A n’en pas douter, le Morbihannais David Pasquio aura été un des tous premiers Français à ouvrir la voie au trail de haut niveau. Sa fulgurante ascension, à compter du milieu de la décennie 2000, est encore dans tous les esprits. Il la doit avant tout à ces deux figures emblématiques que sont Gilles Diehl et Jean-Michel Faure-Vincent qui deviendront ses maîtres à penser.
A la fois routier et trailer de renom (1), également de souche morbihannaise, Diehl l’accueillera ainsi en 2002 au sein d’un club FFA à proximité de Lorient, dénommé « Quéven Athlétisme 56 », qu’il avait fondé deux ans auparavant avec Daniel Anceaux. A son aise sur les pourcentages et influencé par son hôte, Pasquio, footeux durant une vingtaine d’années (2), s’orientera aussitôt vers la course nature.
A tel point que, pas « fêlé » pour deux sous, il étrennera l’ultra-trail en cette même année 2002 à travers cette épreuve de légende qui, pour l’occasion, n’avait jamais aussi bien porté son nom : la Diagonale des Fous, celle-là même que Diehl avait enlevée en 2000 ! Même s’il jettera l’éponge, victime d’une tendinite, Pasquio en ressortira subjugué, faisant alors de cette discipline sa nouvelle religion. La preuve, il retournera à la Réunion deux ans plus tard dans l’unique but de revêtir le fameux maillot jaune de finisher. A sa grande surprise, il enrichira sa carte de visite, pourtant presque blanche comme un cachet, d’une somptueuse 4ème place, témoignant de ses vertus athlétiques.
Quant à Jean Michel Faure-Vincent, il décidera de l’engager en 2004 au Team Salomon qu’il venait de créer, et ce après l’avoir repéré au Trail de Faverges où il grimpera sur la marche restante du podium, à 6’ seulement des co-lauréats Diehl et Samuel Bonaudo.
La période qui s’ensuivra sera on ne peut plus faste. Dès 2005, cet athlète d’1m74 pour 65kg finira 3ème des Templiers et 6ème du Marathon des Sables. Cerise sur le gâteau, il remportera aussi la seconde édition du Challenge Salomon avant de récidiver à trois reprises (2008, 2009 et 2010).
Le troisième homme
12 ans après ses premières foulées, sa flamme ne s’est toujours pas éteinte alors qu’il fêtera ses 40 ans le 11 novembre prochain. S’il a tiré sa révérence avec Salomon, d’un commun accord avec Faure-Vincent pour donner priorité aux jeunes pousses, le Breton, sapeur-pompier de profession, se veut toujours aussi ambitieux. Du moins sur les ultras, qu’ils soient fragmentés en plusieurs étapes ou d’une seule traite. Ses prestations sur la Diagonale des Fous, jalonnées par ses 7ème et 4ème positions, respectivement en 2012 puis 2013, en sont l’éloquente illustration.
Une ambition d’autant plus légitime qu’un troisième homme, et pas n’importe lequel, croit toujours en sa belle étoile. Un troisième homme qu’il a connu en 2009 lorsqu’ils revêtaient de concert les couleurs de Salomon, et qui après Diehl et Faure-Vincent, va l’aider à franchir un cap. Son nom ? Pascal Giguet, qui au lendemain de sa prouesse réunionnaise en novembre dernier, le convaincra de rejoindre le Team Scott Odlo Led Lenser dont il est le manager depuis 2011. Son objectif ? Lui apporter toutes les conditions optimales pour qu’il relève les différentes gageures qu’il s’est lui-même fixées. En particulier, celle de faire enfin un podium, si possible dès cette année, sur cette Diagonale des Fous qui, en réalité, n’aura jamais cessé de l’envoûter…
François Vanlaton
(1) Le palmarès de Gilles Diehl est si riche qu’il est très difficile à lister ! Sur route, mettons en exergue ses sept sélections en équipe de France des 100km de 1998 à 2002 et son record personnel sur marathon en 2h16’35. En trail, relevons sa victoire à la Diagonale des Fous en 2000 et sa 3ème place récoltée en 2000 et 2002 sur le Marathon des Sables, disputé en tout et pour tout à sept reprises.
(2) David Pasquio aura évolué au plus haut niveau dans la catégorie jeunes, en l’occurrence au célèbre Football Club de Lorient opérant aujourd’hui en ligue 1.
François Vanlaton : Où en es-tu dans ta préparation à la veille de cette prestigieuse échéance qu’est le Ventoux ?
David Pasquio : Eh bien le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a été tronquée par les incessantes tempêtes qui ont balayé cet hiver la Bretagne. En vérité, je n’ai jamais vu cela, c’était l’enfer ! En conséquence, la saison de cross-country, disputée sous la tunique de Quéven Athlétisme, a été bien laborieuse, me classant chez les vétérans 3ème des Départementaux et 10ème des Régionaux, ce qui n’est pas très glorieux !
Le fabuleux GR 34 qui fait le tour de la Bretagne par le littoral et que je sillonne habituellement était tellement boueux par endroits qu’il en est devenu impraticable. Pour la même raison, la fameuse pente de 120m de différentiel du Faouët, à l’intérieur des terres morbihannaises, que je grimpe rituellement 10 à 15 fois par séance, m’a empêché d’emmagasiner de la dénivelée, de l’ordre donc de 1200 à 1800m par exercice. In fine, seules trois sorties en tout et pour tout m’ont permis d’accumuler de la dénivelée, à raison de 1000m par séance, ce qui est bien évidemment dérisoire au regard de mes rendez-vous avec la montagne, à commencer par le Ventoux !
A contrario, l’unique point positif engendré par ces conditions météo apocalyptiques est de m’avoir forgé un mental d’acier car il fallait vraiment en avoir dans le ventre pour cavaler sur les sentiers, d’autant plus que ce n’était pas sans risques !
F.V. : Et en temps normal, aurais-tu était prêt ?
David : Non car le Ventoux arrive trop tôt en saison. Pour arriver affûté à un trail de 50 à 70 bornes, je table sur deux mois. Or, je pratique le cross dont la prépa est naturellement différente de celle du trail, excepté vers la fin où j’entame des séances de 2h à 2h30. Pour conclure, j’ai donc bien un déficit d’entraînement même si la vitesse engrangée par les cross n’est pas négligeable. Le résultat n’est donc pas une fin en soi comme en attestent mes trois bonnes heures d’entraînement, coupées en deux séances et axées sur la dénivelée, aujourd’hui vendredi 14 mars, soit à 48h du jour J !
F.V. : Du coup, quel est ton objectif sur ce 46km du Ventoux ?
David : Etant donné mon manque d’entraînement et la qualité des forces en présence, le top 10 serait parfait. En outre, je ne suis plus tout jeune, intégrant désormais la catégorie V1, mais oui !
F.V. : Qu’est ce qui te pousse à t’y rendre ?
David : A vrai dire, j’ai longtemps tergiversé avec le 80km de l’Ecotrail de Paris qui au vu du type d’entraînement avait ma préférence, d’autant plus que je me faisais une joie d’emmener mes deux enfants de 5 ans et demi et 3 ans et demi à Eurodisney ! Je l’avais d’ailleurs concouru l’an passé, terminant 3ème. Mais c’est Pascal Giguet, mon nouveau team manager, qui m’a incité à arpenter le Mont Chauve. Et il a bien fait !
F.V. : Pourquoi ?
David : La singularité de cet espace naturel qui ne peut laisser personne indifférent, bien sûr ! Mais tout autant si ce n’est davantage, les personnalités qu’on côtoie à Bédoin, à l’image de Serge Jaulin qui fait partie du paysage du trail hexagonal, et même au-delà.
Surtout, n’oublions pas que si notre sport favori rencontre un immense succès populaire, c’est d’abord grâce à des gens comme lui qui n’ont pas hésité à sacrifier leur quotidien dans l’optique de nous faire plaisir. Alors oui, à mon tour, je suis heureux de leur faire plaisir en accourant sur leurs manifestations. Si on résumait, le volet humain est donc tout aussi important que la perf en elle-même.
F.V. : Pourquoi avoir rallié le Team Scott / Odlo / Led Lenser ?
David : Pardi, parce qu’il y avait un certain Pascal Giguet que j’ai appris à connaître et à apprécier lorsqu’il incorporera le Team Salomon en 2009. En réalité, c’est lui qui m’a invité à le rejoindre, et cela m’a beaucoup touché !
F.V. : Si Pascal n’avait pas fait cette requête, l’auriez-vous quand même sollicité ?
David : Je ne le pense pas car avec Salomon j’avais fait le tour. Aussi, quand je me suis retrouvé à l’orée de 2012 dépourvu de team, j’avais perdu en motivation. Ma carrière était presque derrière moi. J’étais conscient que je ne pouvais plus rivaliser avec les jeunes sur des courses de 50 bornes en dépit de ma pointe de vitesse qui n’est pas insignifiante, estimant mon chrono sur 10km à 32’30 environ à l’heure actuelle (1). En vérité, seuls les ultras et les trails par étapes où j’adore enchaîner les distances me stimulent. Sur ce terrain, je pense en effet pouvoir encore titiller l’élite, hormis quelques extra-terrestres tels Kilian Jornet ou François D’haene, absolument intouchables !
F.V. : Revenons à Pascal Giguet. Vous a-t-il imposé certaines conditions ?
David : Pas le moins du monde, et à vrai dire, connaissant Pascal, le contraire m’aurait bien étonné ! Car lorsque je le rencontre, j’ai véritablement l’impression de me voir ! Il est, pardonnez-moi, nous sommes tous les deux très désordonnés, nous opérons souvent à l’arrache, en clair nous improvisons beaucoup ! Inutile de dire que nous n’allions jamais reconnaître le parcours ou que nous ignorions parfois le contenu réel de nos sacs. Et puis, c’est un gars nature, avec qui on peut facilement bavarder, qui n’a pas d’a priori, bref qui inspire confiance. Bref, le top du top !
F.V. : Ca doit vous changer de Salomon ?
David : Détrompez-vous car à mon époque (2004-2011), contrairement aux idées erronées répandues ici et là, il n’y avait aucune pression de la part du team manager Jean-Michel Faure-Vincent. La seule qui prévalait, c’était celle que nous nous mettions à nous même ! Naturellement, la situation a radicalement changé de nos jours au regard de la redoutable concurrence et du caractère structuré pour ne pas dire professionnel des teams.
F.V. : Quel est votre calendrier 2014 ?
David : Il a été établi en fonction de ma principale échéance qui surviendra le 23 octobre à l’occasion de la 22ème Diagonale des Fous. Tout au long de la saison, je me dois donc de monter crescendo, en puissance, et ça commence dès ce dimanche au Ventoux ! Sinon, je serai au départ de la Maxi-Race en deux jours (31 mai – 1er juin, 87km) ; du 80km du Mont-Blanc (27 juin) ; peut-être de l’ITT en fonction de la forme et des résultats précédents (13 juillet, 65km) qui clôturera alors la base de la prépa.
Et puis, ce sera la prépa finale qui renfermera la Gore-Tex Transalpine Run en binôme avec Pascal Giguet (30 août-6 septembre, 13000km), peut-être et enfin Belle-Ile en Trail en fonction de l’état de fraîcheur suite à la Transalpine (20 septembre, 83km).
En parallèle, je m’alignerai sur des trails courte distance locaux mais que je ne disputerai qu’en surfatigue.
Propos recueillis par François Vanlaton
- © Fred Bousseau
(1) Les marques personnelles sur 10km et marathon établies par David Pasquio s’élèvent respectivement à 32’16 (Langueux 2003) et à 2h29’20 (Nantes 2007).
décembre, 2024
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