Mental – Comment avancer avec ses peurs ?

Composer avec ses peurs… sujet terrifiant, n’est-ce pas ? Qui n’a jamais eu peur en compétition, à l’entraînement ? Peur de ne pas réussir son chrono, peur de l’entorse dans une descente technique, peur de flancher au 50e kilomètre, de décevoir sa famille, de se décevoir soi-même. Peur de l’inconnu, de mal gérer la nuit pendant un ultra, peu de souffrir… Voyons comment apprendre à les connaître et s’épanouir en leur présence.

La peur est une émotion. Et tout le monde a des peurs. Également – notamment dans le milieu sportif et du trail où il faut toujours être plus fort, plus invincible – elle est un peu tabou. Mais pourquoi, au fond ? À nouveau je le répète, tout le monde a des peurs ; et puis le fait de se cacher nos peurs à nous-mêmes ne les enlève pas. J’ai l’habitude de dire que deux peurs dont on a conscience valent mieux qu’une seule peur que l’on se cache.

La fuite ou le combat

Une peur que l’on se cache à soi-même, c’est un peu comme un petit caillou dans la chaussure. On peut essayer de ne pas y penser, mais d’une façon ou d’une autre, il nous rappelle qu’il est là. Deux attitudes habituelles face à une peur sont la fuite ou le combat. Dans la fuite, vous cherchez à tout prix à oublier votre caillou ; dans le combat, vous vous énervez contre lui. Voyez-vous des moments où vous auriez pu être dans la fuite ou dans le combat face à une de vos peurs ? En trail, ou bien dans votre vie en général ?

Julie par exemple, voudrait à tout prix faire une bonne place sur la course-objectif de sa saison, car elle a peur sinon de ne pas être à la hauteur de l’idéal qu’elle se fixe, de décevoir ses proches, de se sentir nulle. En général, quand elle se met cette pression, elle peut alors rentrer en lutte, et s’imposer une allure trop haute, sans même se connecter à ses sensations et ses possibilités dans l’ici-et-maintenant. Une allure purement mentalisée, désincarnée. Parfois, elle peut aussi fuir, en se disant, quand cela commence à être dur, que ce qu’elle fait n’est pas bien, qu’elle n’est pas dans un bon jour, et laisser filer sa course. Elle évite d’accepter ses moyens du moment tels qu’ils sont, et garde ainsi du contrôle sur les choses.

Si je poursuis avec l’exemple de Julie, dans les deux cas, dans sa fuite comme dans son combat, elle n’est pas LÀ, elle est ailleurs. Quand je dis qu’elle n’est pas « là », c’est qu’elle n’est pas en lien avec sa réalité du moment, ses atouts et sa forme du jour, elle n’est pas vraiment dans sa course. Elle est soit dans l’attente, soit dans la frustration… mais pas là, pas connectée. Elle est moins elle qu’elle pourrait l’être. Son potentiel reste un peu dans l’oeuf !

Lorsqu’on se cache à nos peurs (dans cet exemple, la peur de ne pas être à la hauteur, mais cela fonctionne avec n’importe quelle peur) on n’est pas autant soi qu’on pourrait l’être. Être soi, en sport, en trail, dans la vie, c’est être tout un ensemble de choses, dont nos émotions font partie. Lorsqu’en descente très technique, je ressens la peur de chuter, alors je suis aussi et notamment cette personne qui a peur, et c’est très bien comme ça ! Si je reconnais ma peur, alors elle prend déjà moins de place, et dégage de l’espace pour toute ma concentration et le meilleur de moi.

Reconnaître ses peurs, leur donner une forme

Vous êtes d’accord pour reconnaître que vous avez des peurs ? Vous êtes même peut-être prêt à vouloir faire quelque chose de tout ça. Mais vous ne savez pas comment vous y prendre… Accepter ses peurs et avancer avec, c’est un chemin très personnel ; on est un peu seul face à ses peurs, c’est une aventure unique et hors du commun, qui nous fait grandir. Au préalable, acceptez l’idée que vous puissiez avoir des peurs. Ensuite, apprenez à reconnaître vos émotions, et notamment l’émotion « peur ». Connaître vos peurs va vous demander de vous ouvrir à votre ressenti, chemin qui mène à l’émotion.

Je vous propose quelque chose d’assez sympa à faire dans votre quotidien d’entraînement :

sur une séance par-ci par-là (si vous le faites sur toutes c’est encore mieux) laissez une petite place à ce que vous ressentez. Ok, vous avez un programme à réaliser, vous avez le nez sur votre montre, votre dénivelé, ou encore vous pensez à vos problèmes de boulot. Mais ouvrez juste une petite porte à l’émotion, au ressenti : « Tiens, comment je me sens, là ? Suis-je dans la joie, le plaisir de l’effort, l’émerveillement devant le paysage, l’ennui, la colère, la frustration d’être si lent à mes yeux… la peur ? » Certaines pensées pourront vous aider à reconnaître dans quelle émotion vous vous trouvez, ou parfois cela sera une sensation dans le corps. A vous de rencontrer votre propre monde intérieur. Je dirais que ce travail fait pleinement partie de l’entraînement sportif !

Une chose intéressante à faire est également, une fois rentré chez vous, ou un peu à distance de la séance, c’est de vous repasser le fil de votre session d’entraînement, et d’identifier dans quel climat intérieur vous vous trouviez à tel ou tel moment. Ecrivez, prenez des notes, posez des mots sur ces sensations. Retracez votre mouvement intérieur.

Sous un autre angle, vous pouvez écouter ce que dit votre peur. On pourra ainsi utiliser l’outil qu’est la parole, sous toutes ses formes :

– par écrit, prendre une feuille (ou un carnet dédié) et un stylo ; penser à la situation qui vous turlupine (par exemple prendre une hypo) et écrire « j’ai peur de … (et compléter)… prendre une hypo au cinquantième ». Vous pouvez lister plusieurs peurs. EXPRIMEZ-VOUS, déliez votre langue, faites parler votre peur, donnez-lui un micro.

  • toujours dans l’outil-parole, discutez avec quelqu’un de confiance, verbalisez des choses, osez lui dire que quand vous avez mal aux cannes, ça vous fait flipper ! (vérifiez qu’en parler à cette personne vous permet de vous libérer et ne renforce pas au contraire votre peur. En effet, parfois l’autre répond en appuyant involontairement sur des choses qui nous titillent).

  • enfin, parler avec un coach mental, dans un cadre dédié à cela.

Vous pouvez aussi dessiner vos peurs. Croquis, ou sous forme de BD avec des bulles de paroles : dessiner vos peurs est une manière de les maîtriser. Dessinez-vous en train de courir, de tomber, de suer, lâchez-vous sur les couleurs qui vous viennent, ne posez pas de jugement sur la qualité de votre dessin. Exprimez-vous, vous et vos peurs, par le dessin.

Nos peurs sont toujours les mêmes

Plus on apprend à repérer et être à l’écoute de nos peurs, plus on constate que ce sont un peu toujours les mêmes qui reviennent. Chaque humain-traileur a son lot de peurs, qui partent et qui reviennent en fonction du contexte dans lequel on se trouve, et qui les active. Plus nous les rencontrons et les re-rencontrons, plus nous pouvons apprendre à composer avec, et à passer notre chemin, sans pour autant les nier. Mais on fait avec, et les vit de mieux en mieux !

Credit photo Erik Sampers

On a vu qu’on pouvait fuir ou rentrer en lutte face à nos peurs, et qu’alors les peurs prennent plus de place encore. Mais on peut aussi trouver des attitudes/comportements alternatifs, qui viendront nous permettre d’être dans l’action en compagnie de nos peurs, sans qu’elles ne dominent nos choix et nos conduites. En acceptant l’idée du comportement alternatif, vous n’occultez pas la peur, vous l’accueillez comme étant présente, mais ne lui laissez pas toute la place. Vous revenez ou restez dans l’action, en conscience. Vous continuez à mobiliser vos ressources avec plus de fluidité.

Quelle dynamique alternative Julie pourrait-elle trouver ? Elle a peur de ne pas faire une bonne place, et a repéré plus haut ses comportements de fuite/de lutte. Il serait intéressant qu’elle s’interroge sur ce qui est important pour elle au-delà de la place, ce qui lui fait prendre le départ de chacun de ses trails. On se rapproche alors des valeurs de Julie.

Alors elle liste :

– « m’exprimer, moi telle que je suis »

– « me donner comme je peux donner ce jour »

– « prendre du plaisir »

– « me connecter à mon rythme, incarner mon effort »

– « inscrire chaque course dans un processus de découverte de moi sous plein de formes, et dans une recherche d’harmonie »

– « apprendre ».

Ces formulations expriment des buts « profonds », en préparation mentale, on parlera aussi de rechercher ses finalités.

Le but de tout cela est que Julie puisse répondre de manière différente à ses peurs, en élaborant en conscience des attitudes porteuses et les mettre en application au moment où elle aurait tendance à fuir ou à lutter :

– Revenir à l’instant présent par le corps (pleine conscience) :

Par exemple, plutôt que de « s’imposer un rythme déconnecté de ses sensations » (sa manière de rentrer en lutte avec sa peur) elle peut : se centrer sur son rythme, sur sa respiration, revenir à ses sensations corporelles, afin de trouver l’intensité d’effort qui lui paraît acceptable. C’est un comportement UTILE à ce qu’elle est en train de faire, et en accord avec ce qui est important pour elle, comme par exemple se donner comme elle peut se donner ce jour.

– Élaborer des pensées-ressources :

Lorsqu’elle laisse filer sa course en se disant que ce qu’elle est en train de faire n’est pas bien (sa manière de fuir), elle pourrait utiliser la pensée « je me recentre sur le rythme qui me fait plaisir »

là encore on est dans du concret avec une pensée-ressource qui favorise l’acceptation de ce dont Julie dispose comme moyens dans sa course du jour ; là encore cette pensée est en accord avec ce qui est important pour elle, prendre du plaisir.

Apprendre à travailler vos peurs peut vous aider à vous ancrer dans votre pratique et à vous y sentir plus serein. Vous serez alors capable d’observer l’émotion-peur et non plus de vous laisser saisir par elle ; vos prises de décisions sur les sentiers s’en trouveront plus justes et posées, elles se feront moins dans la réaction et plus en conscience ; vous irez plus facilement à l’utile. Lutter contre une émotion est très consommateur en énergie, voire épuisant ; aussi, être dans l’accueil de vos émotions vous permettra d’économiser votre énergie. En faisant cet acte de vous accepter entièrement, donc y compris avec vos peurs, vous construisez une perf’ qui a de la valeur.

En résumé :

La peur fait partie du vivant… Avoir des peurs est normal.

Vouloir (se) cacher une peur a tendance à renforcer les comportements de fuite ou de lutte qu’elle génère.

Accueillir sa peur rend celle-ci moins envahissante et libère de la place à des process d’actions alternatifs utiles, efficients et épanouissants.

Apprendre à avancer pleinement avec ses peurs est un travail de tous les jours, et super intéressant.

Par Christel Robin Body And Mind – www.christelrobinbodyandmind.com.

décembre, 2024

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