Les organisateurs avaient promis une épopée, les 120 partants l’ont vécue. Jamais, ils n’auraient pu imaginer des conditions météos si apocalyptiques et un tel parcours. Seuls 17 concurrents sont parvenus à rallier l’arrivée. Pour des raisons de sécurité l’épreuve a été neutralisée au 74e km à 23 heures, alors qu’il restait encore 37 « survivants » en course.
Grandissime favori, Iker Karrera a couvert les 100 km en 13h41’25’’ et s’est imposé devant deux autres espagnols : Jessed Hernandez Gispert : 14h08’47’’ et Pau Bartolo : 15h09’22’’. Côté féminin, Nuria Picas, 6e au scratch en 15h09’22’’ a atomisé l’Italienne Francesca (8e scratch) Canepa : 18h07’31’’ et sa compatriote hispanique Marta Riba (10escratch) : 19h28’28’’.
Si le départ était prévu samedi à 7 heures, la compétition avait déjà débuté la veille. Longue fut l’attente et face aux difficultés qu’ils allaient vivre, nombre de participants tournaient en rond dans le village de Barruera ne réussissant pas à masquer leur stress, sans doute synonyme d’un échec probable (voir la preview ICI).
A l’inverse, Nuria Picas vraiment détendue plaisantait en famille et avec d’autres athlètes à l’hôtel. Ce qui ne signifiait pas, qu’elle envisageait cet effort avec désinvolture. Une fois sur le web, elle a dégainé son smart phone et photographié le profil du circuit, afin de le mémoriser.
Face à cette image, la Catalane a lâché : « Je pense qu’il va falloir vraiment partir très prudemment, afin de ne pas se griller dans la première bosse (placée au km 3) ». Ce qui a inspiré cette réflexion en forme d’interrogation un brin ironique à Julia Böttger : « Pour toi, qu’est que cela signifie Partir lentement ? »
Amusée la cannibale du trail n’a rien répondu.
Quant à Iker Karrera, très discret, comme plongé en pleine méditation à l’écart du groupe, il semblait se livrer à un exercice de visualisation.
Si nul n’a reconnu au préalable le tracé, Nuria Picas a admis venir souvent s’entraîner dans cette région, située à une centaine de km de son village. De quoi savoir à quoi s’attendre relativement à la nature du terrain. Idem d’Iker Karrera. Bien que le Basque n’ait jamais effectué de stages dans cette province des Pyrénées, l’an passé à l’occasion du trail « Les Chariots de feux », il avait eu l’opportunité de découvrir cet environnement.
Comme, par enchantement à heure de l’échéance, le déluge qui n’a pas manqué de perturber le sommeil des plus inquiets a cessé, pour mieux reprendre une heure plus tard.
Rapidement, des adeptes de l’ultra ont connu de terribles défaillances.
L’Allemande Johanna Bertram en proie à de terribles angoisses n’a pas dépassé le premier ravitaillement installé au 22e km. Choquée par cette expérience, cette jeune journaliste de 28 ans résidant à Cologne a confié : « Jamais je n’aurais imaginé vivre ce genre de cauchemar. Lorsque j’ai attaqué la première côte un orage a éclaté. Entre, la pluie qui me cinglait le visage, tous ces éclairs qui illuminaient le ciel, le bruit du tonnerre et de la foudre qui s’abattait à l’horizon, j’ai cru réellement mourir. C’était l’apocalypse. Je ne pensais qu’à ma survie et ma famille. Je songeais à leur chagrin, au moment où ils apprendraient ma disparition. Puis arrivée au sommet, tétanisée par la peur, je n’osais pas descendre. Toutefois, je n’ai pas eu le choix. Mais à 500 mètres du but, face à un ultime pierrier pratiquement incliné à la verticale, j’ai craqué. Finalement, je l’ai appréhendé en marche arrière en m’accrochant aux rochers. Enfin soulagée d’atteindre le ravitaillement, le calvaire ne s’est pas arrête pour autant. Souffrant d’une hypothermie, j’avais les mains gelées et sans l’aide d’un médecin, j’aurais été incapable d’ôter mes gants. A posteriori, j’ai compris que j’étais encore un peu tendre pour ce genre d’aventure »
Pendant ce temps, faute d’adversaires à leur mesure, Iker Karrera et Nuria Picas se livraient à un cavalier seul et ne cessaient d’augmenter leur avance au fil des km sans manifester le moindre signe de fatigue, ou d’inquiétude.
Ce en dépit des aléas météorologiques se présentant sous la forme d’une alternance de tempêtes et d’intermèdes caniculaires.
Dès lors, il est apparu que les vainqueurs rejoindraient le finish plus tard que prévu.
Attendu vers 19h30, Iker Karrera s’est présenté à plus de 20h30.
Acclamé par la foule, il a ensuite déclaré : « J’ai fait ma course. J’ai toujours été en tête, pourtant j’ai simplement respecté le rythme, qui me convient et personne n’a suivi. Ce fut très difficile. Je suis tombé dans la première descente et j’ai bien cru, que je n’allais pas pouvoir repartir. J’avais le visage en sang. Mais, malgré la douleur, rien n’étais cassé et comme j’étais devant, j’ai pensé que je n’avais pas le droit d’arrêter. La fin a été terrible. Dans la dernière bosse, je n’en pouvais plus et j’avais l’impression, que cela n’en finissait pas. Concernant l’aspect technique, j’ai déjà affronté des parcours similaires dans les Dolomites. A propos de la météo, c’est la vie. Qu’il fasse chaud, ou froid c’est pareil pour tout le monde. On doit s’en accommoder. Désolé, mais si je continue de parler, je vais tomber. Il faut que j’aille m’allonger »
Troisième, Pau Bartolo faisait quelque peu figure de néophyte, a-t-il expliqué : « Je partais dans l’inconnu. Jamais je n’avais couru 100 km et je considère avoir couru aujourd’hui l’épreuve la plus dure de ma vie. Ce trail porte bien son nom. Il s’agit bien là d’une épopée. C’est hyper technique. D’ailleurs, j’ai chuté dans la première descente. C’est l’arcade, qui a pris. Cela pissait le sang, mais je n’ai rien senti. Donc, je ne me suis jamais posé la question d’arrêter. Par contre, j’ai souffert à partir du 70e km. J’avais les cuisses en feu. Maintenant, je garderai un bon souvenir de ce que j’ai vécu aujourd’hui et monter sur le podium fait toujours plaisir »
Une fois le podium complété, une seule question demeurait. A quelle heure, Nuria Picas allait-elle boucler la boucle ?
Désireux de l’accueillir dignement sous la pluie, le public n’a pas hésité à l’attendre jusqu’à plus de 23h30.
Epuisée, mais radieuse cette icône catalane a reconnu : « J’ai été bien pendant les 10 premières heures. Tout fonctionnait à merveille. Après, les 6 dernières heures ont viré à la torture. Dès que je dépasse 10 heures d’effort, je connais des troubles gastriques. Plus rien ne passe. Ni liquide, ni solide et faute d’énergie, je change de carburant. Le corps se met en mode veille et je branche mon cerveau, histoire d’utiliser pleinement mes ressources mentales pour m’arracher. Cela vaut le coup. Je suis fier de cette victoire en Catalogne »
Nonobstant, une année fort riche en défis extrême, la saison va se poursuivre. Différents rendez-vous attendent ces champions. Notamment l’UTMB, la Diagonale des Fous et les Templiers, où Nuria Picas victorieuse en 2012 et 2013 tentera la passe de 3 au sein du Team Europe. Pau Bartolo l’accompagnera. Cinquième l’an passé, modeste il espère réitérer une performance similaire, car indique-t-il : « Avec les Américains, les meilleurs Français et d’autres Européens, le niveau s’annonce hyper compétitif. Cette confrontation va être géniale »
Sinon, Johan Rojas, créateur de BUFF et toujours aux commandes de cette entreprise, qu’il dirige avec ses 7 filles souhaite que cet événement s’inscrive dans la durée. De la sorte, une seconde édition est programmée pour 2015.
Texte et photos Christophe Rochotte
novembre, 2024
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