Suite de l’interview de Antoine Guillon qui revient sur ses ambitions au Grand Raid de La Réunion, sur l’homme qu’il est et comment il s’imagine dans 10 ans et enfin il reprend sa plume d’écrivain pour imaginer le trail en 2030…
Premier volet de l’Interview ICI
4/ Marco Olmo a gagné 2 fois l’UTMB à 57 et 58 ans, penses tu pouvoir encore gagner le Grand Raid de La Réunion ?
Le temps passe tellement vite que je n’ai pas le temps de vieillir tandis que les années se succèdent ! C’est le secret.
Ah oui, Marco fait rêver. Il faut avoir couru à ses côtés, ou même derrière lui, pour réaliser la force tranquille qu’il possède (je parle au présent car l’animal continue d’écumer les déserts à 70 ans en tenant la dragée haute aux jeunots) et imaginer la vie d’ascète qu’il mène pour être si affûté. Sa femme peut l’accrocher directement au cintre quand il rentre trempé de la montagne, il ne pliera pas sous son poids.
J’ai une certaine similitude avec son gabarit, moins une poignée de centimètres, et j’entends souvent dire de moi que je suis l’Olmo français, allez savoir pourquoi. J’ose espérer que ce n’est pas pour l’âge, sympas les copains.
Secrètement, bien sûr que j’imagine possible de gagner le Grand Raid. C’est bien avec cette pensée que je m’enquille souvent des sorties de 5 heures ; j’aime ça, c’est dans ma nature de bouger sans cesse, alors qui sait, sur un malentendu, si je ne m’égare pas, si les cailloux arrêtent de changer de place sournoisement, il se pourrait que ma frimousse pointe de nouveau son nez en premier dans le stade de la Redoute !
5/ comment imagines tu Antoine Guillon dans 10 ans ?
Bon, je viens de regarder dans Wikipedia, c’est mal foutu, il n’y a rien d’écrit sur mon avenir. Alors si j’imagine, au niveau professionnel j’espère en 2030 avoir gardé un certain amateurisme pour pouvoir continuer à progresser une autre décade, sinon ce ne serait pas drôle, et se reposer sur mes modestes lauriers marquerait le début d’un laisser-aller.
Je crois être raisonnable dans ma pratique sportive pour continuer à être performant dans dix ans. Actuellement je progresse encore, et je trouverai toujours des orientations qui me conviennent pour m’épanouir. Par exemple, depuis peu je prends beaucoup de plaisir à courir sur route, et j’ai déjà des projets motivants pour plusieurs années.
Parallèlement, je lance plus régulièrement des défis sans objectifs compétitifs, davantage pour exprimer nos qualités sportives (je parle au pluriel car ce sont rarement des défis individuels, mis à part le tour de l’île de la Réunion) en prenant un réel plaisir à savourer le challenge entre amis.
Une dame grecque âgée de 108 ans a répondu de cette façon à la question d’un journaliste sur le secret de son exceptionnelle longévité : « je n’ai jamais arrêté de travailler ».
Tant que la dynamique est présente, que les liens sociaux sont entretenus, que les méninges sont sollicités, que l’équilibre alimentaire est soigné, le corps et l’esprit cheminent harmonieusement.
Au niveau personnel, je devrais d’ici dix ans partager mon temps entre la Grèce et la France, et baigner dans l’huile d’olive ; ça conserve parait-il 🙂
“En 2030, il se peut que la discipline ait rencontré de grandes difficultés”
6/ Tu es romancier, tu as plusieurs ouvrages à ton actif. Si tu devais te mettre dans la peau d’un roman de fiction comment vois tu l’avenir de Tim RunWood en 2030 et quelle sera la situation de la discipline, des courses, des participants, des sponsors etc…
Trois ouvrages de conseils sur le trail, deux romans mettant en scène un ultra trailer dans des aventures policières rocambolesques, je ne m’arrêterai pas en si bon chemin. Il y a d’ailleurs deux projets en cours…
D’ici 2030,Tim Runwood aura voyagé à la Réunion, mêlé à une découverte archéologique autour d’une épave qui le conduira également sur les sentiers marrons. Il aura fort à faire pour échapper aux griffes de ses éternels ennemis Kao et Monty. Il comptera certainement deux autres aventures.
En 2030, il se peut que la discipline ait rencontré de grandes difficultés. Les nouveaux millions d’adeptes qui n’en finiront pas de piétiner les espaces de plus en plus protégés à mesure que les libertés se réduiront feront l’objet de lois et de poursuites. La nature payante descendra des sommets qui le sont déjà et s’étendra progressivement aux plaines. L’hyperconnexion généralisée dont le revers est l’hyperdéconnexion aura formaté la majorité de la population, laquelle se fichera éperdument de l’environnement, cet espace présenté comme dangereux et sale, où pullulent virus et bactéries, où les assurances garantiront moins les risques comme les auront influencés en ce sens les gouvernements.
Dans ce nouveau monde, les trailers seront des vilains canards, et les organisations devront être très professionnelles, comme celles déjà structurées en entreprises, pour faire face aux croissantes exigences administratives. Ainsi, les petits événements se feront rares, ou dirigés vers des terrains aseptisés, tandis que les plus grands se battront à coup de primes, de challenges et de contrats télévisés pour séduire les coureurs et les sponsors.
Dans ce contexte, un groupe de trailers s’acharnera à braver les interdits, agaçant sérieusement les autorités, revendiquant la liberté de circuler.
Ces maroufles ont pris l’habitude de planter un drapeau sur le point culminant de chacune de leurs cavale. On peut y lire ces mots dans un vocabulaire qui a évolué : mieux vaut courir gratos que mourir idiosse. Les clichés défendus se répandent alors sur les réseaux sociaux (Back Book, Cuicuiter, Amstramgram) comme traînée de poudre malgré les censures et ne tardent pas à faire de nouveaux adeptes, si bien que des brigades sont créées dans l’unique but d’arracher ces milliers de fanions qui semblent pousser plus vite que des champignons.
Une application est née « freedom flag » qui permet de géolocaliser les emplacements les plus jalonnés et ceux à pourvoir, sur un fond de carte représentant ces zones interdites découpées en tronçons de valeurs variables en fonction de la dangerosité à commettre le forfait.
On y entre son pseudo, on bat la campagne à ses risques et périls, et on marque des points en fichant des drapeaux contestataires.
Au fil du temps, tandis qu’une infime partie de ces brigands de grands chemins se font prendre et pucer en intracutané, de nombreux membres de la brigade anti FF se prennent au jeu, dans l’espoir de détrôner « The Big Ghost » le plus titré des rebelles, non pas en s’en saisissant mais en changeant de camp.
C’est la pagaille au sein de la milice. Il n’y a bientôt plus assez de personnel pour récolter les drapeaux provocateurs. Les images de collines et de prairies qui en sont couvertes envahissent les écrans. Les badauds piqués par la curiosité quittent la ville pour aller voir en vrai et sont subjugué par la beauté de l’environnement.
La poutre devient véreuse, et bientôt l’édifice autoritaire s’écroule.
2030 a failli être une année difficile pour le trail !
Team Kinétik 2021 : Antoine Guillon (50 ans), Cédric Chavet (45 ans), Robin Faricier (23 ans), Renaud Rouanet (43 ans), Marie Lamblin (30 ans).
Par Fred Bousseau – ©Fred Bousseau – Antoine Guillon et JB Roubinet.
novembre, 2024
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