : « L’objectif de la saison 2020 sera d’intégrer un team ». Je suis vraiment reconnaissant envers le team espoirs BUFF / HOKA / Les Saisies pour les années passées avec eux. Ils ont été un très bon support matériel et financier durant ces années. Ils m’ont aussi permis de rencontrer mon coach actuel qui m’a montré la direction à suivre.
En revanche, quelque soit l’athlète, quelques soient ses performances, le sport de haut-niveau est un travail quotidien. Que ce soit au niveau de la récupération, de la nutrition, de l’implication mentale et physique dans l’entraînement, seul l’athlète peut choisir ou non de mettre toutes les chances de son côté pour réussir. Je suis très content d’intégrer le team élite Hoka. En plus du matériel que je connais très bien et qui correspond à ma vision de la course en montagne et du trail, ils me font confiance et adhèrent totalement à mon projet de haut-niveau et de professionnalisation de ma démarche.
Sylvain Cachard : « soit tu réalises tes rêves, soit tu apprends »
TEM : quels messages tu aurais à faire passer à des jeunes qui veulent se lancer dans le trail et la course en montagne.
SC : Pour rebondir sur la question précédente, j’aimerais tellement leur crier haut et fort qu’entrer dans un team, être sponsorisé, être entraîné par le meilleur entraîneur du monde ne les fera pas courir plus vite. Et c’est ce qui fait la beauté de ce sport ! Avec un short, une paire de baskets et beaucoup de volonté, tout est possible ! N’importe qui peut tenter de réaliser ses rêves. La course en montagne et le trail sont comme un immense jeu où tout le monde peut jouer et où il n’y a aucun perdant. Soit tu réalises tes rêves, soit tu apprends et tu engranges de l’expérience pour la saison d’après.
Courir, c’est apprendre à se connaître 10 fois, voir 100 fois plus vite qu’un sédentaire. Toutes ces valeurs doivent être ce qui motive un jeune à se mettre à courir en montagne. En réalité, cette étape de « choisir » sa motivation est la plus importante dans une carrière, c’est ce qui fera que les saisons s’enchaîneront sans aucune baisse de motivation. Enfin, et même si je l’ai déjà dit j’aimerais le répéter car c’est à mon sens un point clé pour devenir un coureur en montagne passionné et performant, il faut s’entourer des bonnes personnes. Je pense qu’il est très important de ne pas se précipiter, de faire évoluer son entourage sportif en même temps que ses performances, tout en gardant à l’esprit qu’une personne peut être « bonne » à un instant T et moins à un instant T+1. Par exemple, s’entourer d’un community manager et d’un agent alors que l’on évolue à un niveau régional peut sembler précipité et néfaste au bon déroulement de la carrière sportive.
Par Fred Bousseau / photos : Damiano Benedetto / Marco Gulberti / Justin Galant / Ger Gan
décembre, 2024
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