Au vu du nombre de pathologies (tendinopathies, fractures de fatigue, entorses …) affectant les traileurs, il semble que l’excès soit de mise dans ce sport. Cela est dû en partie à l’addiction provoquée par l’activité trail et au manque d’information – formation sur les bonnes pratiques sportives. Voyons ici comment courir en hiver, et comment se préparer physiquement à ré-attaquer la saison prochaine.
Par Pascal Balducci
Pour éviter ces récurrents écueils, la première règle essentielle à intégrer est la planification à l’échelle d’une ou plusieurs saisons. Cela répond à l’impératif de progressivité et d’étalement des charges de travail.
La deuxième règle est la programmation de la saison sur une année. Trop de pratiquants enchaînent les courses sans programme préétabli, au gré des envies et des occasions, souvent au détriment du repos qui lui aussi doit être programmé. Au final, malgré une énorme motivation initiale, l’envie s’émousse et le physique craquèle.
Enfin, il est très judicieux, dans la mesure du possible, de moins courir l’hiver en se préparant différemment. Il faut concevoir l’activité trail sous l’angle de la motricité globale du corps et bien comprendre que l’endurance ne se développe pas uniquement par de longues sorties à pied.
La diversité dans la préparation
Ainsi de multiples activités vont permettre d’améliorer in fine la performance. La diversité dans la programmation d’entraînement réduit la monotonie qui mène à la fatigue puis à la blessure. Travailler le physique différemment, c’est permettre à l’esprit de faire un break, de se concentrer sur de nouvelles taches, d’entretenir une motivation qui est l’embryon de toute action. Le choix des activités hivernales doit aussi se faire en fonction de vos aptitudes et des points faibles à développer. Si par exemple, je suis en difficulté dans chaque bosse ou que je m’épuise musculairement en descente, je dois mettre le paquet sur le renforcement musculaire. Si c’est la puissance aérobie qui me fait défaut, je dois mettre l’accent sur le développement de cette qualité et prévoir une saison de cross. Bien entendu, le développement d’une qualité se fait toujours en harmonie avec le maintien ou le développement des autres qualités nécessaires pour faire face aux contraintes de l’activité trail.
Avant d’énumérer les différentes possibilités d’activité hivernale, il faut se poser la question des compétitions. Dois-je en faire pendant l’hiver ou non ? Sur le plan psychologique, il est bénéfique d’évacuer cette pression et de rester quelques mois sans compétition. Maintenant, il est tout à fait possible de faire des compétitions si elles concernent une activité différente que le trail, avec d’autres enjeux. C’est le cas du cross ou du ski (de fond ou alpinisme).
Un hiver constructif pour le corps, reposant pour l’esprit
Commençons par énumérer les activités pouvant mener à des compétitions :
Le Cross : La pratique du cross-country devient de plus en plus populaire chez les traileurs, et beaucoup s’y adonnent pendant la période hivernale. Les distances sont courtes, de 6 à 12 km selon les catégories, et le niveau des championnats est élevé dès le régional. L’entraînement aux cross, et la participation à ceux-ci, permet de développer de nombreuses qualités qui se sont émoussées au cours de la saison passée, comme la puissance aérobie (VMA), le seuil d’accumulation des lactates, la dynamique du pied et de la foulée. Rappelons que même sur ultra trail, ces qualités sont essentielles. Toutefois, si la pratique du cross permet de couper psychologiquement par rapport au trail, cela reste de la course à pied, avec ses contraintes en termes de chocs.
La route : Compatible avec le cross, de nombreux traileurs viennent se tester sur un 10km ou un semi-marathon, voire un marathon à la fin de l’hiver (Barcelone, Paris…). Mais là encore, il s’agit toujours de course à pied, avec des risques accrus de pathologies de répétitions. L’idéal serait peut-être de faire la saison de cross, et de conclure par un 10 km ou un semi en profitant des qualités développées en cross.
Le ski de fond : C’est l’activité croisée idéale puisque le travail musculaire est important, l’effort de type aérobie et continu, les chocs inexistants, et le dépaysement garanti. Même si le skating est plus grisant car plus rapide, il est conseillé de revenir fréquemment au pas alternatif pour favoriser le transfert musculaire vers la course en fin de période hivernale. Notons également que le travail des bâtons est intéressant pour le spécialiste de trails longs ou d’ultra trails. On peut se contenter d’entraînements ou participer à des compétitions si on a la chance de vivre dans ou à proximité des massifs.
Le ski alpinisme : C’est la discipline préférée des montagnards dans laquelle le travail musculaire en concentrique est maximal. On y retrouve les meilleurs spécialistes du kilomètre-vertical. Beaucoup s’y adonnent avec grand bonheur pendant plusieurs mois en évitant tous les traumatismes de la course. Cette activité permet d’optimiser son VO2max et sa puissance musculaire. Les meilleurs ultra-traileurs comme Kilian Jornet, François d’Haene, Ludovic Pommeret, mais également un grand nombre de jeunes élites, s’y adonnent chaque hiver.
Le vélo de roue, le VTT et le bike and run
Le VTT peut se pratiquer individuellement mais on peut aussi participer à des compétitions hivernales sur diverses distances. Le VTT et le vélo de route sont les activités croisées préférées des traileurs. La plupart y consacrent plus de la moitié de leur temps d’entraînement. A deux, le bike and run est la formule à la mode avec de nombreuses compétitions. C’est également un très bon moyen d’entretenir la motivation à l’entraînement et de travailler efficacement. Et bien entendu, le home trainer est une activité à privilégier en toutes saisons.
Pour ceux qui veulent mettre en jachère leur esprit compétitif, les activités précédentes peuvent se réaliser hors-compétition, même si le cross reste une activité purement compétitive.
D’autres activités pour rompre la monotonie de l’entraînement.
Le ski de randonnée : C’est l’activité récréative par excellence, quelle que soit l’intensité de la pratique. Ce sport s’ouvre à tous, débutants comme confirmés, mais avec des niveaux d’engagement différents. Le pratiquant développe sa puissance musculaire et sa capacité aérobie, avec un ressenti d’effort bien moindre qu’en course. C’est donc tout bénéfice pour le traileur. La progressivité s’impose sur les premières sorties, le temps de maîtriser la technique et d’être suffisamment fort musculairement.
La marche nordique : Discipline intégrée à la fédération française d’athlétisme, elle peut faire sourire les traileurs compétiteurs, mais n’oublions pas qu’un ultra traileur passe la majeure partie de son temps à marcher en compétition, le plus souvent avec des bâtons ! Ainsi, de longues marches sur terrain vallonné avec un travail appuyé au niveau des membres supérieurs ne peut être que bénéfique.
Le travail en salle et le renforcement musculaire : Certains traileurs ne veulent pas en entendre parler, d’autres s’y rendent régulièrement. Dans certaines contrées où la météo et l’éclairage sont des obstacles, le travail en salle est un excellent palliatif. On peut pédaler, courir, ramer et se renforcer harmonieusement. Mais attention, la préparation physique, avec ou sans charges, requiert des connaissances en termes de préparation des séances et d’exécution des bons gestes. Il est conseillé de se rapprocher d’un préparateur physique.
La natation : Si le transfert de compétences n’est pas montré entre la natation et la course à pied, les apports de cette activité aérobie ne sont pas négligeables. La natation permet de travailler le relâchement musculaire et le renforcement des muscles respiratoires, deux qualités utiles en course.
Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive et beaucoup alternent ces activités avec le plus grand bonheur, car l’important, vous l’avez compris, est de diversifier pour se préserver et progresser.
Deux choses essentielles à retenir : premièrement, le repos fait partie de l’entraînement et l’accumulation des courses puis des saisons devient très compliquée à gérer. Ceux qui ne cassent pas physiquement finissent par casser mentalement. Les exemples en ultra trail sont nombreux d’athlètes qui enchaînent merveilleusement bien 2-3 saisons, puis qui disparaissent inexorablement. Deuxièmement, il est déconseillé de rester onze mois sur la même activité trail. La période hivernale est une belle occasion pour travailler différemment, c’est bon pour le corps et encore plus pour la tête !
novembre, 2024
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