Qui aurait parié sur le Lyonnais Fabien Antolinos ? Il n’était pas vraiment annoncé parmi les grands favoris du jour. Et pourtant il était bien là le coureur du team Terre de Running / Mizuno pour s’imposer à la loyale face à l’américain Seth Swanson qui a finalement du lâcher prise face à la fougue du français.
Chez les féminines, écrasante domination de Caroline Chaverot reine des Dolomites devant la Néo Zélandaise Ruth Croft.
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Une course de mouvement en tête
Cortina d’Ampezzo 23h. La piazza Dobona est noire de monde. Il règne cette bonne ambiance de soir d’été lorsque s’élancent les 1 600 coureurs engagés sur l’épreuve du North Face Lavaredo Ultra Trail partis pour avaler les 120km pour 5 800m de D+ (plus de 4 000 coureurs avec le 48 km et le 20 km, sans compter les 200 enfants sur la Cortina Kids). « Un parcours un peu trop roulant » auront trouvé certains après coup. Mais pas pour tous. C’est bien sur les chapeaux de roues qu’a démarré cette 11ème édition de l’épreuve Italienne, manche de l’Ultra Trail World Tour, lançant d’entrée de jeu l’espagnol Paul Capell en éclaireur solitaire pointant déjà avec 2′ d’avance sur S. Hawker et 4’ sur l’américain S. Swanson au premier ravitaillement. Suivent D. Hermansen, G. Grinuis, D. Jung, F. Dalpit et dans ce paquet d’hommes pressés, le premier français à vouloir faire sa place se nomme Quentin Stephan.
Fabien Antolinos ne pointe que 13ème se sentant « pas dans le coup et avec de mauvaises sensations». Mais la route est encore longue et l’ascension menant aux fabuleuses Tre Cime va vite faire le ménage.
Déjà au lac de Misurina peu avant que la pente s’élève S. Hawker a déjà pris une bonne reculée comptant 15min de retard sur la tête. F. Antolinos grignote doucement des places remontant à la 8ème position même s’il ne se « sent pas encore vraiment dans le coup ».
Evoluant au cœur d’une nuit rassurante et surtout épargnée des violents orages éclatés les nuits précédentes, chacun monte à son rythme espérant ne pas laisser trop de plumes sur cette première grosse difficulté. Au sommet, ravitaillement du refuge Auronzo km 48, si Pau Capell semble toujours maitre à bord avec 12min d’avance, derrière les visages se ferment, la foulée devient plus raccourcie et l’ordre de passage des élites bien chamboulée.
Dans la pénombre les cadors ne profitent pas vraiment de la beauté de ce lieu magique mais devinent qu’ils sont entourés par d’incroyables montagnes. Le cœur du peloton profite en revanche de la beauté de cette verticalité extrême avec des aiguilles perçant l’aube matinale à 2 999m d’altitude.
Une course à rebondissements commence et très vite les coureurs partis devant payent inévitablement leurs efforts nocturnes. A peine 15 degrés au sommet et une fraicheur de saison accueille le nouveau quinté.
S. Swanson est second devant le duo formé du norvégien D. Hermansen et du lituanien G.Grinuis. Deux bonnes minutes plus tard, le français F. Antolinos fait alors sa rentrée dans le top 5 et semble plus motivé que jamais à chasser les hommes de tête « je sais alors que tout reste possible et qu’il faut se battre ». S. Hawker est aux oubliettes, d’autres accusent le coup. Parmi les français Sébastien Chaigneau revient peu à peu après un départ laborieux, J. Chorier n’est visiblement « pas dans le coup » et Sangé Sherpa s’accroche dans le bon wagon avec toujours cette étonnante décontraction. Rémi Berchet d’abord bien engagé sur la première portion est toujours là mais il souffre. Après le ravitaillement du km 68, la seconde partie de parcours s’annonce torride avec le soleil qui a fait son apparition. Les 5 hommes sont toujours présents mais Fabien Antolinos fait maintenant cause commune avec Gediminas Grinius. Fulvio Dapit l’italien revient aussi aux avant-postes ayant repris Didrik Hermansen.
“J’ai pris le risque de ne pas m’arrêter” : F. Antolinos
Si pour certains la course s’est malheureusement achevée prématurément comme pour la française Juliette Blanchet contrainte à l’abandon pour blessure au km 68, elle ne fait au contraire que commencer pour ceux qui ont su être patients. Les difficultés n’épargnent pas les organismes entamés et il faut gérer jusqu’au massif très sélectif de Trofane. Il faut d’abord grimper sur les crêtes du Val Travesnanzez puis le col dei bos et cet enchainement de montagnes russes dans la partie finale menant au Passo Giau. Quelle surprise lorsqu’au km 105 on assiste à la « remontada » alpine d’Antolinos. On attendait Pau Capell mais ce dernier est à la peine souffrant de terribles crampes d’estomac.
F. Antolinos, le sociétaire de Décines Meyzieu Athlétisme ne compte alors plus qu’un concurrent sérieux avec lequel se battre, Seth Swanson. Privé d’un finish de toute beauté au cœur de ces paysages à vous couper le souffle et minéral à souhait Pau Capell a quant à lui du jeter l’éponge, nous l’apprendrons un peu plus tard. Les deux hommes en tête sont maintenant seuls au monde, comptant plus d’un quart d’avance sur l’italien F. Dapit. Ce dernier doit néanmoins surveiller de près ses arrières car le jeune norvégien Erik Sebastian Krogvic, semble plus frais que jamais bien revenu dans la course.
Un peu plus à l’arrière les autres français font leur bonhomme de chemin. Mais certains ont du couper court comme Christophe Mallardé et Rémi Berchet, pourtant auteurs d’une belle première partie de course.
Sébastien Chaigneau, Sangé Sherpa et Julien Chorier assurent en bon gestionnaires et motivés pour finir honorablement.
Sur la ligne d’arrivée, ils se suivent de peu avec Sébastien Chaigneau du team the North Face (8ème), Julien Chorier Team Hoka (10ème) et Sangé Sherpa (11ème).
Après avoir joué au chat et à la souris, c’est finalement sur la fin de parcours et notamment dans la dernière descente qu’Antolinos va porter le coup fatal à son adversaire. « Je le trouvais mieux que moi en descente et je dominais en montée sauf la dernière où il a bien failli partir, un coup de bluff peut être. Je suis revenu et j’ai pris le risque de ne pas m’arrêter dans le dernier ravitaillement. C’est passé et je ne l’ai pas revu » commente le traileur du team Terre de Running Mizuno. Les bras levés vers le ciel et si heureux de franchir la ligne d’arrivée en tête qu’il se paie même le luxe de refaire un tour en arrière juste pour le plaisir de saluer son public, faisant ainsi le bonheur de tout le clan français. Vainqueur pour sa première fois au Lavaredo il domine en 12h32’ devant l’américain Seth Swanson qui n’a pourtant rien lâcher, sauf ces dernières petites minutes vers la fin. Un bel exploit !
Caroline Chaverot s’offre un second succès
Chez les féminines, on la savait forte, très forte, mais elle a démontré une bonne fois pour toute que ses problèmes de santé sont désormais loin derrière elle. Caroline Chaverot, la haut-savoyarde du team Salomon, s’offre une victoire écrasante en 14h05’45” après celle de 2015 (13h40’34”).
Seule la Néo Zélandaise Ruth Croft pouvait caresser de petits espoirs de ruiner les rêves de la haut-savoyarde du team Salomon. Dans les talons de Caroline durant la première partie de course, celle-ci n’a pu résister face à l’attaque de la française dans la montée des Tre Cime, concédant alors un écart considérable. La Néo Zélandaise a du alors se contenter de gérer n’ayant sans conteste pas les armes pour rivaliser. Enfin, l’italienne Lisa Borzani de Bergamo, portée par son public, rentre 3ème avec seulement 16’ d’avance sur la guerrière de Valloire Maud Gobert.
Malgré une mauvaise chute la traileuse du team Oxitis-Odlo a tout donné pour aller au bout d’elle même puisant dans ses réserves et s’offrir cette belle place d’honneur au terme de 16h09’ d’effort.
Résultats Lavaredo Ultra Trail 2017
Femmes
1/ Caroline Chaverot, team Salomon International, 14:05:45
2/ Ruth-Charlotte Croft, Scott Running & Garmin, Nouvelle Zélande, 14:51:36
3/ Lisa Borzani, team Tecnica-Bergamo Stars, Italie, 15:53:49
4/ Maud Gobert, team Oxsitis-Odlo, 16:09:30
5/ Ewa Majer, Solgar Polska, Pologne, 16:23:33
Hommes
1/ Fabien Antolinos, TDR Mizuno, 12:32:34
2/ Seth Swanson, The North Face, Etats-Unis, 12:34:41
3/ Erik-Sebastian Krogvig, team La Sportiva, Norvège, 13:09:21
4/ Fulvio Dapit, La Sportiva-Crazy Idea, Italie, 13:11:23
5/ Robert Hajnal, Roumanie,13:24:30
REACTIONS
CAROLINE CHAVEROT (vainqueur en 14h05’45”) :
« Je suis très contente de ma course même si ça n’a pas été toujours facile. Au début je suis partie assez vite car j’avais la pression de voir que Ruth Croft pas très loin. Je savais que c’était une bonne coureuse sur les portions roulantes et que je pouvais faire la différence dans les montées. Dans l’ascension des Tre Cime j’ai mis le rythme qu’il fallait et je l’ai décrochée. Plus sereine, je savais néanmoins que rien n’était joué surtout que j’ai aussi traversé des passages à vide prise de problèmes gastriques, tout comme bon nombre de coureurs aujourd’hui il me semble. Ça redonne une bonne dose de motivation pour la suite mais je vais devoir me reposer car je serai sur la Hard Rock aux Etats Unis dans 2 semaines, il va falloir bien gérer cette phase intermédiaire. »
MAUD GOBERT (4ème en 16h09’30”):
« Une course compliquée achevée au mental. J’ai vraiment souffert physiquement et j’ai fait deux mauvaises chutes l’une après l’autre. Mais je suis repartie et je me suis accrochée souhaitant plus que tout voir la ligne d’arrivée. Dure au mal, je n’aime pas abandonner et il fallait coûte que coûte que j’arrive au bout. Longtemps avec Juliette Blanchet je me suis retrouvée un peu seule après son abandon. Même dans le dur je termine 4ème ce qui finalement n’est pas si mal. Et c’était vraiment magnifique. J’ai adoré les paysages, l’ambiance et l’organisation, je sais que je reviendrai ici ! »
FABIEN ANTOLINOS (vainqueur en 12h32’34”) :
« Je reviens de loin car c’est parti très vite devant. D’abord pointé à la 13ème place je pensais vraiment que je n’étais pas dans le coup aujourd’hui. Je n’avais au départ pas de bonnes jambes et accélérer m’était impossible. Puis j’ai repris progressivement des places jusqu’à être 5ème au refuge des Tre Cime, à quelques minutes à peine du podium. A ce moment là, j’ai commencé à rêver au podium, mais à la gagne certainement pas, surtout que Pau Capell était largement devant nous. Suite à son abandon, nous nous sommes retrouvés à deux devant avec Seth Swanson et un jeu du chat et de la souris a vraiment commencé. Je me sentais un peu mieux que lui dans les montées mais dans la dernière c’est lui qui est parti. Je souffrais terriblement de maux d’estomac et je ne pensais pas pouvoir revenir. J’ai pris le risque de sauter le dernier ravitaillement et j’ai réalisé une bonne descente. Au final je l’ai passé il n’est pas revenu ça s’est fini comme ça. Quelle victoire incroyable ! Une course pleine de rebondissements au coeur d’un lieu magique. Je suis comblé pour cette première participation au Lavaredo ! »
JULIEN CHORIER (10ème en 13h45’32”) :
« Pas dans un bon jour j’ai subi la course depuis le départ. Je n’avais pas du tout les jambes. Mais je me suis accrcoché prenant mon mal en patience avec comme seul véritable objectif celui de finir la course. Caroline m’a repris puis m’a demandé si je voulais passer. Je lui ai proposé de lui faire le tempo et cela m’a remotivé. Les jambes sont un peu revenues et j’ai pu relancer la machine sur la fin du parcours. J’ai pu finir et c’est le principal. Maintenant, je vais récupérer et me remettre à nager car je dispute l’Ironman de Nice fin juillet, une autre histoire. »
FULVIO DAPIT (4ème en 13h11’23”) :
« Je suis très heureux de ma course. Car j’étais un peu loin au départ mais tout de même dans le top 10. Je ne me suis pas affolé et j’ai plutôt bien géré même si c’est un peu roulant pour moi qui suis plus à l’aise sur des courses plus alpines. Devant beacoup de coureurs ont explosé, surtout ceux qui sont partis très vite. C’est souvent le scénario classiue sur ce type de format. J’ai repris Grinuis en descente qui n’était pas au mieux puis Didrik. Alors 3ème sur la fin de course je me suis bien battu espérant accrcocher le podium. Mais dans la dernière montée au Giau j’ai eu un coup de chaud, je n’ai peut être pas assez bu. Krogvic semblait beacoup plus frais que moi et je n’ai rien pu faire lorsqu’il a attaqué. Je reste tout de même très content de ma 4ème place.»
SEBASTIEN CHAIGNEAU (8ème en 13h29’45”) :
« Je reste satisfait de ma course dans l’ensemble car comme Julien ce n’était pas ça au départ et j’ai longtemps subi. Je n’étais pas bien du tout. Puis j’ai retrouvé des jambes surtout dans le dernier tiers lorsque aussi mes problèmes d’estomac m’ont enfin lâché. Devant c’était souvent l’explosion, il faut dire qu’il faisait très chaud. J’ai l’expérience du long et j’ai bien géré au final. Terminer 8ème dans le top 10 avec le niveau qu’il y avait au départ, je n’y croyais pas vraiment au départ, c’est plutôt pas trop mal au final. »
Par Alexandre Garin – ©Alexandre Garin – F. Antolinos
novembre, 2024
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