François D’Haene vient de battre le record du GR 20 en 31h06min, le précédent record était détenu par Guillaume Peretti en 32h (7 juillet 2014), alors que Kilian Jornet avait mis 32h54min en 2009 – Les différents records ICI
François, connaît bien la Corse et ses montagnes et il s’y rend depuis plus de 10 ans avec ses parents en vacances, il avait aussi accompagné Julien Chorier il y a 4 ans sur sa tentative et pour la petite histoire, lorsqu’il avait eu son permis à 18 ans (il y a 12 ans), il avait pris la voiture et était venu avec Alexis Traub (devenu son beau frère depuis), faire le GR 20 en……10 jours.
Et quand on leur disait qu’un record non stop existait, ils se disaient tout simplement « c’est impossible ».
L’impossible est devenu possible et François D’Haene revient pour Trails Endurance Mag sur son exploit.
« je pensais ne plus y aller » : F. D’Haene
1/ Comment s’est passé ce record et l’attente de 48h
Sur le papier, j’avais prévu 1 jour de battement avant et 2 jours après mais dans ma tête j’y allais pour partir le mercredi et lorsqu’il a fallu faire le premier report, je n’y croyais plus trop.
Tout était organisé pour un départ le mercredi, à la fois pour moi mais aussi pour mon entourage, Carline (sa femme) et les enfants avaient fait le déplacement mais aussi des copains, les hébergements, les transports étaient réservés ainsi.
Les pacers* avaient aussi pris 1 ou 2 jours de congés (mercredi et jeudi) mais peu étaient disponible 3 jours de suite….j’en ai perdu quelques-uns du fait de ces reports.
C’était pénible, stressant et usant, il fallait checker la météo en permanence, prendre les bonnes décisions, tout le monde était en stand by, je pensais ne plus y aller.
Je n’étais pas très serein et je sentais que je perdais du jus.
2/ la première partie du GR 20 à été compliquée ?
Le vendredi la météo était encore moyenne, j’ai pris le départ à 4h du matin, au lever du soleil une belle averse nous a copieusement arrosée et ensuite ça a été du brouillard et des averses de pluie fine toute la journée, les conditions n’étaient pas vraiment optimales.
Il faisait pas très froid, 7-8°C à 2000 m, je perdais un peu de temps de temps par manque de visibilité, j’ai mis 5 minutes à trouver un refuge pour faire poinçonner ma carte, mais je me disais que ça pouvait être pire.
Avec de meilleures conditions météos, on peut gagner sans doute encore du temps mais surtout perdre moins d’influx, mais ça fait partie de la montagne et de l’aventure.
« j’étais presque en mode survie »
Je me suis alors adapté aux conditions, j’ai aussi l’habitude l’hiver, mais c’était difficile pour les pacers*.
Sur la première partie, l’objectif était vraiment d’arriver à Vizzavona sans faire de conneries (pas se perdre, pas se blesser, pas faire d’erreur de gestion dans l’hydratation et la nutrition)…j’étais presque en mode survie avec ces conditions délicates.
J’ai franchi ce passage symbolique en 17h après 89km, je ne regardai pas le chrono, la route était encore longue.
Sur la seconde partie je savais que j’allais retrouver des pacers, le ciel était dégagé, la pluie nous avait quitté, j’étais plus serein.
Je me suis alors dit que c’était jouable d’aller au bout (Conca), mais sans penser au record en premier lieu, je voulais rester concentré sur mon effort physique.
« pas du tout abordé comme une course »
Je me suis jamais rentré dedans au point de me mettre dans le rouge, j’ai juste eu une petite hypo durant la nuit, mais j’ai vraiment géré comme une grande rando en montagne, en partant doucement avec l’objectif d’aller au bout.
Sur la fin, j’avais de bonnes sensations, peut-être du aussi aux mauvaises conditions du départ qui m’ont incité à être prudent.
Je ne l’ai pas du tout abordé comme une course.
Je savais que j’étais en forme et que si tout se passait bien je ne devrait pas être trop loin du record de Guillaume et ça l’a fait.
J’ai pas eu de crampes, j’ai toujours été bien musculairement et cardiaquement, toujours lucide, je me suis amusé tout le long et j’ai pris du plaisir.
3/ Quel est l’accueil des Corses aujourd’hui ?
J’ai toujours pris ce défi comme un projet personnel et j’avais envie de vivre ce projet complètement.
C’est une île que je connais pour y être venu à de nombreuses reprises, je suis venu en respectant ce GR mythique, en respectant la montagne et l’histoire des Corses.
Au lendemain du record j’ai eu beaucoup de messages de félicitations des Corses qui ont semble t-il apprécié la performance et avec cette mauvaise météo ont trouvé que j’avais fait un beau truc.
J’ai l’impression qu’ils sont plutôt content de la mise en avant médiatique de l’île qui a été faite et que ce soit moi qui ai battu le record, ils me connaissent et m’apprécient et c’est aussi réciproque.
Même si certains coureurs locaux ne sont pas venus m’aider, car ils avaient participé au record de Guillaume Peretti, ils m’ont quand même souhaité sincèrement bonne chance.
Certains m’ont donné des conseils mais ne voulaient pas se mettre en porte à faux, je comprends cette position et je la respecte.
4/ Que retiens tu de ce record ?
Pour moi c’est juste une page de plus dans l’histoire de l’île et du record du GR 20, le chrono est bon et ça laisse une belle empreinte.
Rien que le fait d’aller au bout, est à titre personnel un énorme souvenir et je pense que Julien (NDLR : J. Chorier a tenté le record en 2015), est aussi allé au bout pour cela.
D’ailleurs j’étais aussi présent lors de sa première tentative il y a 4 ans.
On doit pouvoir passer sous les 30 heures, mais il ne faudra pas y aller « en slip », mais bien le préparer, être bien accompagné et rester humble face à cette montagne difficile.
GR 20 : « Je voulais partager cette aventure » : F. D’Haene
5/ Peut-on encore parler d’aventure ?
Oui complètement, je suis venu trouver exactement ce que je cherchais.
L’aventure, c’est de la gestion, une part d’inconnue, tu pars, mais tu ne sais pas si tu vas y arriver, la route est longue et il ne faut pas faire le malin.
T’es petit face au GR 20 et à la montagne en général.
Pour moi l’aventure est synonyme de performance et de partage, mais pas dans la même optique qu’une course.
J’avais des copains qui étaient venus me suivre et m’assister pour la première fois, ils n’étaient jamais venu sur une course (UTMB, GRR…), ils se sont investis (et stressés au passage) comme jamais.
Ils ont fait quelques erreurs par stress et manque d’habitude mais ont tous œuvré pour que la réussite soit collective.
Jean Mi Faure Vincent (staff salomon) a joué un rôle majeur.
Alexis (NDLR : A. Traub, son beau frère, très bon coureur national de trail sur courtes distances) a par exemple fait 95 km au total avec moi, il n’avait jamais fait aussi long de sa vie, il a craqué avant Vizzavona (hypoglycémie) et n‘a pas pu conduire la voiture pour rentrer, mais il s’est dépouillé, on a vécu une vraie aventure humaine et sportive tous ensemble.
Mais le fait d’être accompagné c’est aussi partager des moments et ne pas risquer l’accident, il y a des secteurs très engagés, j’ai 2 enfants et une femme, je ne voulais pas commettre d’imprudence.
Oui, je ne porte pas mon eau, mais ce n’est pas cela qui enlève à l’aventure !
Les autres records se sont fait comme ça, je me suis adapté .
Je voulais partager cette aventure et que ce record – s’il était réalisé – ne soit pas individuel mais collectif.
J’ai pas envie d’aller faire un record seul à l’autre bout du monde.
6/ place à la récupération et à la suite de la saison.
Physiologiquement ça va très bien, je n’ai pas de mal à marcher (NDLR : il va d’ailleurs aller ce balader en famille en montagne ce mardi), j’ai juste les orteils abimés et les ongles en dolori, ce sont les stigmates des chemins et des cailloux corses.
Je serai au départ de la Western States 100 aux Etats Unis à la fin du mois de Juin (14ème en 2015 après une fin de course difficile), je pense que j’aurai bien récupéré et j’irai sans trop de pression ou plutôt avec de la pression positive.
Et si ça ne passe pas, ce ne sera pas un drame.
Ma saison est déjà bien réussit avec la victoire à Hong Kong et ce record, le reste sera maintenant du bonus.
Je ferai ensuite une grande coupure estivale et j’irai en octobre au Grand Raid de la Réunion.
*pacers : personnes qui accompagnent le coureur sur une partie du parcours
Par Fred Bousseau – ©Fred Bousseau, JMK consult et Damien Rosso (www.droz-photo.com)
décembre, 2024
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