Francesca Canepa et Alexandre Hayetine en héros
Avec Elisabeth Hawker et Kilian Jornet, et même Anna Frost accourue en touriste, le gotha mondial de l’ultra-endurance s’était invité sur le territoire du gypaète, ce rapace de près de trois mètres d’envergure réintroduit en 1987 sur la Chaîne du Bargy qui couvait sous son ombre tutélaire le parcours. C’est dire le tour de magie, quelque peu mâtiné de chance, qu’aura accompli l’architecte de cette manifestation surgie en 2010, Christophe Roux, 40 ans, et toute son escouade bien sûr, forte de quelques trois cents volontaires qui se seront mis en quatre pour offrir un trail de haute volée.
Concernant Kilian qui réside aux Houches (Vallée de Chamonix), sa venue s’explique par la complicité qu’il aura tissée cet hiver avec les skieurs-alpinistes du Mont-Saxonnex et du Reposoir, deux des dix communes s’investissant corps et âme pour cette équipée sauvage. Absent cette saison à l’UTMB®, le Gypaète lui servait ainsi d’« échauffement » en vue de sa 3ème participation, le 23 juin, à la légendaire Western States 100 (161km) sillonnant la Sierra Nevada Californienne.
Quant à « Lizzi » qui a élu domicile en Suisse, sa présence est à mettre en rapport avec le formidable lobbying entrepris par ces deux bénévoles que sont Marianne Kowalski et Thao Phuong Dong auprès des trailers, des clubs et autres teams afin de populariser ce 3ème opus.
Une pléiade d’athlètes qui aura fait consensus quant à leur sportivité et leur accessibilité au commun des mortels. Nul n’est ainsi pas prêt d’oublier les encouragements spontanés et continuels à chacun des concurrents, émanant d’Anna et Kilian sur le Col de Lessy (1900m), au cœur de la montagne sauvage.
Kilian sur son nuage
Ils étaient précisément 322 au départ des trois épreuves au menu, un 71km, un 41km nouvellement et opportunément créé, enfin, un relais en binôme. Après avoir entrevu la distance intermédiaire, c’est sur ce dernier que s’alignait finalement le triple lauréat de l’UTMB®, et ce en compagnie du Valaisan Jules-Henri Gabioud (la Fouly Trailers), 24 ans, qui pas plus tard que l’an passé s’était fait un nom à la suite de ses multiples prouesses dont celle sur le mythique Tor des Géants. La démonstration de cet attelage aura été fulgurante. Le Catalan de Sabadell devançait en effet le talentueux chamoniard Damien Vouillamoz de 5’ au Chinaillon (km29,6), où avait lieu la transmission du témoin, l’Helvète achevant le travail de façon éclatante en damant le pion à la seconde escouade pour une…demi-heure ! De quoi lui redonner du baume au cœur après sa capitulation il y a une semaine sur le Grand Raid 73 qu’il avait glané en 2011.
Les dauphins n’auront pourtant pas démérité, d’autant plus qu’ils concouraient en mixte et, cerise sur le gâteau, pour leur baptême du feu en trail. C’est que Juliette Benedicto, époustouflante 6ème au Chinaillon, et Julien Coudert sont d’authentiques triathlètes issus de Tri Saint-Amand Dun 18 (Cher), la première ayant été sacrée championne du monde junior sur la courte distance en 2004. De toute évidence, on n’a pas fini d’entendre parler de ces tourtereaux qui, récemment installés au Mont-Saxonnex, envisagent sérieusement de se lancer dans la course nature.
Grimpaient sur la plus petite marche du podium, à 8’ des 2èmes, le fameux tandem Olivier Dubreuil–Bertrand Mayol, deux fois second sur les crus 2010 et 2011. Mais pour ces skieurs-alpinistes du Club Alpin Français de Cluses, l’essentiel n’était pas ce fait d’armes mais bien d’épauler Thomas et ainsi revêtir le maillot de l’Orchidée, cette valeureuse association qui concrétise les projets d’enfants gravement malades.
Un double triomphe qui fera date
L’épreuve reine était lancée sur des bases élevées par le vainqueur 2011, Olivier Morin, qui voulait passer au Chinaillon en moins de trois heures. S’il relevait sa gageure, c’est en y laissant des plumes, étant rattrapé dans l’éprouvante ascension de l’Aiguille Verte (km33,7), toit du trail à 1980m, par Alexandre Hayetine, âgé de 28 ans, Ardennais de souche et demeurant à Saint-Gervais. Tant bien que mal, le Clusien parvenait à l’accompagner dans la traversée de l’arête sommitale mais cédait du terrain dans la descente sur le Plateau de Solaison (km46) où il concédait 10’. Avant de caler dans l’assaut de la Pointe d’Andey (km47,8), ne retrouvant son second souffle que dans les quatre ultimes km asphaltés en dépit d’une chaleur de plus en plus caniculaire. Au contraire d’Hayetine qui ne faiblissait pas et s’imposait de somptueuse manière, doublant quasiment son avance à l’arrivée.
Dépourvu de teams, celui qui officie comme cheminot sur la pittoresque ligne Saint-Gervais – Chamonix avait fait parler de lui pour la première fois en 2009, et ce en faisant tomber dans son escarcelle le Tour de la Grande Casse, avec un chrono assez proche de Ludovic Pommeret réalisé l’année précédente. Depuis, ce féru de canicross n’aura jamais cessé de gravir les échelons, le plus souvent hélas à l’abri des regards médiatiques. Pas de la SNCF en tout cas qui serait sur le point de le sponsoriser.
La 3ème place revenait au sympathique Paul Kettle, un Anglais originaire du Yorkshire et résidant à la Roche-sur-Foron, qui s’adonne depuis peu au trail après avoir enfourché la petite reine.
Enfin, le 71 était marqué par une colossale surprise chez les dames avec la défaillance de « The Queens Elisabeth », rejointe puis distancée vers le 50ème km par la stupéfiante valdôtaine Francesca Canepa (team Vibram et Courmayeur Trailers). A sa décharge, la sujette de sa Gracieuse Majesté souffre actuellement du dos, ce qui, outre le risque d’hypothéquer le reste de sa saison, l’avait incitée à opter pour le Gypaète au dépens du Comrades Marathon (88km), disputé à Durban en Afrique du Sud ce 3 juin.
Au final, les deux championnes se classaient respectivement 5ème et 7ème au général, plus de 19’ les différenciant. Agée de 40 ans, Canepa qui a étrenné le trail en 2010 en adoptant le petit format a toujours multiplié les incursions dans les Pays de Savoie (succès il y a deux ans sur les 26km de l’Edelweiss et 27km de l’Aigle). C’est à compter de 2011 qu’elle a basculé avec brio sur les aventures au long cours comme l’illustre son éblouissante performance sur la TDS (2ème à 8 microscopiques secondes de la Néerlandaise Jolanda Linschooten).
Au 3ème rang mais à près de deux heures de la Britannique, on retrouvait le minois de Nadège Capri, demeurant à Marignier, 5ème en 2010 et 4ème en 2011. Sans relâche, elle aura été boostée par son compagnon, Aurélien Serasset, qu’elle a initié au trail et avec qui elle convolera en justes noces le 8 septembre prochain. Quand amour et sport se rencontrent…
Irrésistible Christel Dewalle !
Sur la distance « courte », le prestigieux Guillaume Le Normand (team Quechua et Watt), 36 ans, semblait avoir course gagnée à l’issue de l’ultime écueil, passant seul au Lac Bénit (km31). Hélas pour l’éthique du sport, il fit fausse route dans la descente hyper-technique en raison d’un scandaleux débalisage, ce dont profita l’excellent Pierre Prost-A-Petit, 45 ans, Suisse vivant à Gaillard près d’Annemasse et 2ème ici-même sur l’édition princeps. In fine, ils franchirent la ligne de concert et de justesse (41’’) devant le représentant du team Sigvaris et du FAC de Cluses Yann Curien. Déçu de ne pouvoir prendre le dessus sur sa terre d’adoption, le Vosgien, extrêmement lucide et humble, cherche toujours à revenir à son meilleur niveau qui aura culminé aux Templiers 2010 (2ème), permettent sa sélection aux Mondiaux de trail le 9 juillet 2011 en Irlande (8ème).
Pour la gent féminine, on aura eu droit à un nouveau cavalier seul de Christel Dewalle (team Sport 2000 Pays Rochois), 28 ans, qui s’arroge rien de moins que la 6ème position au scratch, confirmant son exceptionnelle polyvalence après ses coups d’éclat sur les km verticaux (Fully 2011 en 40’05, soit 5ème ; Môle 2012 en 41’53 sur 4km). En attendant l’ultra qui la verra le 31 août prochain prendre le départ de la CCC®. Ca promet !
Changement de braquet
A l’avenir, le Trail du Gypaète pourrait revêtir une nouvelle dimension, quittant son statut de course locale pour devenir une référence nationale dans le landerneau du trail. L’association « La Gypaète » transmettrait alors le flambeau à la Communauté de Communes de Cluses sur le point de naître, avec l’idée de labelliser durablement le pays faucignerand via deux manifestations sportives : le Trail du Gypaète et la « JPP », une cyclosportive de renom.
En tout cas, force est de reconnaître que la tâche de cette nouvelle structure s’en trouvera simplifiée grâce à l’extraordinaire labeur réalisé par l’association « la Gypaète ». Celle-ci aura en effet réussi l’exploit de fédérer autour du concept de course nature la population autochtone, en particulier les indispensables forces vives, ce qui n’était pas acquis d’avance en raison des classiques rivalités byzantines.
François Vanlaton
décembre, 2024
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