La cinquième victoire de Kilian Jornet sur le Marathon du Mont-Blanc ne peut se résumer qu’au célèbre : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu ». Dans ce « Veni, Vidi, Vici », le Catalan s’est aussi rassuré. Sans emphase. Ni euphorie. A son image, diront certains. Parce que c’était sa « mission », ajouteront d’autres. Reste qu’il a manqué quelque chose… Une « libération » dans l’apaisement du soi.
VIDÉO DU MARATHON DU MONT-BLANC 2018
Il s’est assis. Dès la première chaise. Au bout du banc, en quelque sorte. Loin de la lumière qui centralise l’attention. Et pourtant, chaque journaliste cherchait son regard, histoire de le rappeler à lui… En mars dernier, lors de la dernière étape de la Pierra Menta (ski-alpinisme), alors qu’il était en tête avec Jakob Herrmann, Kilian Jornet s’était fracturé le péroné. Ce Marathon du Mont-Blanc était synonyme de retour à la compétition.
« une course stratégique » : Kilian Jornet
Kilian est plutôt un athlète vertical. Et on ne peut pas dire que le Marathon du Mont-Blanc, avec ses 2 730 m de D+ (1700 m en négatif), soit une course verticale. Epreuve Salomon et coureur Salomon, forcément pour sa reprise en France, il y avait un lien à faire. Mais le Catalan a tout de suite occulté le rapport entre les deux. « Lorsque tu vois le plateau qu’il y a sur une telle course, c’est motivant d’être au départ, expliqua-t-il. Zegama, Marathon du Mont-Blanc, Sierre-Zinal, ce sont des courses qui font rêver, car il y a une grosse densité. Lorsque tu fais de la compétition, c’est dans les courses où il y a de la concurrence où tu as envie de venir… »
Restait à savoir dans quel état de forme était l’Isard de Puigcerdà ? « En montagne, les entraînements allaient plutôt bien. Sur le plat, je ne m’étais pas trop entraîné, mais le docteur avait dit ok. Je savais que ma jambe n’allait pas casser, mais c’était plutôt les articulations qui pouvaient être encore un peu fatigué et je voulais voir comment je pouvais réagir… »
D’aucuns le savent, Kilian est plutôt dans l’action que la réaction. Courir contre nature – d’autant qu’il fait souvent corps avec elle, n’est pas son style. Alors, le « Courant ascendant », comme le défini Philippe Billard, s’est adapté. « J’ai fait une course stratégique en partant tranquillement, me préservant dans les descentes pour ma jambe, afin de profiter de la partie finale, de la montée. Mais c’était très difficile à cause de la chaleur et derrière, je savais que c’était fort. Car Marc (Lauenstein), Aritz (Ega), Thibaud (Baronian) avaient envoyé dans la descente. C’était une belle lutte et le cadre était super. C’est vrai que c’est mieux pour les spectateurs, lorsqu’il y a du soleil, mais pour les coureurs, c’est mieux lorsque l’ambiance est à la neige… »
Si Kilian a dû s’adapter en courant sur son état de forme, il a également composé avec les conditions de course. « Aujourd’hui, j’étais vraiment dans la gestion à cause de la chaleur, car je souffre beaucoup dans ce genre de situations. C’est pour cela que je suis parti en me disant qu’il fallait courir en contrôlant, de tenir un rythme, sans chercher à accélérer, ni à aller plus vite que les autres, à tel ou tel endroit. Car pour moi, c’était impossible de mettre un coup de gaz. Je n’étais à l’abri des crampes et d’un coup de moins bien. C’était aussi très difficile pour tous les coureurs, à cause de la déshydratation ».
Cette première course de la saison avait valeur de test pour Kilian. Il a ainsi pu donner des valeurs aux différents curseurs qui établissent un état de forme. « Le corps allait bien, car au niveau physique, j’avais fait de bons entraînements. Pour ce test, je savais qu’il ne fallait pas aller trop vite dans les descentes, pour l’instant. Je dois encore bien récupérer et me muscler, car je ne suis pas à 100%. Sur les parties plates de la course, je ne savais pas comment j’allais réagir. Mais en montagne, sur les parties techniques et au niveau cardio, cela allait très bien. «
Etre à l’écoute de son corps tout en gérant un effort, c’est le quotidien – et même le biquotidien, de Kilian. D’autant plus en compétition. « C’est une habitude, explique-t-il. Ce n’est pas la première course que je fais. La gestion, c’est quelque chose que l’on doit connaître et savoir adapter. Aujourd’hui, je savais que ce n’était pas dans les descentes que je pouvais faire la différence. »
La frustration de la Pierre Menta, de la blessure, sont déjà oubliés. « A ce moment-là, j’étais plus déçu pour Jakob, car c’était sa première Pierra Menta et l’on courait pour la victoire », précise-t-il. Depuis, Kilian a entrepris sa reconstruction. « J’ai recommencé à faire de la montagne et je me suis régalé. Le temps est passé très vite… En fait, le moment le plus long a été les deux jours qui ont précédé la course. Il fait beau, tu as envie de partir dans la montagne, plutôt que de rester dans le fond de la vallée… »
Retourner dans l’Himalaya…
Le retour de Kilian à la compétition a attiré les foules sur les sentiers mont-blanais. Cette reconnaissance du public n’a pas laissé de marbre le « Sprinteur de l’Everest » : « Sur le Marathon du Mont-Blanc, il y a toujours une grosse ambiance et cela donne des ailes, explique-t-il. De plus en plus, notamment sur les épreuves Golden Trail Series, on voit qu’il y a du monde, du public. C’est une grosse motivation. Maintenant, je vais voir comment je récupère, car les Golden Series est un objectif. Il y a notamment Sierre-Zinal (12 août), mais aussi d’autres belles course le Trofeo Kima (26 août). Et après l’UTMB (31 août), peut-être… »
Si Kilian a choisi le Marathon du Mont-Blanc pour renouer avec l’esprit de compétition, c’est aussi parce qu’il a un lien particulier avec la Vallée de Chamonix. C’est devant l’Eglise Saint-Michel que le grand public l’a découvert lors de la première de ses trois victoires sur l’UTMB en 2008, alors qu’il n’avait pas encore 21 ans. C’est aussi au départ de Chamonix, le 11 juillet 2013, qu’il bat le record de l’ascension à pied du Mont-Blanc, en réalisant l’aller-retour en 4h57’34. « Le coté sentimental, je le trouve plutôt là-haut », confie-t-il. Et de corriger : « En fait, c’est n’est pas sentimental, ni au forcément au somment du Mont-Blanc. C’est dans le plaisir d’être en-haut et dans l’apaisement du soi. Etre dans la montagne, c’est en haut que tu en profite. Lorsque tu es dans une course, ce n’est pas la même chose. C’est la compétition qui prime. Tu te dois de tout donner. Tu pars pour gagner, mais tu peux aussi faire 20e… »
Kilian est venu à Chamonix. Kilian a couru un marathon. Kilian a vaincu aux pieds du Mont-Blanc. Mais Kilian était-il vraiment là ? Tant il fut difficile de capter son regard. D’apercevoir l’étincelle qui caractérise l’athlète, la flamme qui personnifie l’homme. Etait-il trop loin de la verticalité qui mène là-haut… « Dans l’apaisement du soi », comme il le dit si bien. Et comme une attente, un besoin, un pèlerinage, à la question : « Kilian, quand retournes-tu dans l’Himalaya ? » Il répond, les yeux dans les yeux. « Peut-être cette année, peut-être l’année prochaine, mais c’est sûr que je vais y retourner… » Pour être soi, enfin, lui.
RÉSULTATS MARATHON DU MONT-BLANC 2018
- RUTH CROFT en 4h37’30
- Ida Nilsson en 4h39’37
- Eli Gordon en 4h41’01
- Anne Lise Rousset en 4h53’04
- Megan Kimmel en 4h55’05
- KILIAN JORNET en 3h54’54
- Marc Lauenstein en 3h58’15
- Stian Angermund-Vik en 4h00’07
- hibaut Baronian en 4h00’49
- Aritz egea en 4h02’28
octobre, 2024
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