Antoine Guillon n’avait jamais autant couru d’ultras en une année. Nous avons fait avec lui un résumé chiffré de saison, qui n’est pas encore achevée, puisqu’il sera en lice début décembre à la Transmartinique, qu’il a remportée à deux reprises, en 2011 et 2012.
4 – comme le classement d’Antoine Guillon à la première édition de l’Ultra Trail World Tour. Il a disputé cinq manches (14e à Hong Kong, 5e de la Transgrancanaria, 4e de l’Ultra Trail Mont-Fuji, 12e au Lavaredo Ultra Trail, 12e au Grand Raid de la Réunion *), soit le deuxième total derrière Christophe Le Saux (6 épreuves). « C’était un peu l’objectif de la saison et un bel objectif pour l’équipe (Team WAA, comme Christophe Le Saux). Ça nous a permis de découvrir de nouveaux horizons car il y a des courses où l’on ne se déplaçait pas avant. C’était chouette. Rencontrer d’autres coureurs, c’est aussi super. Les coureurs asiatiques, on n’a pas l’habitude de les voir par exemple. Et en même temps, c’est très motivant car on retrouve ces athlètes qui viennent de très loin sur d’autres épreuves. On tisse des liens. Ça ouvre aussi des portes, c’est vraiment agréable ».
5 – soit le nombre de kilos – de l’eau surtout – pris par l’ultra traileur chevronné…après le Tor des Géants (dans la vallée d’Aoste en Italie, 7-14 septembre, 330 km pour 24 000 m D+) ! « Il fallait régler ça assez rapidement. Dès le lendemain, on est allé faire une séance d’hammam, sauna, jacuzzi, avec également des massages drainants ; ça deux jours de suite. Ça fait énormément de bien, ça permet dans un premier temps de régler le problème des œdèmes, de la rétention d’eau. Ensuite, je me suis bien hydraté et j’ai fait la sieste tous les jours pendant deux semaines environ ».
7 – comme le nombre d’ultras qu’Antoine Guillon aura disputé cette saison. En sus des cinq manches de l’UTWT, il s’est aligné au Tor des Géants et sera en lice à la Transmartinique le 6 décembre prochain. « C’est une saison plus engagée que les autres, avec plus d’ultras disputés de manière plus rapprochée. Il y a eu davantage de voyages. Je n’ai pas couru une seule fois en métropole. C’est la première fois que ça m’arrive » rit-il. Pour autant, tout était raisonné en amont. « Ma progression dans l’ultra est régulière : j’ai commencé par en courir deux dans l’année, puis 3-4 etc…ça n’a pas non plus été brutal comme changement. Et pour amortir tout ça, j’ai augmenté ma charge de vélo (voir ci-dessous) ». Cet enchaînement a été réalisé –insigne exploit- sans blessure.
« Pourquoi pas gagner la Diagonale un jour mais il faut que je me dépêche ! »
7(bis) – comme le nombre de top 4 réalisé par Antoine Guillon à la Diagonale des Fous (2e en 2007, 2010 et 2012 ; 3e en 2009 ; 4 en 2008, 2011 et 2013). A 43 ans, ambitionne t-il de s’imposer un jour à la Réunion ? « L’année prochaine, ça va être l’objectif principal et je vais bâtir ma saison pour vraiment me préparer spécifiquement à ça. En ultra, rien n’est impossible, particulièrement à la Diagonale où tous les scénarios sont possibles. Donc oui, pourquoi pas la gagner un jour mais il faut que je me dépêche ! » rit-il au bout du fil, alors qu’il a prévu en 2015 de disputer -« que » serait-on tenté d’écrire- trois ultras avant le GRR afin d’arriver frais (Hong Kong ; le marathon des Sables ; la TDS fin août ou bien une épreuve en juillet).
12 – Six semaines après le Tor des Géants, l’ancien paysagiste et cogérant d’agences immobilières a enchaîné avec le GRR, pour lequel il a terminé 12e. La récupération a été essentielle (repos une semaine puis reprise douce avec du vélo). « Je savais que ça allait être certainement difficile, mais oui, je savais ce que je faisais » sourit-il. « Je craignais d’avoir une blessure, mais ça n’a pas été le cas. C’était un peu l’inconnu mais en même temps c’était ça qui m’intéressait : tester mes capacités de récupération en repoussant mes limites. Ça s’est bien passé hormis le fait que je manquais un peu d’énergie “profonde“ car j’ai été un peu moins performant. J’avais les mêmes sensations qu’habituellement, j’ai fini propre comme d’habitude sauf que j’étais un cran en-dessous, comme si j’étais un peu bridé. J’ai appris des choses du coup sur mes capacités de récupération ».
Il a donc terminé 12e de cette Diagonale remportée par François D’Haene. « Je me suis bien rendu compte que je restais sur ma faim et que le gros défi, c’est de mettre mon nom sur cette épreuve. J’ai plusieurs objectifs dessus : je voudrais faire 10 top ; il y a un challenge tous temps, établi depuis 25 éditions et je voudrais être en tête de ce challenge là (il reste deux Réunionnais devant) ». On perçoit une vraie appétence pour le GGR. « Oui, j’aime beaucoup cette île, avec cette variété de paysages. Je m’amuse énormément dans ces sentiers tarabiscotés. Ça ressemble aussi beaucoup au massif du Caroux, chez moi où je m’entraîne. Il y a tellement de similitudes que j’ai vraiment l’impression d’être dans mon jardin. Je me régale et j’aime beaucoup l’ambiance réunionnaise avec l’île qui vibre au son de la Diagonale pendant une semaine ».
33 – le pourcentage en volume horaire que consacre Antoine Guillon à l’entraînement en vélo (4-5 sorties par semaine de 1h15 à 2h15 ; 4-5 sorties également en course à pied, mais plus longues). « Pour moi, le vélo est l’une des clés de la réussite en ultra pour durer. Ça préserve les articulations » explique t-il. « Ça m’a permis aussi de développer une musculature un peu différente qui m’a bien aidé aussi pour la récupération entre chaque épreuve ».
90 – le temps cumulé en minutes de sieste que s’est accordé le double vainqueur de la Transmartinique lors du Tor des Géants. « Oui, c’était vraiment au-delà de tout ce que j’avais connu jusqu’à présent. J’ai vraiment dû gérer le sommeil et une grande fatigue, jusqu’à l’épuisement, comme presque tomber par terre pour dormir dix minutes ». Il s’est octroyé quatre pauses pour dormir (une première fois 40 minutes après 40 heures de course, puis deux fois 20’, et une fois 10’ « dans l’herbe »). « J’ai récupéré très vite avec des sommeils très brefs. J’étais dans un état où j’avais du mal visuellement à faire la mise au point : le sol bougeait, je n’arrivais pas à fixer les cailloux qui se baladaient sur le chemin, ça devenait très problématique pour avancer » sourit-il. « Après une sieste de 20 minutes, ça repartait pour plusieurs heures. C’était vraiment incroyable, j’ai été très surpris de ça ».
Il a ainsi pu toucher des limites jamais éprouvées auparavant. « Sur des 160 km, la course dure 25, 26 h et ce n’est pas suffisant pour rencontrer ces états. J’ai trouvé ça super car ça fait découvrir autre chose. J’ai beaucoup aimé le partage, le final, avec Christophe Le Saux où l’on a fait presque 20 heures ensemble. C’était génial, une excellente expérience humaine ». Son meilleur souvenir de la saison.
« Et beh dis-donc, il nous reste 300 kilomètres ! »
330 – la distance du Tor des Géants, près de deux fois plus que ce qu’il avait connu jusqu’alors. « Il n’y avait pas d’inquiétude. J’avais plus hâte d’être dedans et de vivre ça. J’avais juste envie de le découvrir. Je ne me mets jamais de pression avant un ultra. Je suis toujours détendu. On a fait pas mal les clowns la semaine précédente avec Christophe, en alimentant notamment les réseaux sociaux. On s’est bien amusés et on était très relax sur la ligne de départ ».
Pas un peu flippant tout de même de se dire qu’il reste plus de 300 bornes lorsqu’on a fait 20 km !?! « Si tout à fait. Il y avait un moment où je savais qu’on était à 30 km. J’étais avec un copain, et je lui ai dit : “et beh dis-donc, il nous en reste 300 !“ Et après je me suis dit de ne plus y penser. Mais quelque part, on l’a dans un coin de la tête ».
En sus de la fatigue, Antoine Guillon a rencontré des sensations jusque là cachées. « Les 20 dernières heures, j’ai couru avec des courbatures au niveau de la ceinture abdominale. Je n’imaginais pas que ça pouvait exister. Je pense que j’ai eu ça car j’ai couru longtemps et un peu vite sur des parties techniques. J’ai fait beaucoup de proprioception, je pense que j’ai pas mal sollicité ma ceinture abdominale. Et après 48 h, on ralentit tellement le rythme, les pulsations cardiaques sont tellement basses que c’est un peu comme si on avait arrêté la compétition, et les mécanismes de refroidissement, les courbatures, tout ça s’est réveillé et ça m’a gêné pour la fin ».
4 742 – Ce qui ne l’a pas empêché de terminer troisième ex aequo avec Christophe Le Saux, en 79h2’29’’, soit 4 742 minutes de course… « J’avais en tête ce podium. Je suis très content de l’avoir fait d’autant que j’ai pas l’intention de faire le Tor des Géants tous les ans ». Arrive t-on à profiter sur ce genre d’épreuves si singulières ? « Oui, oui » glisse t-il. « C’est une belle aventure. J’ai pu bien en profiter, mais j’ai moins apprécié au niveau paysage que lorsque j’ai fait la reconnaissance avant. Avec la fatigue, la vision est plus étroite au bout d’un moment, et on est moins lucide. A la reco, ce qui m’a marqué, c’étaient les paysages de jour avec les vues lointaines. Durant la course, ce qui m’a marqué, c’étaient les nuits avec la pleine lune, les lumières qui se dégageaient de la montagne en pleine nuit ».
Toujours est-il que lorsqu’il bascule désormais sur un 160, l’approche n’est plus la même. « Sur la Diagonale, ça m’a avantagé mentalement. Il n’y avait aucune inquiétude par rapport à la distance. C’est là que c’est intéressant. Je sais aussi que si je pars pour une course qui va durer 30 heures, je ne serais pas gêné par le sommeil. Ça m’aura appris ça. Partir pour 100, 130 km, ça ne me paraît pas un problème. C’est bien car ça permet de se concentrer sur d’autres choses, comme sur la gestion de course, ou bien davantage profiter des paysages et de l’étendue ».
(*) sont pris en compte pour le classement de l’UTWT les résultats des trois meilleurs manches disputées.
Recueilli par Quentin Guillon – Photos Franck Oddoux et orga Tor des Geants
novembre, 2024
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