Jim Walmsley sera-t-il le premier Américain à remporter l’Ultra-trail du Mont Blanc ? Malgré le niveau de la course, la question mérite d’être posée. L’Etasunien s’est récemment illustré sur la Western States en remportant l’épreuve avec un nouveau record : 14 h 30’04 (161 km, +6000 m) et il est le plus rapide du peloton de l’UTMB 2018. Une chose est certaine, il est sûr de lui : « Je ne veux pas gagner l’UTMB un jour, je veux le gagner samedi… »
Jim, l’an passé, vous avez terminé cinquième de l’UTMB. Que retenez-vous de cette première expérience ?
Je suis venu, je n’ai pas vaincu, mais sportivement, l’UTMB fut la plus grosse expérience que j’ai vécue… J’ai souffert, mais je suis arrivé à ce je voulais en apprenant beaucoup sur cette course, notamment sur ce qu’il ne fallait pas faire au niveau de la nutrition, des vêtements et de l’organisation de mon sac. J’ai compris ce qu’il fallait faire pour optimiser ma course et gagner du temps tout le long du parcours… L’an passé, mes temps de transition étaient beaucoup trop longs. Cette année, je veux gagner du temps sur mes arrêts. L’expérience que j’ai acquise, je l’ai travaillée pendant un an pour être plus performant, cette année. Ainsi, j’ai beaucoup plus confiance en moi.
Est-ce que l’analyse de votre expérience de l’UTMB vous a permis d’établir un plan de course pour cette édition 2018 ?
L’an passé, j’avais attendu Kilian et François à Saint-Gervais et à Courmayeur, car c’était la première fois que je faisais une course la nuit, je ne connaissais pas complètement le parcours et les conditions étaient difficiles. Ce n’était pas une attitude qui était destinée à les narguer, mais c’était parce que j’étais anxieux et inquiet sur la suite du parcours. D’ailleurs, lorsqu’ils s’arrêtaient, je m’arrêtais… Lorsqu’ils mangeaient, je mangeais… Lorsqu’ils buvaient, je buvais… En fait, je ne faisais pas ma course et je l’ai perdue à La Fouly. Cette année, je n’attendrai pas… Sur la Western States, j’ai déjà travaillé les transitions pour gagner du temps. Et comme sur les autres courses, l’objectif sera de courir à mon rythme de confort, « my confortable pace ». C’est comme cela que je vais gérer ma course… Mais je sais que pour gagner l’UTMB, il faut aussi être capable de mettre les autres en difficulté. Cependant, j’envisage de faire le début de course avec tout le monde, car c’est confus avec le public, l’ambiance et le stress. Il faut être prudent. Après, si je peux, je prendrai un rythme. Si je suis devant, je serai devant. Sinon, je continuerai à mon rythme…
Comment vous êtes-vous préparé pour atteindre votre objectif ?
Après la Western States, j’ai coupé une semaine, puis j’ai fait une préparation de six semaines dans le Colorado où j’ai toujours dormi à 3000 m d’altitude. Je me suis toujours entraîné au-dessus avec des semaines à 225 km et 15000 m de D+, soit entre 30 et 33 heures d’entraînement durant trois semaines, au milieu du bloc. En fin de journée, je m’habituais à rester dehors et à courir le soir pour m’habituer au froid et à la nuit, et aussi pour décaler mes rythmes alimentaires. Je courais aussi le matin pour la fraîcheur des températures et pour adapter mon corps à courir tôt. Ce que je n’aime pas trop… Contrairement à l’an passé, j’ai fait la plus grosse partie de ma préparation aux Etats-Unis. Je suis arrivé le 13 août en et j’ai fini de me préparer en France, en reconnaissant les zones du parcours que je ne maîtrisais pas trop. Maintenant, j’ai pu « photographier » l’ensemble du parcours et me rendre compte que j’étais plus à l’aise en montagne que l’an passé et que j’arrive plus frais pour la compétition… Je ne pars plus dans l’inconnu et je peux dire : « Je ne veux pas gagner l’UTMB un jour, je veux le gagner samedi… »
Est-ce que cette ambition vous met la pression ?
L’an passé, j’en avais beaucoup aux Etats-Unis, car j’étais passé à côté de la Western States. Cette année, j’ai atteint ce gros objectif. Pour moi, l’UTMB 2018 est une autre course. L’expérience acquise l’année dernière m’enlève beaucoup de pression et je me sens prêt pour gagner cette année. J’ai progressé en montée et je pense que je monte aussi vite que Kilian… Dans les descentes, je vais plus vite que lui, tant que ce n’est pas technique, et sur le plat, je suis plus rapide. Je sais où battre Kilian, mais il y a aussi tous les autres paramètres : la nuit, le froid, la nutrition et le sommeil. Ils peuvent être incontrôlables et ingérables et cela va peser sur la course.
Vous parlez souvent de Kilian. Sera-t-il votre seul adversaire pour la victoire ?
Ce sera l’un des duels… Pour le préparer, je n’ai fait aucune course depuis la Western States. Je me suis consacré à l’entraînement. Cela m’a permis d’être plus fort dans les montées, mais je sais que pour battre Kilian, il faudra que je cours plus vite que lui. Pour être le premier à Chamonix, il faudra prendre des risques, sinon je ne gagnerai jamais. Si comme l’an passé, j’ai une heure de retard à Champex, avec ma pause sommeil à La Fouly, ce sera perdu, car il restera trois grosses montées… Si je n’ai que dix minutes, cela vaudra le coup d’attaquer, car cela me donnera de la motivation pour revenir dans les parties où je serais plus à l’aise. J’ai gagné beaucoup de courses en échouant à ma première participation. Et lorsque je suis revenu, j’ai battu des records… Cependant, mon but, ce n’est pas de faire toujours les mêmes courses. Pour l’an prochain, j’ai pour objectif de battre le record du Monde du 100 km (6 h 09’14 du Japonais Nao Kazami) et de descendre sous les 6 heures, de faire les Comrades et Leadville.
Recueilli par Fred Bousseau et Bruno Poirier
décembre, 2024
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