Emelie Forsberg est une femme de record. Elle est aussi maman depuis la naissance de Maj, sa fille dont Kilian Jornet est l’heureux papa, le 24 mars dernier. Pour son retour à la compétition, la Suédoise a choisi de prendre le départ de la CCC (Courmayeur – Champex – Chamonix) : 101 km, + 6100 m. Et d’avouer : « Je ne sais même pas si je peux courir 100 km… » Plus qu’une course, cinq mois après son accouchement, Emelie est dans un autre record…
Il y a un peu plus d’un an, le 21 juin dernier, Emelie Forsberg établissait le premier record féminin du Mont-Blanc (4810 m), en aller/retour (31 km, +/-3900 m), au départ du parvis de l’église de Chamonix : 7h53’12. Dans la foulée, elle améliorait le record du Mont-Rose (4554m) en 5 h 03’56. Après ces sommets alpins, en juillet, la Suédoise avait montré que dans sa période « FKT » (Fastest Known Time) 2018, elle pouvait être aussi performante sur des challenges de plusieurs jours en battant le record du Kungsleden Trail (Laponie suédoise) en parcourant les 450 km du « King’s Trail » en 4 jours et 21 h. Sans être dans un mimétisme à la Kilian Jornet, son compagnon, la jeune femme (32 ans) a prouvé qu’elle pouvait être à l’aise sur plusieurs formats. Du skyrunning (cinq fois victorieuse du circuit Skyrunner World Series, de 2011 à 2015) à l’ultra-mountain (deuxième du Grand Raid de La Réunion 2013) en passant par les grandes classiques du calendrier ultra-trail : 80 km du Mont-Blanc 2014, Transvulcania 2013 et 2015, Ultra Pireneu 2015…
« Vivre avec un athlète de haut niveau, cela facilite la compréhension… »
Dans cette liste non exhaustive, on remarque que le couple Forsberg/Jornet aime bien les Alpes et particulièrement la Vallée de Chamonix. Ils ont d’ailleurs vécus aux Houches. C’est donc tout naturellement qu’Emelie et Kilian ont posé leurs valises à Argentières pour l’été, avec la poussette de Maj. « Nous vivions dans la vallée auparavant, rappelle la jeune femme. Et je sais que les chemins sont tellement plus faciles qu’en Norvège. Comme nous faisons aussi une petite rénovation de notre maison ; avec un bébé, il est plus agréable de vivre ici que dans le chaos des travaux. » C’est donc sur les sentiers entre Vallorcine et Les Houches qu’elle a préparé la CCC, avec une organisation de tous les instants. « Nous nous sommes adaptés aux horaires de Maj, en nous entraînant lorsque nous le pouvions en planifiant nos journées à l’avance, explique Emelie. Vivre avec un homme qui est aussi un athlète de haut niveau, cela facilite la compréhension. Nous avons des journées de vie et des horaires très flexibles. »
« Je veux être la meilleure version de moi pour Maj… »
Lorsque l’on est athlète de haut niveau, il est parfois difficile de concilier vie de famille, professionnelle et sportive. Néanmoins, cela n’a pas changé sa philosophie de vie. « Avec la planification et l’adaptation, cela fonctionne vraiment bien, » résume Emilie. Et d’ajouter, dans un sourire : « Depuis que je suis maman, je sens que je veux être la meilleure version de moi pour Maj. Je m’efforce d’être meilleure et plus gentille dans tous les aspects. » Animé par cet état d’esprit, et forte d’une activité physique qui a balisé toute sa grossesse, jusqu’à trois jours du terme ; sa reprise sportive a pu être précoce afin de commencer sa préparation pour le CCC. « J’ai commencé par trois séances d’exercices par semaine, avant de reprendre l’entraînement que j’avais avant ma grossesse. Puis, j’ai fait ce qui me semblait juste pour être prête dans la durée. » Et de préciser en s’esclaffant. « Par contre, je n’ai fait aucune course de préparation… Je ne sais même pas si je peux courir 100 km… En fait, je veux finir, sans m’être détruite. »
« Gravir le Mont-Blanc, c’est aussi ma façon de m’entraîner… »
Durant sa préparation, Emilie a retrouvé les habitudes qui lui permettre de s’échapper de la routine d’entraînement : l’ascension du Mont Blanc. « J’aime m’entraîner jusqu’à aller au sommet de cette montagne, explique celle qui pratique aussi le ski-alpinisme, yoga et l’alpinisme. En 2017, elle a d’ailleurs tenté de gravir le Cho Oyu (8138 m), au Népal, avant de faire demi-tour à 400 m du sommet à cause des conditions (froid, vent et neige). » Et Emelie de reprendre : « Gravir des montagnes, c’est aussi ma façon de m’entraîner en trail, même si, sans aucun doute, je préfère le ski et la course en montagne. » Reste qu’à l’instar de Rory Bosio, elle est l’une des pionnières à avoir intégrer le yoga à la pratique de la course à pied. « Le yoga est un moyen pour communiquer avec votre corps et votre esprit. Ce qui peut, ou est, important lorsque vous vous entraînez et que vous soumettez votre corps à des conditions de stress excessives. »
« Je recycle, composte, je cultive mes propres légumes… »
Afin de ne pas vivre ce stress au quotidien, Emelie et Kilian vivent en Norvège depuis trois ans, avec un style de vie proche de la nature. Les pays scandinaves, en particulier la Norvège, ont pris récemment des décisions et des engagements fermes en vue de préserver leurs forêts et leurs côtes. Emelie n’a pas attendu l’intensification de cette politique pour protéger son environnement au quotidien. « Je pense toujours à réduire l’utilisation de plastique, poursuit-elle. Je recycle, composte, je cultive mes propres légumes, cueille mes baies et mes légumes verts et les consomme pendant l’hiver au lieu d’acheter ailleurs. Je conduis à l’électricité, j’essaie de limiter mes déplacements pour réduire les émissions de CO2, de consommer moins d’électricité, de choisir de bonnes entreprises qui agissent pour l’environnement. En somme, beaucoup de petites choses… » Parmi ces petites choses, Emelie, associée à Ida Nilsson et Mimmi Kotka, ont créé Moonvalley, une marque de barres et boissons biologiques et sportives.
Mimmi, Ida et Emelie ne sont uniquement les ambassadrices de cette ferme au cœur des hauts plateaux norvégiens. Avec ces trois athlètes, la Suède est le meilleur pays européen au classement ITRA sur des distances comprises entre 100 et 200 km. Globalement, les États-Unis sont le numéro 1. Est-ce cette relation privilégiée que les Suédois entretiennent avec la nature qui explique cette domination ? « D’une certaine manière, je pense que oui, même si cela parait tellement incroyable répond Emelie. Nous avons une grande relation avec la nature, car il y a beaucoup de régions sauvages en Suède. Nous sommes dans un pays où le sport se développe et si vous êtes fort, vous pouvez en vivre ! »
« 100 km, ce sera long, mais pas trop pour être sans Maj ! »
Alors que Mimmi Kotka sera au départ de l’UTMB, ce vendredi à 18 h. « Je me suis entraînée avec elle et elle est dans une forme incroyable », annonce Emelie ; la maman de Maj sera en train de courir la CCC. « C’est un parcours très performant, je ne dirais donc pas que cela me convient. En comparaison, celui du 80 km du Mont-Blanc est un parcours extraordinaire ! Je l’aime, car il est plus sauvage et plus technique que celui de la CCC. Maintenant, demain, je vais commencer à 9 heures et j’espère finir sous 15 heures. 100 km, ce sera long, mais pas trop pour être sans Maj ! Mais je voulais avoir une course plus longue comme objectif, pour me motiver davantage à reconstruire une base, ce dont j’ai besoin. » Et de conclure : « Même si je ne sais pas si je peux courir 100 km… ».
Bruno POIRIER.
Photos : Jordi Saragossa
novembre, 2024
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