Nous allons explorer ici les meilleures façons légales de venir à bout de son ultra-trail, c’est-à-dire sans les tricheries que sont le dopage, les prises abusives d’anti-inflammatoires, les assistances hors-zone, voire l’auto-stop. Cela étant dit, revenons à notre problématique initiale. Vous êtes inscrit-e sur un ultra ou une course plus courte, mais tout ne s’est pas passé comme prévu dans la préparation… Voyons comment réussir malgré les aléas mettant en péril une préparation…
Une prépa tronquée peut signifier que vous avez de fortes chances de rentrer dans le peloton des 25 à 33% de coureurs qui ne bouclent pas leur ultra, et parfois jusqu’à 50% quand les conditions sont difficiles sur le plan météorologique. Les causes les plus fréquentes d’abandon sont les suivantes : troubles gastro-intestinaux, fatigue générale et musculaire, blessure articulaire ou tendineuse, barrière horaire… Ce sont bien entendu ces mêmes maux qui rattrapent l’ultra-traileur mal préparé.
La compétition commence le jour de l’inscription
Pour la très grande majorité des participants, un ultra-trail constitue l’objectif majeur de la saison, un Graal ! Pour beaucoup, la compétition commence le jour de l’inscription et il faudra 3 ans à certains pour obtenir le « golden ticket » sur l’UTMB® par exemple. Il est donc tellement complexe d’obtenir un dossard que de nombreux ultra traileurs arrivent au départ avec une préparation imparfaite, et ce malgré le garde-fou des points qualificatifs. Il est compréhensible qu’après deux ans d’attente, on soit prêt à tout pour s’aligner au départ et tenter le défi, surtout s’il s’agit de sa première participation.
Listons à présent ce qui a pu perturber une préparation « idéale », avant de voir, dans un deuxième temps, les stratégies de secours à mettre en place pour tenter de surmonter ces imprévus.
– La blessure : C’est certainement le problème numéro 1 car la pratique non raisonnée de l’ultra trail est accidentogène. Tendinopathies, pubalgies, fractures de fatigue…éloignent pour de très longs moments le traileur des sentiers. Or la pratique de l’ultra trail requiert des charges d’entraînement conséquentes. Même une blessure bégnine peut perturber la préparation sur le plan physique et psychologique.
– La maladie : tout comme la blessure, une pathologie virale par exemple peut fortement handicaper la préparation sur de longues semaines, voire des mois.
– Le manque de kilomètres, ou d’heures d’entraînement : cette problématique peut être reliée à la blessure mais pas nécessairement. Un travail prenant en temps et/ou en énergie, des problèmes familiaux… peuvent générer de la fatigue et priver du temps nécessaire à la bonne préparation de votre défi.
– Le manque de dénivelé. Ce point est à distinguer du précédent, pour les coureurs de plaine. Vous pouvez avoir couru beaucoup de kilomètres, mais si vous n’avez pu ni grimper ni descendre, vous aurez peu de chances de rallier l’arrivée en raison de douleurs musculaires dues à des phénomènes inflammatoires aigus.
- Des troubles alimentaires : Vous souffrez de perméabilité intestinale ou vous n’avez pas prévu de protocole alimentaire en amont et pendant la course. Or vous devez savoir que les troubles gastro-intestinaux représentent souvent le facteur numéro 1 d’abandon, et jusqu’à 1 abandon sur 4.
SOS UTMB®
Rappelons ici l’excellent ouvrage de Guillaume Millet et François Nicod : Réussir son UTMB (*), chez Outdoor Editions, qui vous donnera de précieux conseils pour boucler la boucle ! Dans les cas évoqués ci-dessus, le traileur se retrouve dans la situation de l’élève de Terminale qui se met à bosser début juin et qui court vite en librairie acheter le précieux ouvrage : SOS BAC !
Mais il y a tout de même une sacrée différence car s’il faut tout tenter pour le bac et compter sur le facteur chance, ce n’est pas le cas en ultra trail. Ainsi, le premier conseil que nous devons donner, et que personne ne veut entendre, c’est de renoncer à la course si vous n’avez pas les moyens physiques d’y faire face. C’est une décision qui peut apparaître déchirante mais qui témoigne d’une grande sagesse. La course de trop ou au mauvais moment peut vous éloigner définitivement de vos terrains de jeux et faire de vous un téléspectateur de la web-TV. Ne prenez pas seul cette décision, parlez-en aux proches et à des non-pratiquants pour avoir le recul nécessaire.
Evoquons maintenant les cas pour lesquels franchir la ligne d’arrivée reste envisageable.
– La blessure. Si elle est encore d’actualité, il ne faut pas prendre le départ. Si les signes cliniques et fonctionnels ont disparu, tout est alors possible. On observe deux cas : pour beaucoup, la blessure a permis de mettre l’organisme tout entier au repos. L’athlète a récupéré et s’est régénéré pour retrouver assez rapidement un niveau de forme et de fraîcheur supérieur à celui d’avant la blessure. Pour d’autres, la blessure a occasionné un désentraînement important, proportionnel au niveau d’entraînement et à l’âge du pratiquant. Plus on s’entraîne, plus on est âgé, et plus le désentraînement est rapide, et donc la remise à niveau longue. Bien entendu, ces deux critères sont indépendants.
Notre conseil : Même si la course approche, il faut respecter le principe de progressivité. On remet du volume par de l’entraînement essentiellement croisé, et on place des séances en excentrique afin de prévenir les risques inflammatoires. Du coup, la période d’affûtage (ou tapering) sera un peu plus chargée afin de re-entraîner l’organisme sans pour autant générer de fatigue durable. C’est un exercice de funambule pendant lequel il faut positiver sur sa capacité finale à accomplir cette course. Enfin, dès le départ, il va falloir adapter son intensité d’effort à vos capacités du moment et faire le deuil de la course rêvée d’avant la blessure.
– La maladie. C’est finalement moins grave que la blessure car le risque de rechute pendant la course est inexistant. Toutefois, la préparation a été amputée de précieuses séances. Là aussi, pas de panique et pas de charges additionnelles pour compenser les manquantes ! Comme pour la blessure, on procède par accumulation de petites charges, on croise l’entraînement et on révise sa stratégie de course. Si on était déjà juste auparavant, il faut alors se préoccuper des barrières horaires et établir son plan de marche par rapport à cette contrainte. Sur le plan mental, c’est tout à fait positif et conseillé de décomposer l’objectif de finir en de multiples sous-objectifs avec des fourchettes horaires.
– Le manque de kilomètres ou d’heures d’entraînement. Si pour de multiples raisons, vous êtes à cours d’entraînement le jour J, pas de panique ! Seule la raison pourra vous mener au bout.
Notre conseil : Adoptez trois stratégies : le pacing, le matériel, l’alimentation. Le pacing, c’est la gestion de l’intensité de l’effort. Dès le début, soyez en aisance sur les plans musculaire et respiratoire. Recherchez la facilité, le relâchement, et concentrez-vous sur le plaisir de ce moment tant attendu. Ne vous occupez-pas des autres. Guillaume Millet a bien montré que la protection des membres inférieurs des dommages musculaires et ostéo-articulaires était un enjeu majeur de l’ultra. Donc, préservez-vous ! Pour cela, les bâtons sont de précieux auxiliaires en montée et même en descente, et pourquoi pas la compression qui peut réduire les phénomènes vibratoires et diminuer la sensation de fatigue. Enfin, l’alimentation et l’hydratation sont à surveiller continuellement, les besoins en cas de sous-entraînement pouvant être différents des besoins habituels. Les arrêts aux postes de ravitaillement pourront être plus longs pour prendre le temps de refaire les niveaux. L’adoption de ces différentes stratégies va permettre de retarder le moment d’apparition des douleurs musculaires, voire des crampes ou de l’épuisement. Pour certains, c’est aussi du côté du sommeil qu’il faudra investir, à partir du moment où le temps d’effort dépasse les 30-35h. Mais attention, le temps d’arrêt doit rester limité à 1h, sous peine de ne plus pouvoir repartir.
– Le manque de dénivelé : Vous avez les charges suffisantes mais il vous manque la spécificité. Or on le sait, s’il est possible de compenser le manque de dénivelé positif par du renforcement musculaire ou du vélo, c’est quasi impossible pour le manque de dénivelé négatif. Or c’est dans ce secteur de la course que les enjeux sont les plus importants. La descente, de par l’excentricité des contractions musculaires, est à l’origine de phénomènes inflammatoires rapidement handicapants. La faible excentricité de la course à plat n’est pas suffisante pour prévenir la survenue de cette inflammation. De plus, le manque de pratique est synonyme parfois d’un défaut de maîtrise technique.
Notre conseil : Monter en aisance respiratoire en s’aidant bien des bâtons et adopter rapidement la marche même si le cardiovasculaire répond bien. En descente, le maître mot va être la maîtrise. La gestuelle doit rester sous contrôle le plus longtemps possible. Pas d’emballement même dans les descentes faciles. Il va falloir taper le moins possible en adoptant une foulée rasante et fréquente. Ainsi, en multipliant les impacts mais en réduisant l’amplitude des ondulations du centre de gravité, l’athlète diminue les conséquences de chaque choc et se préserve. Là aussi, une bonne technique de bâtons peut soulager le travail des membres inférieurs. Malgré ces précautions, il faut s’attendre à de fortes douleurs musculaires après la mi-parcours et spécialement dans chaque nouvelle descente.
– Les troubles alimentaires : Ils peuvent être chroniques ou se révéler à l’effort. En effet, la course à pied met à mal nos intestins de par l’afflux sanguin aux muscles en mouvement (et donc la sous-irrigation intestinale), la durée, la chaleur, la répétition des chocs … 80% des athlètes d’ultra endurance disent subir des troubles gastro-intestinaux. Ainsi, pour finir un ultra trail, il faut une stratégie alimentaire ultra réussie. Idem pour l’hydratation qui doit compenser les pertes hydriques tout en veillant à éviter la surhydratation susceptible d’entraîner une hyponatrémie par manque d’apport de sodium.
Nos conseils : Reportez-vous aux nombreux articles d’Anthony Berthou dans ce magazine. Adoptez une stratégie au quotidien (renfort du trépied intestinal, restauration de l’équilibre acido-basique, lutte contre l’oxydation, renfort de la paroi intestinale…) et testez absolument tous les produits en condition de course. A de rares exceptions près, ne prenez rien sur les tables de ravitaillement que vous n’ayez testé auparavant. Méfiez-vous des messages d’alerte que votre cerveau ne manquera pas de vous envoyer, notamment pour vous jeter sur des graisses peu digestes (saucisson et certains fromages). Pour la boisson, buvez à votre soif, régulièrement, et limitez fortement les boissons sucrées de type Soda.
Malgré une préparation imparfaite, vous avez décidé de prendre le départ. Restez positif et projetez-vous sur la ligne d’arrivée. Votre vie ne se joue pas sur une épreuve sportive, alors profitez de cette chance incroyable de participer. Pour autant, soyez stratégique pour optimiser vos chances d’aller au bout en préservant au maximum votre intégrité physique. Du premier au dernier, la réussite de l’entreprise passe certes par la préparation mais aussi par une gestion globale de la course qui doit laisser une part infime à l’imprévu.
(*) Disponible en librairies et sur : boutique.outdoor-editions.fr
Par Pascal Balducci, entraîneur et Docteur en physiologie de l’exercice – Photo : Georges Martinez Valentin
novembre, 2024
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