KV de Fully, Christel Dewalle et Urban Zemmer au sommet de l'Olympe

Comme à l’accoutumée, la célèbre manifestation concoctée d’une main de maître par le Team la Trace n’aura pas fait dans la demi-mesure, justifiant ainsi pleinement tous les superlatifs qu’on lui gratifie.
En effet, les records planétaires accomplis à Fully, aussi bien chez les hommes que leurs homologues féminins, sont tombés entre de nouvelles mains. Précisément celles de l’Italien Urban Zemmer en 30’26 et de la Haut-Savoyarde Christel Dewalle en 36’48, deux coureurs qui battent ainsi en brèche le leadership des skieurs-alpinistes dans cette discipline oh combien singulière.
Certes, chaque année, on répète à satiété que l’édition disputée à Fully restera à jamais gravée dans les mémoires tant les chiffres frisent à chaque fois l’irrationnel. Mais celle concourue cette saison, sans verser pour le moins du monde dans la trop facile grandiloquence, est d’une toute autre ampleur, comme l’attestent les paramètres suivants :
– Un formidable engouement populaire, l’événement recensant en tout et pour tout 626 inscrits. Sans compter la foule de spectateurs, si énorme qu’elle entravait quelque peu les dépassements de concurrents sur cette étroite ancienne voie de funiculaire.
– Une connotation internationale sans précédent, avec la présence de 186 Français et d’une bonne centaine d’Italiens, sans compter quelques Allemands, Andorrans, Belges, Britanniques, Espagnols et autre Slovène.
– Un afflux massif d’élitaires, l’intégration de la manifestation dans l’inédit championnat du Monde de Skyrunning de km vertical 2012 n’y étant pas étrangère. D’autre part, un certain nombre de teams cochent désormais ce type d’épreuve dans leur calendrier. 
– Enfin, une profusion de prestations de haut niveau, permettant à quatre dévoreurs de pente d’abattre les temps référence : Urban Zemmer et Manfred Reichegger descendant sous le seuil des 30’46 ; Christel Dewalle et Axelle Mollaret franchissant la barre des 37’55.
Par ailleurs, on remarquera également huit athlètes sous les 31min, douze sous les 33min et vingt-cinq sous les 35min.
Indubitablement, la réputation du KM Vertical de Fully, perçu comme le plus rapide au monde avec ses 1920m de distance, explique en grande partie cette affluence, au demeurant raffermie par la ferveur récente et croissante pour cette discipline.


C. Dewalle confirme
Envoûtante et relevée, la course féminine le fut, les Françaises se taillant la part du lion en occupant trois des quatre premiers rangs. A commencer par la lauréate Christel Dewalle, 29 ans, sociétaire des Teams Sport 2000 Pays Rochois et +Watt. Affirmons-le sans ambages, cette fille tient du prodige.
Voilà en effet quelqu’un qui n’aura découvert la course nature qu’en mai 2011, qui est dépourvue de coach, enfin qui s’entraîne sporadiquement en raison de multiples pépins physiques et de sa passion immodérée pour les balades familiales en montagne.
Or au final, elle abaisse d’1’07 la précédente marque, réalisée en 2009 par cette icône du ski-alpinisme qu’est la Haut-Alpine Laetitia Roux.
En réalité, elle ne fait qu’entériner sa mainmise sur le circuit mondial, symbolisée par des temps canon inégalés, à l’image des 39min51s réussis le 11 juillet dernier qui lui auront permis d’enlever le titre de championne de France de Skyrunning à Manigod, et ce sur une longueur de 3,420km. Une prouesse qu’elle juge d’ailleurs supérieure à celle de Fully.
La paroi Valaisanne, elle l’avalera à la vitesse folle de 1630m à l’heure (!), adoptant les deux plantés de bâtons possibles (les deux en avant simultanément ou bien en alternance).
Place désormais au repos et à la recherche d’un… entraîneur. D’ores et déjà, son souhait, l’an prochain, est de se cantonner au km vertical et au trail courte distance, renonçant ainsi pour le moment à l’ultra qui l’avait vue terminer 5ème sur l’ultime CCC®.


Ca pousse derrière !
Trois de ses émules auront été quasiment à sa hauteur. C’est dire la qualité du peloton féminin !
Au premier chef, sa dauphine, l’Annécienne Axelle Mollaret, 20 ans le 3 septembre dernier, la seule qui était parvenue jusqu’à maintenant à dominer « la Reine Christel » sur km vertical, à l’occasion de celui de Nantaux il y a un mois. Auteur d’un chrono en 37’44, elle poursuit sa fulgurante ascension, amorcée en 2010 (42’47) puis confortée l’an passé (40’46). De quoi présager des lendemains qui chantent, en particulier sa prochaine saison de « ski-alp » qui la verra intégrer, en compagnie de l’Abondancienne Emilie Favre, l’équipe de France senior, rejoignant ainsi l’inamovible Laetitia Roux.
S’élançant en ultime position sur un rythme de… 3’07 après 100m de dénivelée (!), la Vaudoise Maude Mathys, 25 ans, allait vite en payer le prix. Supplantant Axelle aux 200m de différentiel, elle s’inclina définitivement devant la jeune pousse, absolument survoltée, aux 400m.
Frustrée par sa prestation, elle n’en faisait pas moins contre mauvaise fortune bon cœur, s’avouant vaincue par plus fort que soi. Sa perf n’en était pas moins de premier ordre (37’56 contre 38’24 en 2011), à l’avenant de sa somptueuse saison. Une saison émaillée d’exploits les plus divers, aussi bien en ski-alpinisme (3ème du classement de la Coupe du Monde en arborant les couleurs du Swiss Team) qu’avec ses running (1ère, avec record à la clef, sur le Marathon du Mont-Blanc et 3ème à Sierre-Zinal).
3ème Française à tirer son épingle du jeu (4ème au scratch), la Favergienne Céline Lafaye, 30 ans, créait la sensation en parvenant aux Garettes, épilogue de la rampe, en 38’13, soit la 7ème performance féminine dans le palmarès fulliérain. Un retentissant fait d’armes pour celle qui n’avait disputé qu’un seul km vertical jusque-là (Manigod 2011 en 42’40). Elle pourrait donc y prendre goût, à condition toutefois de dégoter des bâtons à sa taille, et surtout d’optimiser leur usage. Pas si évident pour cette coureuse de montagne dans l’âme, peu encline à marcher, qui plus est avec des… bâtons !


Le Tyrol du Sud, bastion du Km Vertical !
De très haute tenue, l’épreuve masculine aura été marquée par la suprématie italienne, pas moins de six Transalpins figurant dans le top 10 dont deux aux deux premières places. Un duo  composé d’Urban Zemmer, lauréat en 30’26, soit 1970m à l’heure (!), et Manfred Reichegger, son dauphin relégué à 16’’ qui l’avait emporté l’an passé.
Deux hommes issus du même terroir, en l’occurrence de la région autonome de Bolzano (extrémité septentrionale de l’Italie), plus connue sous le nom de Haut-Adige ou Tyrol du Sud, au particularisme bien prononcé. Autrichienne jusqu’en 1919, cette entité est en effet à majorité germanophone, à l’instar des deux avaleurs de cime. Une région offrant une kyrielle de km verticaux comme celui, prestigieux, des Dolomites en juillet, d’une longueur de 2,1km et dont le temps étalon en 33’16 est la propriété depuis 2010 d’un certain… Urban Zemmer. Un autre km vertical, celui du village de Mühlwald, est concocté en juin par un de ses autochtones, Reichegger en personne, qu’il remporte régulièrement.
Toutefois, sur le plan sportif, les deux Haut-Adigeois présentent bien des dissemblances. Né le 5 juillet 1970, Zemmer, plombier de profession, est un coureur de montagne à la base. Spécialiste des km verticaux, il prend part cette saison aux premiers Championnats du Monde de Skyrunning qui risquent bien de tomber dans son escarcelle, ayant déjà remporté deux manches (en Grèce puis à Fully), avant la 5ème et ultime étape qui aura lieu le 11 novembre en Espagne. L’hiver, cet athlète d’1m75 pour 70kg devient skieur-alpiniste, s’adonnant exclusivement aux montées sèches.
Le profil de Reichegger est exactement l’inverse. Ayant vu le jour le 6 janvier 1977, ce militaire d’1m81 pour 63kg, basé à Courmayeur, est avant tout un skieur-alpiniste arborant les couleurs de l’équipe nationale italienne. Son palmarès est impressionnant : 3ème de la Coupe du Monde 2011, triple vainqueur de la Pierra Menta en 2005, 2009 et 2012, 2ème sur la Patrouille des Glaciers 2010. Les km verticaux qu’il concourt, sans préparation spécifique, sans en abuser (trois cette année), ne constituent qu’un appoint à son entraînement.
Nullement étonnant dans ses conditions que leurs plantés de bâtons à Fully aient été radicalement différents, le premier optant pour l’alternance, le second pour la simultanéité.
Grimpait sur la plus petite marche du podium le Slovène Nejc Kuhar, dont le chrono établi à 31’pile empêchait un triplé italien, Marco De Gasperi, qui renonçait au dernier moment aux bâtons (n’ayant jamais été à son avantage avec), se contentant de la 4ème place en 31’37’’66. A l’image de Reichegger, Kuhar est d’abord un skieur-alpiniste. Né le 19 octobre 1985, 1m75 sous la toise, 70kg sur la bascule, il aura accompli l’impensable le 20 juillet dernier en empochant le pactole sur le Km Vertical des Dolomites après avoir pris le dessus sur… Kilian Jornet.


Quand les Français tiennent leur rang
Côté hexagonal, on n’aura pas démérité, bien au contraire ! A commencer par les deux hommes en forme du moment, à savoir le Morzinois Alexis Sévennec, 25 ans, 5ème en 31’37’’93, parti comme une fusée mais faiblissant sur la fin, et le Haut-Alpin Mathéo Jacquemoud, 22 ans, 12ème en 32’44. N’empêche, au regard de leurs éblouissantes prestations 2012, ils étaient quelque peu déçus de leurs résultats.
Assurément, un athlète qui revit est bien le fondeur rochois Pierre Chauvet, 32 ans, qui, après sa déconvenue de l’an dernier (chrono en 33’21 seulement), conquiert la 10ème position en 32’09, soit à 40’’ de son meilleur temps acquis il y deux ans et qui demeure la référence hexagonale.
Pour terminer, évoquons les coureurs de montagne internationaux qui, quasiment profanes sur ce genre de parcours, auront connu des fortunes diverses. Si Emmanuel Meyssat a remarquablement tiré son épingle du jeu (14ème en 33’20), Raymond Fontaine (17ème en 34’01) et Didier Zago (19ème en 34’08) auront été davantage à la peine. En réalité, on les a senti frustrés de ne pas pouvoir cavaler. Aussi, les deux premiers nommés, sociétaires du Team Asics, n’excluent pas à l’avenir d’arpenter un nouveau km vertical mais de préférence sur une distance plus longue qu’à Fully, leur permettant ainsi de courir a minima.
C’est Jean-Louis Bal, le célèbre coach favergien, qui disait au terme de cette folle journée : « D’ores et déjà, la course aux 2000m à l’heure est lancée. Nous pouvons parier qu’ils seront franchis les deux ou trois prochaines années, avec qui sait, un Kilian Jornet arrivant frais et parfaitement préparé ? »
Vraiment, on a hâte d’y être !


François Vanlaton – © photos : JL BAL & PL ZAJAC


Nos remerciements les plus chaleureux à l’Italien Denis Trento (21ème et 18ème senior en 34’13), qui nous aura épaulé en traduisant remarquablement les propos des Italiens Urban Zemmer et Manfred Reichegger ainsi que du Slovène Nejc Kuhar. Déférence !

novembre, 2024

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