Ancien athlète de haut niveau, 2h18min au marathon (1996 – Paris), 4 sélections aux mondiaux en équipe de France de montagne, vainqueur du 1er marathon du Mont-Blanc et nombreuses autres victoires en trail et sur route, professeur au SUAPS à l’université de La Réunion, entraîneur national et du team Asics Trail, consultant pour Canal Grand Raid….
Un vrai passionné de course à pied dont il pourrait narrer de nombreuses histoires pendant de longues soirées, il participe aussi au développement des courses dans l’océan indien, dont l’organisation du Trail de Rodrigues.
C’est à cette occasion que nous l’avons rencontré.
Quel regard global portes sur la saison 2014 de Trail ?
Assez simple, on observe une forte massification du nombre de courses et du nombre de participants, c’est clairement une démocratisation de la pratique et on assiste parallèlement à une « simplification de l’entraînement ».
La tendance, est à mes yeux, de faire des courses facilement, un peu comme « la sortie du dimanche », et en même temps il y a la problématique des courses limitées en nombre de participants et celles ou il faut avoir acquis des points pour s’inscrire.
C’est certes un peu contradictoire, mais cela illustre cette explosion avec de nouveaux publics qui n’ont pas forcément une pratique athlétique, mais qui veulent participer à tous prix et se sentent quelque part perdus dans la définition même du Trail.
Un coureur qui débute pourra être facilement attiré directement par un Ultra Trail alors qu’il devrait plutôt faire des distances plus courtes et aller plus tard sur du long, si cela lui plaît et lui convient.
Et chez l’élite des coureurs, j’ai l’impression que chacun cherche à faire toujours plus et aussi à enchaîner trop de courses….il y a sans doute un danger et c’est inquiétant, c’est pas forcément un bon modèle.
« le Trail comme mode de vie et pas une vie à la mode du Trail »
Le bilan du Team Asics trail 2014 est en demi teinte, quelles en sont les raisons ?
Effectivement, 2013 a été un meilleur cru.
Les raisons sont peut-être paradoxales mais dans de nombreux Team on assiste à une semi professionnalisation de la discipline.
D’un côté on médiatise l’athlète et la marque de façon forte et de ce fait on pousse parfois les athlètes trop loin, le team devrait être là pour encadrer le coureur et l’aiguiller dans ses choix et optimiser sa préparation.
Et de l’autre, il ne faut pas oublier que l’athlète a aussi une vie de famille et professionnelle, cette facette ne permet pas d’être complètement pro.
Il faut avoir un peu plus de détachement et moins de pression.
On est encore dans une pratique amateur, l’aspect « professionnel » et la notion de Team ne sont pas encore suffisamment structurés pour la performance.
Il ne faut pas confondre « le Trail comme mode de vie et une vie à la mode du Trail ».
La discipline se développe de façon exponentielle dans l’océan indien, comment expliques tu cela ?
Elle explose effectivement car cela correspond à la nature même du lieu.
La diffusion des informations et des « modes » est très rapide sur une île.
C’est aussi l’occasion de faire découvrir au reste du monde « son île » mais c’est aussi une pratique ancestrale car aujourd’hui dans les îles (Rodrigues, Mafate à la Réunion…) les populations se déplacent encore à pied.
Parallèlement c’est aussi une réappropriation des espaces naturelles et une découverte des territoires et des patrimoines pour les autochtones.
Il faut à mon sens d’abord structurer la pratique, la fédérer et ensuite développer petit à petit les événements.
Mais on assiste aussi à une priorité du paraître (tenues vestimentaires notamment), plutôt que sur l’être, le trail doit rester une pratique ordinaire.
C’est aussi la médiatisation qui pousse à ce travers mais c’est bénéfique pour le business des marques.
« un consumérisme excessif » – Eric Lacroix
Tu accompagnes et observe les coureurs de la Réunion, Maurice et Mayotte, le potentiel est là mais que leur manque t-il pour gagner une grande course ?
L’expérience et la confrontation tout simplement.
Cela leur manque clairement, même si certains vont parfois à l’étranger cela reste onéreux et difficile du fait de la distance.
En restant chez soit c’est parfois plus facile et plus valorisant de gagner des courses locales….il est difficile d’aller « prendre des claques » ailleurs.
Il y a de bons potentiels et de bons techniciens mais tout cela est mal coordonné, cela montre aussi que la discipline n’est pas structurée et que l’athlète ne sait pas définir ses priorités.
Un vrai centre d’entraînement pourrait faire évoluer cet aspect.
Quelles sont tes craintes et satisfactions sur l’évolution actuelle de la discipline ?
Le consumérisme excessif me fait peur, la course sans plaisir avec juste l’envie de consommer du dossard, des points et de l’équipement.
Revenir aux origines comme ce que l’on vit ici (Trail de Rodrigues) ou les gens reviennent à des épreuves plutôt « roots* » et ou les organisateurs donnent une âme, leur âme à la course.
*proche de ses racines, originel.
On dit que la femme est l’avenir de l’homme, sur ce trail de Rodrigues elles représentent 51% des participants, quel est selon toi l’avenir du trail ?
Il y a moins la notion de genre humain, homme ou femme, mais les femmes n’ont pas la même approche, elles accordent sans doute plus d’importance à la maîtrise et au contrôle de leur pratique, alors que les hommes recherchent la performance absolue et parfois sans concession (physiologique, mentale….).
Par Fred Bousseau – texte & photos
novembre, 2024
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