Il y a l’équipe de France, les courses mythiques ou les grands teams, et ces coachs réputés que l’on « voit » – faiseurs de rois, selon la légende. Et puis il y a ces coachs de l’ombre dont on parle moins, mais qui creusent leur sillon à haut niveau – révélateurs de champions, eux aussi. La saison trail est lancée : nous avions envie de leur donner la parole. On débute la série avec Robin Suzanne.
Par Julien Gilleron
Martin Kern, Kevin Vermeulen, Matthis Granet ou Tiago Vieira… Derrière ces athlètes, Robin Suzanne, un Normand Savoyard de l’Ain. Préparateur physique et mental, entraineur trail et running, capé en réathlétisation autant qu’en sports collectifs, Robin Suzanne manie la discrétion à un niveau surprenant. Index de modestie élevé, ce grand connaisseur des jeunes talents français a emmené plusieurs athlètes jusqu’en sélection internationale.
Robin, par définition, l’entraineur vise-t-il à guider l’élève vers sa performance, ou l’objectif est-il bien plus riche ?
RS: On ne travaille que sur des cas particuliers – c’est ce qui fait le sel de la chose : à niveau identique, deux coureurs n’auront pas forcément les mêmes attentes. Il est donc important d’être à l’écoute de ceux-ci pour comprendre leur démarche, afin de les emmener là où ils veulent aller. Tu imagines la richesse de cet accompagnement, comparé au simple fait de construire une planification ! Car c’est un tout qui place l’athlète, l’individu, au centre de l’entraînement. Au-delà du projet, un rôle de confident va très souvent de pair avec le suivi.
Révéler un potentiel te motive-t-il plus que de perfectionner un athlète déjà reconnu ?
RS: Le processus est très différent…Si ta vie personnelle et professionnelle ne t’autorise que 3 ou 4 entraînements hebdomadaires, tu ne pourras pas atteindre ton maximum physiologique. Ce n’est physiquement pas possible. Tu progresseras et le but consistera alors à maximiser ton temps disponible afin de l’assimiler. A 100% de liberté, tu as la chance de disposer de presque toutes les latitudes en termes d’axes de travail. Les progrès de débutants font tout aussi plaisir que les résultats d’élites ; les deux sont gratifiants et intéressants dans la mise en place. Je dirais que travailler avec un athlète élite apporte l’intérêt du champ des possibles en matière d’entraînement. Ce qui est fascinant, certes.
Quelle frontière ne franchirais-tu jamais dans ta demande à un sportif ?
RS: Des choses qui contredisent l’éthique sportive et déontologique (dopage « doux » qui ne dirait pas son nom, tricherie « soft » qui n’est que pure tricherie, etc) en premier lieu. En second, de faire passer sa pratique sportive avant sa santé mentale et son bien-être, son équilibre de vie.
Quel est selon toi l’apport réel des applis sportives communautaires ?
RS: Pas mal de souci dont le principal, c’est visiblement l’égo ! Vouloir en faire toujours plus que les autres, plus que ce que l’on a fait les mois ou semaines précédentes, etc. Bref, la surenchère permanente, et une étrange notion de sur-compétitivité dont je n’ai pas encore totalement saisi l’objectif sous-jacent : quelle reconnaissance finale, quelle part de motivation pour le dépassement pur et rien d’autre, etc…
Quelles sont à ton avis les erreurs les plus lourdes de conséquences commises par les sportifs ?
RS : Dérèglements hormonaux, épuisement des systèmes nerveux sympathiques et parasympathiques…tu as compris : la gravité insoupçonnée du surentraînement. Des mois et des mois d’incapacité de pratiquer, de revenir à son niveau, voire le risque de ne plus jamais y parvenir. Ça va jusque-là.
Et quel est le risque de déviance qui guette tout coach ?
RS : la simplification ! Ne pas faire d’un athlète une personne à part entière, et déconnecter l’individu du sportif. Construire un sujet, dépersonnalisé à coup d’exigences. Oublier que chaque individu est unique et qu’il existe autant de schémas de fonctionnement personnel, donc de réponses aux stimuli.
As-tu connu des situations où la relation entraineur-entrainé devenait polluante, dans un sens comme dans l’autre ?
RS : Oui, bien entendu. Des soucis entre sponsor et coureur à qui on a pu imposer un entraîneur en dernier lieu – par exemple. J’ai coupé court, et mieux valait, car cela devenait plus contraignant qu’autre chose comme façon de travailler. La relation avec l’athlète était polluée.
Amateurs ou professionnels, beaucoup de trailers reprennent en janvier pour des objectifs déjà « majeurs ». N’est-ce pas trop ambitieux ?
RS: Ne reprenez pas directement par des semaines à 100 bornes et 6000D+ ! Certains le font, mais avec quel passif ? Ce n’est pas parce que cela fonctionne avec quelques-uns que cela fonctionne pour tout le monde ! Si on jette une boite d’œufs sur un mur, un peut survivre, 11 sont cassés. Ne jamais se calquer sur le « plan » ou la forme des autres, et surtout, ne pas négliger le sommeil et l’alimentation-hydratation en phase de récupération !
Bonus piège : ton élève préféré ? le cancre ?
RS : le préféré ? celui qui réfléchit à ce qu’il fait. Le cancre, celui qui applique bêtement une règle sans chercher à comprendre quoi que ce soit.
novembre, 2024
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