La forme sportive est une chimère : nous courons tous après cet état de grâce : l’expression la plus aboutie de nos capacités fonctionnelles. La construire, la garder, la laisser filer pour mieux la retrouver demain… Cela suppose des dispositifs et des stratégies qui organisent nos solutions d’entraînement et conditionnent le moyen de charge, l’intensité et la périodicité. Mais cette quête est sans issue si l’on se focalise seulement sur le geste spécifique de la course à pied et son aspect énergétique, car la santé globale se trouve alors fragilisée. Pour durer en Trail, le corps doit être capable de se préserver des petits dommages liés aux hyper-contraintes propres à une activité d’extrême endurance ; il se trouve que nous disposons d’un outil efficace pour nous aider à construire un corps fort et résistant, c’est l’entrainement croisé. Une activité qui peut nous apporter un surplus de force, de gainage, de puissance et de coordination et nous aider à acquérir et à conserver durablement une forme sportive optimale.
Le « cross-training » consiste à mixer différents types d’activités. Ainsi, lorsqu’un coureur remplace une partie de son entraînement en course par de la musculation, du vélo, de la natation ou du ski de fond, il fait du cross-training », (INSEP, forum des entraîneurs). Au-delà de la récupération active et de la pré-fatigue, c’est la contribution active au progrès de l’athlète en termes de force, de puissance, de vitesse et d’endurance et de coordination qui est visée. « Un programme type est basé sur trois séances par semaine de course à pied et des séances d’entraînement croisé en vélo et/ou natation. L’objectif est d’économiser l’organisme en remplaçant les kilomètres de course à pied par d’autres heures de travail. La règle de base étant : pas de séance de course à pied sans intercaler au moins un jour de repos ou d’entraînement croisé » (Université de FURMAN,USA). Attention, il s’agit bien de remplacer la course par autre chose, et non pas d’ajouter le cross-training à l’entrainement existant, sous peine d’obtenir des volumes épuisants et improductifs.
EST-CE QUE CA MARCHE POUR PROGRESSER EN TRAIL ?
Avant d’entrer dans le débat, une mise au point est nécessaire, car les partisans de l’entraînement exclusivement spécifique sont encore nombreux. Leur théorie est simple : plus on consacre du temps au geste spécifique, plus on progresse ! C’est vrai, logique, et cela se vérifie pour toutes les activités humaines, c’est en forgeant qu’on devient … vous connaissez ! Mais pourtant, observons d’autres exemples dans le monde du sport, comme en triathlon et en raid par exemple, sports qui comptent par définition des spécialistes de l’entrainement croisé, puisqu’ils jonglent entre trois activités, voire beaucoup plus. Que se passe-t-il en cas de confrontation avec des cyclistes par exemple ? Pas forcément dans une course sur route, car les routiers sont « sournois » et un siècle d’histoire collective, fait d’alliance, de mésalliances et de compromissions laissent des traces dans la capacité à élaborer des stratégies machiavéliques (que nos amis triathlètes ont parfois du mal à maîtriser)… Mais sur les contre-la-montre, il est courant de constater que les triathlètes font jeu égal avec les meilleurs routiers. En course à pied, même constat : du 10km au semi-marathon, les très bons spécialistes du triple enchaînement entrent dans la petite famille des humains capables de courir à plus de 19 km/h ! Pourtant, quand on sait que globalement un triathlète passe 50% de son temps à vélo, 25 % en course à pieds et 25% dans l’eau, on en conclut que les rois de l’entraînement croisé arrivent à être aussi forts que les adversaires d’un jour avec 50 à 75 % d’entraînement spécifique en moins … Edifiant !
Plus spécifiquement en trail et en raid, lors des Mountain X-Race de 2008 – une belle épreuve défunte proposant 5 activités (VTT, cordes, kayak, montagne, escalade et trail) sur 5 jours dans les Alpes françaises – nous avons vu s’affronter les meilleurs raiders de la planète avec quelques-uns des meilleurs traileurs européens du moment. Eh bien, quel que soit le profil, plat, montant descendant, court, long, les raideurs ont assez régulièrement dominé les spécialistes de la course, alors qu’un bon coureur de raid s’entraîne au mieux 30% de son temps à pied. Là aussi, avec 70% de temps de travail spécifique en moins, le cross training fait des miracles ! L’entraînement croisé est donc éminemment formateur.
POURQUOI LE CROSS-TRAINING ?
Il faut essayer de distinguer clairement les exigences biomécaniques de la course à pied sur route ou sur piste, bien décrites dans la littérature du sport, et celles, tout à fait spécifiques, du trail. La course en milieu naturel se caractérise par une adaptation constante du geste à un environnement varié. Aucune foulée ne ressemble à la précédente : la longueur, l’angle d’envol, de réception, le type de pose de pieds, avant, arrière, médian ou encore interne ou externe pour compenser un dévers. Le temps d’impact au sol en fonction de la vitesse ou le type de terrain, le temps de suspension…tout est en perpétuel changement. C’est à l’évidence en courant en montagne, principalement là où le terrain est le plus varié, que le corps va mettre en place naturellement ses propres régulations, principalement proprioceptives. Mais on peut aider un peu la nature en mettant son organisme dans des situations nouvelles, inédites, différentes, variées…c’est le cross-training.
C’est le cas en pratiquant des activités annexes comme le ski, le vélo, l’escalade, le fitness, la musculation ou les sports collectifs…mais il y en bien d’autres, que l’on va dynamiser les processus d’adaptation, principalement sur le plan de la coordination, de la proprioception et de l’équilibration.
Au niveau de l’intensité de force et de gainage, l’enjeu est semblable. A ce titre, on perçoit dans l’entraînement moderne une tendance forte à l’amélioration du rendement du geste spécifique par le travail de la force maximale, de l’endurance de force et du gainage. Ces thèmes propres à la préparation physique dite générale ont pris une part importante dans la préparation de tous les athlètes de haut niveau. Les préparateurs physiques sont ainsi présents dans toutes les structures et clubs de haut niveau. Des formations universitaires, principalement initiées par un chercheur Français, Gilles Cometti, sont en place depuis une dizaine d’année, et les mises en œuvre de cette spécialité correspondent stricto-sensu à l’entraînement croisé.
LE CROSS TRAINING, PLUS QU’UN COMPLEMENT
La pratique la plus courante est d’utiliser principalement le vélo (route ou VTT) en pré, ou post-fatigue. En partant du principe que les longues séances de course peuvent avoir un impact délétère sur les tissus principalement tendineux. On peut effectivement pédaler avant d’aller courir, de façon à obtenir un effet sur l’endurance aérobie plus important en s’économisant, ce que font de nombreux athlètes élite. Ou alors aller pédaler après sa séance de course, ce qui est plus facile et donc clairement conseillé aux débutants.
On peut aussi utiliser le cross-training comme le vélo et la natation – qui sont des sports portés – pour les activités de reprise, après une épreuve difficile et épuisante. Attention cependant à bien prendre le temps d’une récupération pratiquement complète par un repos total, car on sait maintenant que tant que les processus inflammatoires ne se sont pas naturellement estompés, toute forme de pratique physique est à exclure.
Amélioration de l’endurance, récupération, on sait bien que l’entrainement croisé peut nous aider, mais il s’agit, vous l’aurez compris d’aller au-delà.
QUEL CONTENU ?
Le cross-training fait référence à trois pôles d’activité : les sports dit non spécifiques, ce qui pour un runner, regroupe tout ce qui n’est pas de la course à pied. Le champ des pratiques propre au gainage, à l’équilibration, la coordination propre aux séances de préparation physique générale. Et la musculation principalement réalisée avec charges additionnelles.
Concernant les sports annexes, c’est l’environnement qui va être déterminant. Quels sont les sports que l’on maîtrise techniquement ? Ceux qui sont possible pour des raisons pratiques ? Ceux qui nous attirent et qui nous donnent du plaisir ? Ceux que l’on peut partager ?
Concernant la PPG, c’est là que les mises en œuvre demandent le plus de compétence et de créativité. La base reste le Circuit Training faisant appel à des exercices sollicitant le gainage et le dynamisme. Les exercices seront donc intenses, sollicitant la vitesse, mais dans une configuration instable, faisant appel à un ré-équilibrage constant. Les Swiss Ball, les demi-sphères, les sangles TXR, le plateau de proprio …seront les outils clefs de ces séances.
Concernant enfin la musculation, rappelons l’importance de la force. Il est courant de recommander dans les sports d’endurance de ne travailler qu’avec des charges faibles de l’ordre de 30-40% de la charge maximale avec 15 ou 20 répétitions dynamiques. « Or il semble bien que la performance soit améliorée de façon beaucoup plus nette, par un gain de force, à travers des programmes constitués de séries de 1 à 6 répétitions avec une charge de 60-80% de la force maximale. De plus, ce type de programme diminue la fréquence cardiaque (le coût cardiaque) pour un effort donné…. » (GAUTIER MACE LEBOUCHER ). Les mises en œuvres seront alors proches d’un travail de squat (flexion de jambe avec charge sur les épaules) avec des charges importantes.
Propositions d’enchaînements…
Les formules peuvent varier à l’infini dans les combinaisons entre courir, pédaler, skier, grimper, sauter, nager … mais on peut proposer quelques cas d’enchaînements typiques :
SEMAINE TYPE ENTRAINEMENT CROISE RECUPERATION (pour accélérer la récupération après une épreuve difficile)
Lundi : Repos complet
Mardi ou Mercredi : une séance de natation de 40 mn à dominante bras et 10 mn d’étirements modérés:
Mercredi : Repos et Etirements
Jeudi : une séance de VTT d’1h30 maxi sur le plat en tournant les jambes et 10mn d’étirements modérés
Vendredi : Repos et étirement
Samedi : Natation 20 mn
Dimanche : VTT 1h et Etirement
SEMAINE TYPE ENTRAÎNEMENT CROISÉ, CYCLE DE DEVELOPPMENT GENERAL
– Lundi : 1H00 de VTT ou ski de fond ou 40mn de Natation
Mardi : CAP 40 mn avec un travail de force vitesse (sprints arrêtés en côte sur 8 sec) et 30 mn de travail de pliométrie et bondissement
– Mercredi : Séance de gainage et renforcement musculaire sur circuit training suivi d’une séance de CAP 1H00 avec un travail de la PMA( 2 à 6 X 2 mn à FC max en côte)
– Jeudi CAP en Endurance Fondamentale de 40 mn enchaîné avec 1H00 de VTT sur terrain varié ou ski de fond
– Vendredi : Repos
– Samedi CAP avec un léger travail de vitesse et Circuit Training sur le thème force et coordination
– Dimanche Rando course en montagne
Photo B. Boone
décembre, 2024
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