En physiologie, certaines croyances ou idées reçues se répandent plus vite qu’un traileur au galop, car elles sont d’une logique apparemment implacable. Nous allons évoquer quelques-unes de ces idées en répondant aux questions basiques que se pose le traileur en hiver, et en apportant des réponses plus circonstanciées.
La pratique hivernale du traileur qui veut performer dès le printemps doit répondre selon nous à deux impératifs : s’entraîner utile, et se faire plaisir bien entendu. Pour cela, la palette d’activités est large, du tout course à pied au tout croisé, et il est parfois difficile de faire les bons choix. Bien entendu, ces questions se posent selon le lieu d’habitation de chacun. La problématique du ski alpinisme se pose pour un alpin ou un pyrénéen, rarement pour un nordiste ou un breton. Tentons d’y voir plus clair.
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J’ai compris qu’il fallait couper l’hiver, alors je ne fais rien et je reprendrai la course quand les jours grandiront
Certes, il faut réaliser une coupure, mais s’arrêter plusieurs mois de faire du sport provoquerait un désentraînement trop important synonyme de perte de la capacité de performance. Pour les ultra traileurs, nous préconisons une coupure de 3-4 semaines avec arrêt total du sport pendant 10-15 jours, puis reprise d’une activité douce aérobie, et portée (vélo, natation). Les bienfaits sur le système musculaire, hormonal, nerveux…sont très positifs. L’erreur fréquente est de vouloir limiter la fatigue aux seules douleurs musculaires. De plus n’oubliez pas que la rapidité du désentraînement est proportionnelle à l’âge du pratiquant. La moyenne d’âge des traileurs étant de 40 ans environ, c’est donc un paramètre à prendre en compte.
Notre conseil : L’occurrence des blessures étant également plus importante au moment de la reprise, il faut conserver un léger stress mécanique pendant la coupure, mais fuir toute contrainte psychologique comme celle de se sentir obligé d’aller s’entraîner.
- Cet hiver, j’arrête la course et ne pratique que de l’entraînement croisé
Ce choix est réalisé par beaucoup athlètes. S’il présente de nombreux avantages, il n’est pas sans risque au moment de la reprise. Pour bien comprendre les enjeux d’une longue phase sans course, il faut toujours revenir aux principes d’entraînement et aux facteurs de la performance en trail. La pratique d’une activité croisée comme le ski alpinisme ou le VTT répond aux nécessités de développer son endurance fondamentale, sa force, son endurance de force…, ce qui est bien entendu excellent. Si on respecte la progressivité et l’alternance des sollicitations énergétiques (travailler à différentes intensités et varier les séances), il manque toutefois certains aspects spécifiques de la course nature, comme l’excentricité des contractions musculaires. Or il faut plusieurs semaines d’entraînement pour que les descentes ne soient plus vécues comme un traumatisme par le système musculaire (destruction des fibres, production de facteurs inflammatoires…). Et encore une fois, la reprise de la course représentera un risque accru de blessures.
Notre conseil : Toujours dans le souci de conserver un léger stress mécanique, une séance de course à pied hebdomadaire et sans contrainte, permettra un retour plus efficace et moins risqué. Cette séance peut être qualitative et peut bien entendu comporter quelques descentes, même sur route. Mais bien entendu, nous conseillons fortement de croiser pendant l’hiver et si possible de limiter la course à pied.
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Faire du cross, c’est ringard, trop plat et trop court
Certes, les distances sont courtes, de 6 à 12 km selon les catégories, mais cela permet justement de développer de nombreuses qualités qui se sont émoussées au cours de la saison passée, comme la puissance aérobie (VMA), le recul du seuil d’accumulation des lactates, la dynamique du pied et de la foulée. Rappelons que même sur ultra trail, ces qualités sont judicieuses. Il faut donc les développer à l’entraînement pour les exprimer en course. De plus, le cross permet de développer des habiletés mentales essentielles (gestion du stress, concentration sur des facteurs objectifs de sa performance, dépassement de soi…), d’apprendre à gérer des départs rapides, et de réaliser un échauffement complet. De plus, si les cross sont courus à une intensité très élevée, ils se récupèrent vite car les temps de course sont faibles. De nombreux traileurs et coureurs de montagne performants (Julien Rancon, Manu Meyssat, Sylvain Cachard, Marie Perrier…) pratiquent le cross l’hiver. Et si vous n’êtes pas licenciés, de nombreuses épreuves sont maintenant ouvertes à tous, alors tentez l’expérience qui sera de toute façon très enrichissante. Et contrairement à ce que certains traileurs pensent, le cross n’est pas démodé même s’il a quitté les champs de labours pour les hippodromes. Suivez en direct le prochain championnat de France de la spécialité à Montauban et vous serez convaincus.
Notre conseil : Si vous voulez tenter l’aventure du cross, ne le faites pas sans une préparation adéquate, au risque de ne pas prendre de plaisir en raison de la spécificité de l’épreuve.
- S’il fait trop froid, je ne cours pas car c’est dangereux pour ma santé
Courir par grand froid brûle les poumons. Mais qu’entend-on par grand froid et jusqu’à quelle température basse peut-on encore courir sans danger ? En réalité, il n’existe pas de température seuil et la notion de froid reste subjective. Pour autant, le froid a de véritables effets sur l’organisme à l’effort. Une étude norvégienne (Exercise capacity and exercise-induced bronchoconstriction in a cold environment. Stensrud et al., 2007) a montré qu’en conditions de froid (température = -18°C), la consommation maximale d’oxygène (VO2) était réduite de 6.5% par rapport à une température de 20°C. La vitesse de course est donc réduite pour une même intensité d’effort. Du côté ventilatoire et cardiaque, on ne note pas de modifications notables. D’autres études ont montré l’apparition de bronchospasmes (= respiration sifflante) à l’issue d’efforts intenses de type cross, donc qui ne concernent pas les traileurs non pathologiques. De plus, ces symptômes disparaissent le plus souvent après quelques heures de repos. On peut donc considérer que le froid modéré n’est pas l’ennemi du traileur dans la mesure où il suffit de se couvrir : vêtements imperméables pour repousser le vent et la pluie, assez chauds pour éviter le refroidissement de l’organisme, et respirants pour permettre l’évacuation de la chaleur endogène. On n’oublie pas de se couvrir les extrémités (bonnets + gants) en raison de la vasoconstriction périphérique intimée par le fameux système orthosympathique.
Notre conseil : Vous pouvez pratiquer même par grand froid, mais en respectant la progressivité dans l’effort et en veillant à une bonne thermorégulation (thermogénèse vs thermolyse).
- L’hiver il fait froid, inutile de boire
En hiver, les conditions climatiques n’incitent pas à boire, c’est une réalité perceptive, mais qu’en est-il au-delà des sensations ? En réalité, l’exposition au froid engendre les mêmes risques de déshydratation que la canicule car le froid agit sur deux niveaux. Le premier niveau se trouve à la surface de la peau car le contact de la peau avec l’air induit un phénomène naturel d’évaporation. Lorsqu’il fait froid l’air est plus sec, l’effet de déperdition d’eau par voie cutanée est accentué.
Le deuxième niveau se situe dans les vaisseaux sanguins car le froid provoque une vasoconstriction sous-cutanée. Cela induit une diminution du débit sanguin ainsi que de la quantité d’eau véhiculée par le sang. L’hydratation naturelle de la peau est donc moindre et ne peut compenser l’eau qui s’évapore au contact de l’air froid et sec. En hiver, la déshydratation s’accentue encore du fait des variations de température subies par le corps lorsqu’il passe constamment du chaud au froid. Ainsi, contrairement aux idées reçues, il faut s’hydrater avec la plus grande attention en hiver, malgré la sensation de froid, car la déshydratation est importante, et davantage encore en montagne.
Notre conseil : Soignez votre hydratation pendant l’hiver, en veillant à ce que la température de l’eau soit acceptable, ou en privilégiant les boissons chaudes (mais attention à l’excès de caféine ou de théine).
L’hiver doit rester une saison de transition et non une saison de compétitions, même s’il est possible de courir du 1er janvier au 31 décembre, dans un contexte de mondialisation de l’activité trail. La coupure est salutaire pour récupérer et régénérer, mais la reprise est une étape à risques. Ainsi, il faut conserver un stress mécanique régulier, pratiquer majoritairement une activité croisée et pourquoi pas tenter l’aventure du cross. L’idée est de débuter une nouvelle saison de trail avec de l’envie et un potentiel physique optimisé !
Par Pascal Balducci –
novembre, 2024
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