Mathieu Blanchard, casseur de codes et de records

Mathieu Blanchard vient de remporter la mythique Diag’, le Grand Raid de la Réunion. Un peu plus de 180 km en moins de 24 H, distance et temps records sur un monument du trail running. “Mathieu Koh Lanta” n’est plus. Oblitéré par les performances stratosphériques de Mathieu Blanchard devenu l’un des plus grands. On l’avait rencontré pour un papier dans notre revue Forrest. Immersion dans l’ultra foulée et le parcours hors du commun du garçon.


Article publié dans Forrest #2 – 18 Pages avec Mathieu Blanchard

✍🏻 Luc Beurnaux


Tout ce que Mathieu Blanchard touche se transforme en or. Ou presque. Enfant bercé par l’Océan, barricadé ensuite dans un bureau d’ingénieur canadien, il a subitement envoyé balader son costume trois pièces et ses beuveries d’école d’ingénieur pour aller conquérir la Montagne. Mais aussi le bitume. Le sable. Et la mer. A une vitesse fulgurante, il s’est imposé dans le milieu du trail et de l’ultra, qui, parfois, voit d’un mauvais œil l’intrusion de ceux qui ne sont pas issus du « sérail », ou qui cassent les « codes ».

Influenceur majeur du milieu, passé par la téléréalité et Koh Lanta, le Sudiste a dû, plus qu’un autre, prouver sa valeur. Sortir du cadre. Et lutter contre son sentiment d’illégitimité. Son combat homérique face à l’idole Kilian Jornet lors de l’UTMB 2022 l’a définitivement installé sur le haut du panier. Son prochain défi ? Y rester. Pour y parvenir, Mathieu est prêt à une nouvelle fois tout chambouler…

Une enfance passée au bord de la mer, en montagne, dehors… Comment se fait-il que tu te sois retrouvé enfermé dans un bureau d’ingénieur ?

Comme pour 95 % des jeunes aujourd’hui, ce n’est pas moi qui ai forcément décidé ; c’est le système qui décide… Cela peut paraître un peu cliché, mais c’est une réalité ; quand on est au lycée, en terminale et qu’on rencontre la conseillère d’orientation, personne ne sait où cela va mener… La conseillère regarde tes notes, mais pas tes passions. Tu te retrouves dans des filières, mais loin de tes rêves de gosse.

Moi j’avais des facilités dans les matières scientifiques donc on m’a dit d’aller faire un cursus d’ingénieur. Tu te retrouves ensuite dans des sortes de couloirs, dont tu ne peux plus vraiment t’échapper. Moi c’était l’entonnoir « prépa- math sup – maths Spé école d’ingénieur » … Dans cet engrenage, c’est dur de dire du jour au lendemain : « ce que j’aime c’est courir dehors ». C’est le système qui oriente les gens plus par rapport à des résultats scolaires que par rapport à des réels centres d’intérêt, des réelles passions, et c’est très dommage…

“Tu te retrouves dans des couloirs dont tu ne peux pas t”échapper”

Tu t’es fait violence pour quitter ce système ?

Oui, un peu, parce qu’on finit par te lobotomiser le cerveau dans le sens où t’es un peu « programmé » ; tu rentres dans une entreprise, tu vises une carrière, tu progresses, tu as des augmentations salariales, davantage de responsabilités, tu as toujours une carotte qui te fait poursuivre ta carrière ; tu as le sentiment que si tu quittes cet environnement, tu vas détruire tout ce que tu as construit. C’est comme quand tu construis une maison : tu fais les fondations, le mur et t’as envie de voir le truc fini, d’être bien confortable dedans, et à un moment donné, tu prends un gros bulldozer et tu défonces tout… c’est très difficile de passer le pas !

Est-ce que tu as dû brusquer ton tempérament pour changer de vie ?

Oui complètement. J’ai d’abord dû l’accepter au fond de moi ; cela a pris entre six mois et un an. Il a fallu ensuite expliquer le projet à mon entourage, qui est le pire juge de paix. Les amis, la famille ce sont les personnes que tu aimes le plus au monde et tu n’as pas envie de les décevoir ; quand ils te disent : « non, c’est une mauvaise idée, ne fais pas ça », c’est très compliqué. Je pense d’ailleurs que beaucoup de personnes n’ont pas le courage d’aller à l’encontre de ce que pensent leurs proches. À un moment donné, j’y suis allé, je me suis dit : « tant pis si certains n’acceptent pas mon nouveau projet ». C’est une question de prise de risques aussi.

Y-a-t-il eu un événement qui a déclenché cette prise de risque ?

Quand mon frère a eu son accident (*), j’avais déjà commencé mon introspection. Mais cet événe- ment a rajouté à l’idée de tout changer ; tu te dis : « mince, la vie est fragile, la vie est courte, il faut que j’en profite ». Tout peut basculer du jour au lendemain. Je n’avais pas envie de me retrouver dans un fauteuil roulant à regretter ce que je n’ai pas pu faire, ou être sur un nuage au paradis et me dire : « merde j’ai été un rat mort dans un bureau… »

octobre, 2024

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