Kilian Jornet (Salomon) s’est imposé hier sur la Cavalls Cel Vent, 4ème manche des UltraSkyMarathon Séries 2012.
Avec cette victoire, associée à celle de Speedgoat (USA) et de Traofeo Kima (IT) il empoche le classement général de cette Séries, après avoir remporté celui des World Séries et il s’adjuge en même temps le combiné 2012.
Retour sur son succès.
Kilian, comment avez-vous appréhendé la course, les conditions climatiques rendant la progression très difficile.
Déjà, la distance (84,2km), ce n’est pas rien : 80 kilomètres en montagne, c’est toujours dur. Il y a pas mal de parties techniques. Aujourd’hui, c’était très glissant. Certains sentiers étaient de vraies rivières. La pluie nous a accompagnés tout le long. Elle n’était pas gênante en elle-même. Mais il y avait aussi beaucoup de vent et il faisait très froid en altitude. Des coureurs expérimentés ont souffert d’hypothermie comme Tofol (Castanyer) qui vient pourtant de gagner la CCC dans des conditions difficiles. Le froid consomme beaucoup d’énergie. Il faut veiller à s’alimenter alors que, parfois, tu n’en as pas envie. On sentait que les réserves descendaient très vite ! Tout cela a fait qu’à la fin, la fatigue était intense. On a fini épuisés.
Avez-vous été étonné de voir Anton Krupicka revenir de l’arrière à mi-course ?
Je savais qu’il serait bien sur un parcours comme ça. On s’est entraîné ensemble l’été dernier aux Etats-Unis au Grand Téton. Je savais qu’il était prêt. Pendant la course, je savais qu’il était juste derrière. Après avoir couru avec Tofol, c’était bien de se retrouver avec Tony. Sur des courses longues et dures, c’est très difficile de courir seul au niveau mental parce que tu ne sais jamais où les autres se trouvent derrière. Il lui manquait peut-être un peu de jus dans les montées. Mais il allait bien dans les descentes.
Ce qu’Anton a expliqué à l’arrivée, c’est que vous étiez très fort en montée…
Avec le record de la Traversée du Mont-Blanc Courmayeur-Chamonix par l’Innominata, je me sentais vraiment bien dans les ascensions. Dans l’avant-dernière montée (Col de la Bauma), j’ai voulu voir comment il (Krupicka) réagissait. Ensuite, j’ai fait une descente tranquille. Et dans la dernière montée de Sant Jordi, j’ai fait l’écart pour assurer la victoire.
A domicile, cette victoire vous tenait-elle particulièrement à cœur ?
Cela faisait cinq ans que je n’avais plus fait le parcours, mais je le connaissais par cœur. Je l’ai fait pour la première fois quand j’avais treize ans. Et les années suivantes, je l’ai fait une quarantaine de fois ! Trois ou quatre étés, j’avais même gardé avec ma sœur et mon père le troisième refuge du parcours. Cette victoire me fait plaisir pour tout ça. Et l’ambiance était extraordinaire ! Sous une météo comme ça, pour les coureurs, c’est quelque chose de génial. Tu te sens porté. C’était dur mais j’avais des ailes avec ces encouragements.
La satisfaction n’est-elle pas plus intense compte-tenu du fait que cette course vous résistait après deux abandons ?
La première fois que je l’ai courue, je revenais du Kilimandjaro et j’étais blessé. J’avais dû abandonner au kilomètre 35. L’an dernier, j’avais enchaîné deux mois et demi sans passer un jour à la maison à cause des voyages et des sollicitations ! Je ne voulais plus voir personne et rester seul dans la montagne. Cela avait été très dur au niveau mental jusqu’à ce que j’abandonne. Cet été, je suis resté un mois et demi chez moi à faire des courses à côté de la maison, beaucoup d’entraînements et de l’escalade. Cette fois, j’étais frais dans la tête. En plus, j’ai vu tellement d’amis que je ne vois pas souvent. J’ai passé trois ans au lycée ici à Bagà. Donc cela fait vraiment plaisir !
Est-ce votre plus belle victoire de la saison ?
Cela fait quelques années que j’ai gagné toutes les victoires que je voulais remporter. L’émotion de passer la ligne en premier n’est plus tout à fait pareille. Il y a d’autres choses qui me tiennent beaucoup à cœur. Là où je me suis le plus accompli cette année, c’est dans le projet de l’Innominata. C’était un truc que je voulais faire et ce jour-là, je me suis senti vraiment bien. Après, la Dolomites Skyrace est sans doute la plus belle de l’année car il y avait beaucoup d’opposition et il avait fallu lutter. Mais ici, il y avait un bon niveau pour une course longue. Et on a vu une belle bataille.
Propos recueillis par Benjamin Steen
octobre, 2024
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