À chaque Olympiade, de nouveaux sports sont ajoutés, et d’autres sont retirés. C’est notamment le cas du surf, de l’escalade sportive, du karaté, du baseball/softball et du skateboard pour les Jeux olympiques de Tokyo. Mais au sein des sports, il y a également l’arrivée et la sortie de certaines épreuves. Ce sera par exemple le cas du relais 4x400m mixte qui apparaît pour la toute première fois cette année.
Le trail running pourrait-il donc un jour faire partie des nouvelles disciplines au programme des Jeux Olympiques ?
Pour qu’un sport ou une discipline soit intégré aux Jeux olympiques par le Comité International Olympique, il faut que 2 conditions soient respectées.
- Tout d’abord, il faut que la discipline soit « administrée par une Fédération Internationale qui s’engage à suivre les règles de la Charte Olympique ». Le trail est sous l’égide de la FFA et l’ITRA (International Trail Running Association) et il est reconnu par la Fédération Internationale d’Athlétisme (World Athletics) depuis août 2015.
- Pour ce qui en est de la seconde, le trail doit « être largement pratiqué à travers le monde ». Sur les bases de données parues par l’ITRA en 2020, sur la période 2013-2019, le trail compte plus de 1,7 millions de pratiquants dans 195 pays ou régions autonomes. La seconde condition est donc également validée.
Le trail remplit donc les conditions pour intégrer les Jeux Olympiques comme discipline de l’athlétisme. Mais chaque sport ne peut avoir qu’un certain nombre d’épreuves. Sur les prochains Jeux Olympiques, l’athlétisme en possède 48 (24 masculines, 23 féminines et 1 mixte). Si jamais le trail s’ajoutait, il faudrait qu’une autre soit retirée. C’est par exemple le cas du 50km marche qui sera remplacée par une épreuve mixte (encore non connue) lors des Jeux olympiques de Paris en 2024.
Une fois intégré, le trail n’aurait qu’un seul format de course, mais lequel : un trail court ? un ultra-trail ? un kilomètre vertical ? un urban trail ?
L’objectif des Jeux olympiques serait d’apporter de la visibilité à la discipline. Pour cela, il faut que la discipline soit médiatisée et télévisée, et que les spectateurs puissent y assister. Le parcours ressemblerait-il donc à ce que l’on retrouve aujourd’hui en VTT cross-country (4,1 kilomètres à parcourir avec 150 mètres de dénivelé à Tokyo) ?
C’est d’ailleurs ce qu’a pu remarquer Grégory Vollet dans son livre « Au cœur du Trail » (éditions Outdoor, 2015). VTT’iste professionnel, aujourd’hui coureur et responsable du sport marketing chez Salomon, sacré champion d’Europe en 1999 et avec plusieurs participations aux manches de coupe du monde, il a été témoin de la transformation de sa discipline et s’oppose aujourd’hui à l’intégration du trail au programme des Jeux olympiques : « Si je saisis les occasions pour dire ma réticence à ce que le Trail-running devienne un sport olympique, c’est surtout pour m’assurer de poser toutes les questions pertinentes à ce débat, en espérant faire réfléchir tous les acteurs. En tirant un parallèle avec le VTT, je ne peux m’empêcher de craindre et de pressentir une évolution négative. Imaginez… trouverions-nous le même attrait si les distances étaient réalisées sur un parcours en boucle ? Si le dénivelé se trouvait remplacé par des circuits roulants, sur des pistes inintéressantes, proches des routes, pour assurer la présence de spectateurs ? Si une course de Trail devenait un spectacle préfabriqué, fait de passages techniques artificiels, blindés de caméras ? Si, en dehors de cet événement atypique qui a lieu seulement tous les 4 ans, les belles courses de Trail-running n’étaient plus accessibles à la masse ? Je m’obstine à exprimer ces craintes et à poser ces questions dans le but avant tout de sensibiliser tous ceux qui aiment ce sport de nature et y jouent un rôle. Il faut que nous soyons tous unis dans notre motivation à éviter une telle dérive par rapport aux valeurs fondamentales qui définissent le Trail. »
Dawa Dachhiri Sherpa est du même avis. Le vainqueur de la TDS 2012 a participé à 3 reprises aux Jeux olympiques d’hiver où il a pris part aux épreuves de ski de fond pour le Népal (Turin en 2006, Vancouver en 2010 et Sotchi en 2014). Selon lui, si le trail intégrait le programme olympique, il n’irait pas : « Le trail c’est une longue distance dans la nature ; 80 à 100 kilomètres, si ce n’est pas plus ; soit sous la forme une traversée, soit sous la forme d’une grande boucle. Faire une boucle de 5 kilomètres plusieurs fois, ça ne m’intéresse pas, ce serait comme tourner en rond dans un enclos. Ça dénaturerait le trail et ça ressemblerait plus à un cross ».
Certains ne sont pas réticents à la venue de la discipline au programme des Jeux olympiques. Champion olympique en 2000 à Sydney en aviron (en quatre sans barreur poids léger) et 4e à Pékin huit ans plus tard, Jean-Christophe Bette pense que « cela serait une bonne chose pour le trail ». Aujourd’hui, professionnel dans le sport outdoor (trail running, ski de fond, ski alpinisme) et classé dans de grandes courses comme sa 10e place à l’OCC en 2015, il considère que « Lors de ces 10 dernières années de nombreuses choses ont évolué dans l’organisation et la réglementation du trail. Cette discipline fait maintenant partie de la Fédération Française d’Athlétisme et des championnats du Monde ont lieu. La présence de cette discipline aux JO serait selon moi la suite logique. D’autant plus qu’il s’agit d’un sport qui ne nécessite que très peu de moyens matériels (une paire de chaussures suffit) et qui, par conséquent, peut être pratiqué de manière universelle dans tous les pays, ce qui est un critère important pour le Comité International Olympique. Néanmoins, le fait de réglementer la discipline enlève un peu de son côté « nature » mais le problème s’est déjà posé pour l’escalade, le VTT et très récemment pour le ski alpinisme. Au final, tous ces sports ont pu se développer grâce aux JO et prendre de l’importance tout en restant accessibles au plus grand nombre et en gardant leurs différentes approches ».
D’autres sont plus partagés, comme Caroline Chaverot, ancienne céiste membre de l’équipe suisse de canoë-kayak entre 1992 et 1998. « Le canoë-kayak n’était plus olympique depuis 1976 mais il l’est redevenu en 1992 et moi je n’avais qu’un rêve, c’était d’aller aux JO d’Atlanta ». Selon elle, cette intégration au programme des Jeux olympiques avait été « plutôt positive : la fédération a eu plus de moyens et les courses ont été raccourcies avec des évolutions qui ont été intéressantes ». En revanche après avoir analysé d’autres disciplines, elle craint que le trail soit dénaturé « En escalade, pour aller aux jeux, les grimpeurs ont dû accepter de devoir concourir les 3 épreuves : le bloc, la difficulté et la vitesse (ndlr : un combiné) qui normalement ne sont pas courus par les mêmes athlètes et c’est un peu antinomique. Sur le ski alpinisme, les athlètes vont tourner en boucle sur les pistes, moi ça ne me fait pas rêver par rapport aux grandes courses comme la Pierra Menta. Et le VTT c’est encore pire… ». D’un autre côté, elle estime que « c’est une bonne idée pour les athlètes, parce qu’avoir des titres olympiques ou une présence aux Jeux olympiques, c’est une belle reconnaissance pour son sport et une belle possibilité de carrière ». Elle suppose que cette intégration « intéresserait une poignée d’élites et que ça deviendrait une branche du trail. À côtés les autres courses continueraient d’exister car c’est ce que l’on retrouve aujourd’hui : il y a ceux qui font des trails très courts, ceux qui font de la course en montagne et puis d’autres qui font l’UTMB. On verrait sûrement une dissociation entre les élites qui seraient tournés vers les Jeux et qui se centreraient sur un entraînement vraiment spécifique en vue des Jeux, et puis la grande masse des pratiquants qui continuerait la pratique actuelle ». Néanmoins, au niveau des instances, elle a remarqué que « ce sont des sociétés privées qui font les plus gros trails comme l’UTMB®, l’Ultra Trail World Tour ou encore les Templiers. La Fédération Française d’athlétisme ne contrôle qu’une partie du trail. Par exemple, ce n’est pas elle qui organise l’Ultra Trail World Tour. Le fait de passer discipline olympique, elle devra prendre le contrôle d’une plus grosse partie, ne serait-ce que pour organiser les sélections. Pour le moment elle n’a pas toujours été au point pour organiser des trails, pour mettre en avant notre discipline et faire des circuits intéressants, alors je ne sais pas comment ça se passerait… » .
Justement, au niveau des instances, Olivier Gui, l’actuel Directeur Technique National en charge du running à la Fédération Française d’Athlétisme fait tout « pour valoriser cette discipline dans les instances fédérales et internationales ». Selon lui, ce serait « extrêmement positif pour le dynamique du trail car ça l’intégrerait définitivement à la famille de l’athlétisme, et pour les traileurs membres de l’équipe de France ce serait une expérience unique ». Au sujet de la dénaturation, il ne comprend pas cette vision « Par exemple, la seule fois où je vois du VTT à la télévision, c’est tous les quatre ans aux Jeux olympiques. Je ne vois pas le risque de le dénaturer, je ne vois que des avantages ».
L’introduction du trail au programme des Jeux olympiques n’est donc pas un point sur lequel tous les trailers s’accordent. Entre les bénéfices pour développer la discipline et les risques de dénaturation, les avis divergent.
En tout cas ce qui est sûr, c’est que le trail ne sera ni présent sur les Jeux olympiques de Tokyo, ni sur les prochains à Paris. Mais une apparition à Los Angeles en 2028 ou à Brisbane en 2032 n’est pas écartée, seules les futures sessions du Comité International Olympique nous le diront.
Killian TANGUY
novembre, 2024
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