Prévenir le coup de chaleur d’exercice

L’été, si c’est bien la belle saison des trailers, c’est aussi la saison des coups de chaleur. Fièvre, perte de connaissance, vomissements et parfois la mort peuvent être au rendez-vous des mal-préparés, des non-avertis ou des inconscients. Découvrez alors comment prévenir et faire face pour que le plaisir de courir reste total même pendant la canicule.

Pas facile d’organiser son entraînement aux premières chaleurs alors que l’on continue à travailler. Et pourtant, les grandes compétitions estivales arrivent comme le Grand Raid des Pyrénées, la 6000D, l’UTMB©, la TDS ou la CCC…, des ultra-trails qui demandent des préparations conséquentes en terme de volume d’entraînement et donc de volume horaire. Et les accidents dus à la chaleur ne sont pas rares, mais qu’entend t-on par coup de chaleur ?

La littérature distingue deux types de coup de chaleur : le coup de chaleur classique et le coup de chaleur d’exercice. Le coup de chaleur classique survient en dehors de tout effort, lors de vagues de chaleur estivale comme en 2003, ou dans des ambiances anormalement chaudes (véhicule fermé en plein soleil, serre, transports en commun urbains …). Il touche généralement les personnes sensibles comme les personnes âgées et les enfants, les premières parvenant mal à s’hydrater et les seconds en raison d’un fonctionnement rénal moins efficace (jusqu’à 2-3 ans) et d’un rapport surface corporelle/poids du corps supérieur à l’adulte, engendrant des pertes d’eau cutanées  plus importantes.

 

Le coup de chaleur d’exercice ou « hyperthermie d’effort », survient au cours d’un effort musculaire intense ou prolongé, tel que ceux produits en trail, à l’entraînement ou en compétition. C’est celui que nous allons étudier à présent.

Les critères de définition du Coup de Chaleur d’Exercice (CCE) reposent sur une analyse clinique : une hyperthermie (>39° C) mesurée à l’aide d’un thermomètre tympanique au moment du malaise, une altération métabolique cellulaire et une défaillance multiviscérale.

Le CCE a bien été décrit dans le milieu militaire et les données sont recueillies depuis 1989. L’incidence globale (200 à 300 cas par an) a évolué au cours des 20 dernières années du fait du développement des activités de plein air, des sports extrêmes (triathlon, raid, trails) et des compétitions de masse. Cependant, la gravité du tableau a diminué avec une baisse de la mortalité de 20% à 5% en raison des mesures prises pour en assurer la prévention.

Les facteurs favorisant la survenue du CCE sont nombreux : en premier lieu, il y a bien entendu une température et une humidité élevées lors d’une épreuve intense ou de longue durée. Il y a ensuite l’absence de vent (pas d’évacuation de la transpiration*), le port de vêtements empêchant l’évaporation sudorale, une mauvaise hydratation avant et pendant l’épreuve, la fatigue préalable ou engendrée par l’effort, le stress, la prise de médicaments, le manque d’entraînement et d’acclimatation aux températures élevées, un effort aux heures les plus chaudes …

 

Signes avant-coureur

Si toutes les conditions évoquées précédemment sont réunies, le risque de CCE est accru. Si vous êtes la victime de ce syndrome, il y a peu de chances que vous vous en rendiez compte car le CCE s’accompagne d’une altération de la connaissance et de troubles comportementaux. Les autres prodromes sont une démarche ébrieuse (vous titubez tel un alcoolique), de l’asthénie (perte d’énergie), une soif importante, des nausées et vomissements ainsi que des crampes musculaires. Si plusieurs de ces signes sont réunis chez une même personne, vous devez l’arrêter et prévenir de toute urgence le service d’aide médicale ainsi que procéder aux premiers secours que nous décrirons ensuite.

Si le sujet poursuit son effort, les troubles de la conscience vont s’accentuer (confusion, coma, convulsions), la peau devient très chaude, des troubles cardio-vasculaires et respiratoires peuvent survenir jusqu’à l’accident cardiaque ou neurologique.

Au-delà de ces signes cliniques, les signes paracliniques montrent toute la gravité du phénomène. On note une insuffisance rénale (incapacité des reins à filtrer le sang et à secréter certaines hormones), une hémoconcentration (diminution du volume d’eau extracellulaire et rejet dans le sang des produits non filtrés par les reins), des troubles hydroélectrolytiques (troubles liés à des inégalités des échanges d’eau et de sodium entre les cellules et le milieu extracellulaire), une éventuelle rhabdomyolyse (libération dans la circulation sanguine des produits de dégradation des cellules des muscles squelettiques) et également une cytolyse hépatique (destruction des cellules du foie). Tous ces signes sont liés et peuvent survenir en cascade.

Ce tableau clinique peut se résoudre spontanément avec amélioration de l’état neurologique mais il peut aussi s’aggraver. Quoi qu’il en soit, le traitement initial et immédiat doit consister en un refroidissement actif, c’est-à-dire une réfrigération globale de l’individu. Les médicaments antipyrétiques (contre la fièvre) sont inefficaces et même dangereux : hépatotoxicité du paracétamol dans une situation de choc du foie et toxicité rénale et plaquettaire des anti-inflammatoires (et de l’aspirine) alors que l’hémostase est déjà perturbée. Rappelons également que la prise de ces médicaments est fortement déconseillée en auto-médication sur les ultra-trails où l’on semble observer une propagation de la pratique.

La prise en charge des complications est également requise : inhalation, convulsions, choc hypovolémique (diminution de la masse sanguine circulante entraînant une baisse du retour veineux et une diminution du débit cardiaque).

En milieu hospitalier, la prise en charge débute par la réfrigération et peut se poursuivre par un remplissage vasculaire (perfusion sanguine par voie veineuse), une ventilation mécanique, une dialyse et une greffe hépatique selon la gravité de la situation.

Même en milieu hospitalier, l’évolution n’est pas toujours favorable. Parmi les patients hospitalisés, 5% d’entre eux vont décéder après 12 à 18 heures d’évolution marquée par l’apparition de défaillances multi-viscérales : oedème cérébral, état de choc hyperkinétique (première étape du choc septique), CIVD (syndrome hémorragique), une insuffisance hépatique et une insuffisance rénale.

Plusieurs théories complémentaires permettent de comprendre la survenue du coup de chaleur d’exercice : une théorie myopathique liée à des anomalies génétiques fonctionnelles du muscle strié et responsables au cours de l’exercice de contractures musculaires généralisées ; Une théorie endotoxinémique dans laquelle la redistribution sanguine et la déshydratation sont à l’origine d’un bas débit digestif qui va lui-même aboutir à une translocation bactérienne (passage de bactéries digestives à travers la muqueuse intestinale). Un foie de choc en est la conséquence ainsi qu’un syndrôme de réponse inflammatoire systémique (SRIS).  Enfin, une dysfonction du système nerveux central par atteinte des centres thermorégulateurs (hypothalamus antérieur), atteinte des centres de contrôle homéostasiques et non perception des signaux d’alarmes de « surrégime ».

Vous comprenez que le Coup de Chaleur d’Exercice peut avoir des conséquences graves et doit donc être connu et reconnu dans le milieu du trail afin de mieux le prévenir et de le traiter de toute urgence en cas de survenue.

Rappelons les précautions que chacun doit prendre en cas de fortes chaleurs :

– être médicalement apte aux efforts intenses et prolongés.

– S’entraîner progressivement pour favoriser l’acclimatation.

– S’entraîner aux heures les plus fraîches de la journée (souvent le matin tôt) et en terrain ombragé.

– Etre suffisamment préparé pour aborder une compétition estivale.

– Emporter un moyen d’hydratation et s’en servir régulièrement

– Porter des vêtements adaptés, clairs pour réfléchir la lumière, et laissant passer la transpiration

– S’abstenir de s’entraîner en cas de prise médicamenteuse ou de pathologie respiratoire.

Rappelons maintenant les précautions qui doivent être prises par les organisateurs en cas de fortes chaleurs :

– Annuler une épreuve en cas de conditions climatiques exceptionnelles.

– Multiplier les points d’eau sur le parcours.

– Renforcer l’assistance médicale et favoriser la formation aux premiers secours des bénévoles.

Enfin, rappelons que si chacun doit être responsable de lui-même, il se doit aussi d’être vigilant à la santé des autres et aux comportements suspects sur une épreuve. La banalisation des ultra efforts en période estivale augmente considérablement le risque des Coups de Chaleur d’Exercice, et donc la possibilité de décès à l’entraînement et en compétition, à des années lumières du plaisir qui doit guider la pratique de chacun quel que soit son niveau.

 

Par Pascal Balducci – Photo :

 

Références bibliographiques

– L Bourdon, F Canini, M Aubert, F Flocard, N Koulmann, R Petrognani, C Brosset, AX Bigard. – Le coup de chaleur d’exercice revisité. Med.Armées, 2002 ;30,5 :431-8.

– M Aubert, O Deslangles. Hyperthermie d’effort, MAPAR 1997 : 611-620.

http://www.urgence-pratique.com/2articles/medic/Chaleur.htm

 

 

décembre, 2024

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