Contrôlée positive en le 30 mai 2015 dans le cadre de l’Ultra Trail Côte d’Or, Laureline Gaussens avait été suspendue le 19 août dernier pour 2 ans par la FFA (présence de Morphine dans les échantillons à hauteur de 1,8 nanogramme (seuil de tolérance à 1,3 nanogramme). A LIRE ICI
L’athlète s’est défendue, faisant appel de la sanction et apportant la preuve de son innocence, et en date du 6 janvier 2016, elle a été relaxé, invoquant avoir consommé du pain contenant des graines de pavot à l’hôtel ou elle séjournait.
La morphine est un alcaloïde du pavot et des études pharmacocinétiques officielles, ont prouvé la production de dérivés de la morphine et de la codéine dans les urines.
Nous avons interrogé Pierre Sallet (à droite sur la photo), médecin, scientifique, coureur et président de l’Association «Athletes For Transparency» (AFT), crée en 2004.
Fervent défenseur de la lutte anti-dopage, il possède une expertise reconnue au niveau international dans le domaine de la lutte anti-dopage et est le promoteur de nombreux programmes de recherche et développe également en parallèle des solutions informatiques utilisables par les Agences Nationales Antidopage (NADO) ou les Fédérations Internationales (FI).
Trails Endurance Mag : certains ont souris à l’annonce de la relaxe de Laureline Gaussens suite à l’ingestion de pain avec des graines pavot, la décision de sa relaxe est incontestable, quelle est la réponse scientifique à ce cas ?
Pierre Sallet : Lorsque j’ai pu être informé de la présence pour Laureline Gaussens de morphine (présente sur la liste des interdictions 2015 au niveau des «substances et méthodes interdites en compétition» catégorie S7-Narcotiques), au-delà de la limite de décision de 1.3 nanogramme par millilitre dans l’échantillon A puis dans l’échantillon B, le premier réflexe est la recherche d’autres substances.
En effet la morphine est le métabolite actif de plusieurs substances : une inscrite sur la liste des interdictions c’est l’héroïne mais trois autres non inscrites comme la codéine (ou méthylmorphine), l’éthylmorphine et la pholcodine. Ainsi par exemple la prise d’un médicament à base de codéine «non dopant» (la base SPORT PROTECT mentionne 75 médicaments commercialisés en France qui contiennent de la codéine) peut en se dégradant entrainer un contrôle antidopage positif à la morphine.
Pierre Sallet : « Laureline doit être réhabilitée aux yeux de tous »
Dans le cas précis de Laureline Gaussens aucune autre substance n’a pu être détectée dans les urines notamment de la codéine (à noter également que le ratio morphine/codéine a été retiré du Programme de surveillance de l’Agence Mondiale Antidopage en 2016).
Cette configuration spécifique permet d’envisager seulement 2 hypothèses principales:
- Une «contamination» à la morphine
- Une prise de morphine seule
L’intérêt d’une prise de morphine seule apparaît peu stratégique au regard des autres options possibles en terme de dopage dans le cadre de la pratique du trail. Reste donc la «contamination» à la morphine par voie orale lors d’une prise alimentaire. Une étude de référence (Thevis et al., 2003) mentionne très clairement que «les athlètes peuvent être contrôlés positifs suite à la consommation de produits contenant de la graine de pavot».
Sur la base des éléments précédemment cités et au regard du fait que Laureline Gaussens a pu apporter la preuve d’avoir consommé du pain contenant de la graine de pavot comme mentionné par l’organe disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage, il apparait très important qu’elle puisse être réhabilitée aux yeux de tous !!!
Trails Endurance Mag : le pavot augmentant le taux de morphine, est-ce que cela à une vraie influence sur la performance ?
Pierre Sallet : On ne peut pas parler de «taux de morphine» puisque cette substance n’est pas directement synthétisée par notre organisme même si certaines substances nommées endorphines possèdent des structures moléculaires proches et des mécanismes d’action similaires à la morphine. La présence de morphine dans l’organisme ne peut donc être due qu’à un apport exogène.
Plusieurs études ont montré l’influence des analgésiques sur la performance en repoussant le seuil de la douleur ; l’effet ergogénique est donc bien réel.
Trails Endurance Mag : y’a t’il des antécédents et/ou d’autres produits « naturels » qui peuvent conduire à cette situation ?
Pierre Sallet : Oui et ils sont très nombreux. Cela peut provenir de produits contaminés comme certaines viandes avec des agents anabolisants (exemple du clenbutérol) ou de produits naturels comme par exemples le «Mate de coca» (benzoylecognine métabolite de la cocaïne) que l’on retrouve dans de nombreux produits en Amérique du Sud ou la «fleur d’oranger» (citrus aurentium) qui contient de l’octopamine.
Pierre Sallet : « le dopage vous marque à vie »
Trails Endurance Mag : les coureurs doivent-ils se méfier du pavot dans le pain, les biscuits… ?
Pierre Sallet : les sportifs ne doivent entre autres consommer aucun produit contenant des graines de pavot ; n’oubliez pas que le dopage vous marque à vie…
Trails Endurance Mag : d’une façon plus globale quelle est le cheval de bataille des chercheurs et des autorités dans la lutte anti-dopage ?
Pierre Sallet : la communauté antidopage se mobilise avant tout pour les athlètes propres.
Notre chantier est très vaste et en constante évolution.
Ce qu’il faut retenir aujourd’hui, le problème majeur est d’ordre juridique à savoir apporter la preuve quasi absolue (99,9%) qu’un athlète est dopé.
En « off », il est assez simple pour nous de savoir qui est dopé ou pas, le prouver demeure extrêmement problématique face à des structures ou individus très organisés.
Par Fred Bousseau – ©photos Fred Bousseau / Pierre Etienne Leonard
décembre, 2024
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