Cet hiver, choisissez le cross !

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Quels avantages peut-on tirer de la pratique du cross-country quand on débute la course à pied, ou que l’on pratique la piste, la route, le trail ?

Par Pascal Balducci

Le cross-country, ou “course à travers la campagne” trouve son origine en Angleterre. Elle fut une épreuve olympique en 1912, 1920 et en 1924 à Paris où elle sacra une seconde fois le finlandais volant Paavo Nurmi. Si les championnats se déroulent généralement sur des hippodromes désespérément plats, ce n’était pas le cas il y a quelques décennies où les épreuves étaient truffées de difficultés (montées, descentes, franchissement d’obstacles et de rivières, champs de labour, dévers, boue …), et consacraient des athlètes complets. Toutefois, si le profil des cross à bien changé, il est encore possible de trouver de rudes parcours sur les épreuves de début de saison.

Le cross, un effort court, intense, maximal

Quelles sont les distances proposées par les cross ?

Elles sont variables mais de toutes façons limitées comparativement au trail. A partir de la catégorie espoirs, on peut opter pour le cross court ou le cross long. Le cross court se limite à 4 kilomètres (soit 12 à 15 minutes d’effort) alors que le cross long va de 9 km en début de saison à 12 km pour les championnats nationaux, ce qui représente de 30 à 50 minutes d’effort selon le niveau et la nature du terrain. Chez les femmes, les épreuves sont à peine moins longues. Les distances sont dégressives pour les catégories inférieures, des juniors aux benjamins, et il faut savoir que les championnats nationaux fédéraux sont ouverts à partir de la catégorie cadet-cadettes. Pour les jeunes, des championnats nationaux scolaires (UNSS-UGSEL) sont accessibles à partir de la catégorie benjamins. Les universitaires ont également leurs propres championnats (académiques et nationaux FNSU), tout comme certaines corporations (pompiers, policiers …).

Autrefois, les épreuves fédérales n’étaient ouvertes qu’aux licenciés et elles étaient le passage obligé de tous les coureurs sur piste. Avec l’évolution des pratiques, c’est-à-dire les compétitions indoor, la multiplication des courses sur route et surtout l’avènement du trail, les pelotons de crosswomen et crossmen se sont éclaircis. Les comités départementaux et les ligues ont réagi en regroupant certains championnats départementaux (par exemple l’Ain et le Rhône, les 2 Savoies, le Jura et le Doubs…) et en ouvrant certaines épreuves aux non-licenciés munis d’un certificat médical.

Ainsi, tout sportif pratiquant une discipline aérobie peut intégrer quelques cross dans sa préparation hivernale.

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Liv Westphal aux Europe 2019, qu’on a vu récemment sur la Saintélyon.

Comment caractériser ces épreuves ? Elles sont entièrement balisées et comportent des répétitions de boucles de différentes longueurs. La caractéristique essentielle des cross est la vitesse élevée des trois cents premiers mètres. Ce départ en surrégime est très déstabilisant pour les novices. Il faut se préparer physiquement et mentalement à l’entraînement à ces départs quasi-sprintés sous peine d’être rapidement relégué en queue de peloton. Une fois placé, il faut tenir une intensité d’effort régulière, s’appliquer sur chaque relance, lutter pour conserver sa place ou en gagner quelques-unes, et se préparer à l’emballage final où chacun jette ses dernières forces dans la bataille. Il n’est pas rare de voir des athlètes s’écrouler une fois la ligne d’arrivée franchie, épuisés par cet effort maximal. Les conditions hivernales viennent pimenter le tout et font du cross-country une école du courage qu’il faut avoir fréquentée dans sa vie d’athlète, toutes disciplines confondues.

Le cross, un choix audacieux mais rentable, même pour un trailer

Par ses parcours nature, par ses conditions souvent rudes, par ses changements d’allures incessants, le cross peut être considéré comme l’ancêtre du trail, une sorte de mini-trail. C’était une discipline reine jusque dans les années 70, qui consacrait de magnifiques champions et réunissait un immense public. Les championnats de France comme les mondiaux étaient télévisés. Le cross était alors le passage hivernal obligé des pistards et des routards qui y développaient de nombreuses qualités athlétiques. Ainsi, les coureurs avaient deux saisons bien marquées : la saison hivernale avec les cross de novembre à mars, puis la saison estivale (piste et/ou route) d’avril-mai à juillet, ainsi que quelques compétitions d’automne en septembre-octobre. A l’aube de chaque nouvelle saison, le coureur était psychologiquement disponible. Aujourd’hui, pour les athlètes de nombreuses disciplines (route, trail, triathlon), l’étalement des compétitions pousse un grand nombre à ne jamais s’arrêter et à s’exposer immanquablement à la surfatigue et aux blessures. Pourtant, les exemples de coureurs qui savent s’entraîner différemment pendant la saison hivernale ne manquent pas, via le ski de fond, le ski alpinisme et le cross, même si cette dernière discipline reste de la course.

En effet, la pratique du cross est incontestablement une plus-value pour l’athlète. Mais courir les cross sans préparation spécifique est-il suffisant pour développer des qualités utiles ? La réponse est non. C’est la préparation à la spécificité du cross qui permet de développer certaines qualités.

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Quelles sont les qualités à développer sur cross ?

– La vitesse, sur ces versants puissance et capacité, ce qui correspond en termes bioénergétiques à « l’anaérobie » alactique sur des efforts inférieurs à 20 secondes.

– La capacité anaérobie lactique et la puissance anaérobie lactique, sur des efforts brefs (< à 2mn selon les individus) et intenses.

– Le VO2 max et ses deux corollaires de terrain : la puissance maximale aérobie (PMA) et la vitesse maximale aérobie (VMA).

– Le recul du seuil d’accumulation du lactate, car le cross va dépasser puis flirter avec cette limite essentielle pour améliorer la performance aérobie.

– La capacité aérobie est également sollicitée car la sortie longue à basse intensité n’est pas à proscrire, mais elle ne devra pas dépasser 2h.

Ainsi, les filières anaérobie et aérobie sont largement sollicitées par le cross. Outre ces qualités « énergétiques », le cross permet également de travailler d’autres paramètres de la performance aérobie comme les qualités biomécaniques (rendement, stiffness musculaire), et les habiletés mentales qui sont primordiales en cross, comme sur tout effort intense et maximal. La confiance en soi, la gestion du stress, la motivation, l’activation et l’attention-concentration font partie de la panoplie des habiletés mentales du crossman performant. Ici, plus que dans tout autre discipline, il y a confrontation, lutte et souffrance. En apprenant à gérer les cross, c’est-à-dire en développant des stratégies de coping (le faire face), on réalise un formidable travail pour optimiser sa performance mentale et donc physique, dans d’autres disciplines où les enjeux sont différents.

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Exemple de séance d’entraînement typée Cross

Vous êtes convaincus de l’intérêt de la pratique et vous voulez chausser les pointes pour découvrir l’univers du cross ? Voici quelques conseils et séances d’entraînement pour travailler les qualités énoncées.

Tout d’abord, le matériel. Avec le cross, on en revient aux fondamentaux de la course : un short, un maillot et une paire de chaussures ! Bien entendu, selon les conditions, on peut revêtir un cuissard ou un collant, ainsi qu’une première couche sous le maillot de club. Pour les pointes, évitez de les chausser si le terrain est dur car la tension est importante au niveau des mollets et peut causer des contractures douloureuses. En revanche, si le terrain est gras, vous ne pouvez pas en faire l’économie si vous voulez lutter à armes égales.

Un conseil : testez vos pointes à l’échauffement, puis sur des séances courtes et sur terrain souple, comme des lignes droites sur l’herbe. Ne les mettez pas sur la piste, c’est inutile. En dehors des séances, pratiquez du stretching global actif pour étirer le triceps sural (mollet) dans la chaîne musculaire postérieure. La longueur des pointes (qui se vissent sous les chaussures) dépend de la nature du terrain. Plus elles sont longues, au-delà de 9mm, et plus les tensions seront importantes sur les fléchisseurs plantaires, d’où l’importance de les tester progressivement à l’entraînement.

Pour la course, on va travailler les habituelles séances de développement puis de maintien de la VMA, ainsi que les séances au seuil. Mais on va se régaler en ajoutant des séances spécifiques cross. Cela consiste à mimer la physionomie du cross : un départ rapide, le maintien d’une vitesse donnée, puis un emballage final. Voici un exemple de séance de préparation au cross long pour un traileur élite (VMA de 21 km/h), et sa transposition en pourcentage de VMA. Attention, chaque séance nécessite une individualisation par rapport aux qualités de l’athlète et au moment de la programmation. On ne copie pas, on adapte ! Cette séance s’inscrit dans une progression.

Séance

20 mn échauffement + éducatifs + accélérations + séance cross sur piste de 400m (sans pointes)

4 tours (1er en 1’08, puis 1’20, 1’20, 1’12) (= 1600m en 5’ = 19.2 km/h), récupération courue 4mn

3 tours (1’08, 1’20, 1’16(40’’ 36’’)) = 1200m en 3’44   puis récupération 4mn trot

2 tours (1’08, 1’16 (41’’ 35’’)) = 800m en 2’24 (20 km/h), récupération 4mn trot

1 tour en 1’08 (35-36 et 32-33)

  + 15 mn récupération active

On constate un échauffement complet d’environ 35 minutes, très important pour tenir la séance qui va démarrer très fort. Ensuite, le premier 400 m est couru à vitesse élevée (> 100 % VMA), puis les 2 tours suivants sont courus à la vitesse de croisière estimée du coureur (c’est souvent la vitesse au seuil, soit 85% de la VMA) ; enfin le dernier 400 m est réaccéléré. Sur les répétitions suivantes, on ajoute un contraste dans le dernier 400m en finissant de plus en plus vite le dernier 200m.

Un effort difficile au niveau ventilatoire, cardio-vasculaire et musculaire

Ici le volume global de la séance est de 4 km, et les intensités vont de 85 à 105-110% de la VMA. La construction de la séance fait que l’on développe la capacité anaérobie lactique et la vitesse maximale aérobie. La difficulté est double : encaisser un départ rapide car on part comme si on faisait une séance de 400m, et produire une accélération finale alors que la dette d’oxygène du premier tour n’est pas remboursée. La partie médiane consiste à récupérer du départ tout en tenant une vitesse la plus élevée et la plus régulière possible, et en préparant l’emballage final. Comme en cross, le final sera moins rapide que le départ, même s’il est accompli à vitesse maximale. C’est très dur au niveau ventilatoire, cardio-vasculaire et musculaire. Vous terminerez la séance à 4 pattes, mais sa récupération sera rapide sur le plan physique. La récupération entre les fractions est plus longue que pour une séance de VMA car la filière anaérobie est sollicitée et les substrats énergétiques utilisés ont une vitesse de réplétion plus lente.

On peut réaliser le même type de séance sur 3 x 1500m avec 300m rapides, 1000m à allure cross puis 200m rapides, avec 3 mn de récupération.

Il faut être motivé et rester concentré sur les chronos pour mener à bien de telles séances. Elles sont mentalement éprouvantes et une séance hebdomadaire de ce type est amplement suffisante. La récupération finale est indispensable pour un retour au calme et la clairance des lactates. On ressent les premiers effets de ce travail au bout de 3 semaines et l’effet d’affûtage est rapide.

Diversifier sa pratique et en réduire la monotonie par la pratique du cross est un excellent moyen de progresser et de préserver son intégrité physique. Alors n’hésitez plus et tentez l’aventure du cross cet hiver !

Photos YM Quémener, KMSP

novembre, 2024

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