Grégoire Millet: "Le Tor, une épreuve à part sur le plan physiologique".

Grégoire Millet a terminé le Tor des Géants à la 2e place. Une superbe performance qui est aussi le fruit d’une vraie réflexion sur l’entraînement et sur les spécificités de la course. Une course qui est aussi un champ d’expérimentation particulièrement intéressant pour ce chercheur en physiologie (frère aîné de Guillaume Millet), actuellement en poste à l’université de Lausanne.


Grégoire, comment as-tu abordé ce Tor des Géants?

Après le Tor de l’an passé, où j’ai connu des problèmes de genou et terminé les 180 derniers kilomètres en marchant (21e au final), je suis resté blessé pendant plusieurs mois, au niveau du TFL, sans pouvoir trouver immédiatement la solution. J’ai repris par du ski de fond en mars, puis très progressivement la course en mai. Je n’ai donc participé à aucune compétition avant, également en raison de mon emploi du temps. J’ai donc mené une réflexion particulière sur l’entraînement spécifique dont j’avais besoin pour ce Tor.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ces axes spécifiques d’entraînement et ta réflexion stratégique pour aborder ce Tor des Géants ?

Nous avons beaucoup étudié l’épreuve et ses spécificités l’an passé, avec l’étude menée conjointement avec le laboratoire de mon frère Guillaume. Il s’en dégage de vraies spécificités, puisque c’est la première fois que nous étudions une épreuve aussi longue en montagne, qui mêle des aspects physiologiques propre à la course de très longue distance, la privation de sommeil et l’accumulation extrême de dénivelé.
A partir de nos réflexions, et pour optimiser le temps d’entraînement dont je disposais, j’ai davantage axé mon entraînement sur l’amélioration de ma vitesse ascensionnelle, un élément crucial de la performance. Je me suis donc entraîné en montée, spécifiquement. J’ai également descendu mon poids de corps à 64 kilos, un poids de six kilos inférieur à mon poids de forme de mes années triathlon (1m 79 sous la toise). En montée, le poids joue énormément. Par contre, je ne pourrai pas rester longtemps à ce poids là, par ailleurs limite au niveau physiologique général pour moi. Mais aborder ainsi l’épreuve m’a indubitablement servi. A part une montée courte, à fond, où j’ai pu mesurer mes progrès, une semaine avant la course, j’ai très peu travaillé en fréquence cardiaque maximale, n’ayant pris part à aucune course, hormis le Transjutrail où j’ai abandonné assez vite car pas assez préparé.
Du point de vue stratégique, nous avions beaucoup analysé les allures moyennes et leurs dégradation inévitable notamment pour le groupe de tête l’an passé, ainsi que les meilleures stratégie de "repos" et de sommeil. Je me suis arrêté à tous les ravitaillements pour manger, m’asseoir et faire quelques soins. J’avais une bonne assistance. Pour dormir, j’ai privilégié les fonds de vallée. Cela permet de repartir en montée, ce qui est préférable. J’ai aussi essayé d’aborder les descentes de jour, puisque nous avons mesuré que cela engendrait une vitesse 15% supérieure à la nuit dans ces passages en déclivité.

Reviendras tu sur l’épreuve?

Oui, cette course me plait vraiment, notamment parce que pour un chercheur comme moi, elle est un terrain d’expérimentation vraiment intéressant. L’an prochain, je pense la faire en sept jours, pour "visiter" un autre aspect de l’épreuve et d’autres paramètres. Et puis comme je ne pense pas être en mesure de me préparer aussi fort que cette année, cela sera plus abordable de cette façon là. Je pense également qu’on verra rapidement des temps sous les 70H. Oscar, qui a couru sans assistance, les vaut déjà, et Christophe Le Saux en a également le potentiel à mon sens.

Recueilli par Sylvain Bazin

novembre, 2024

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