Jean Michel Touron, 32 ans vient de réaliser un enchaînement unique en l’espace de 4 semaines…..enchaîner 4 ultra de 160 km à 350 km du 19 août au 17 septembre, soit 1 019 km pour 70 000 m de dénivelé +/- et près de 390 h sur le terrain.
- UT4M Xtrem 160 : 169 km / 11 000 m D+ / 100 ème en 44h33min13s.
- UTMB : 170 km / 10 000 m D+ / 1 247 ème en 45h09min51s
- 4 K Alpine Run : 350 km / 24 000 m D+ / 209 ème en 148h44min
- Tor des Géants : 330 km / 24 000 m D+ / 395 ème en 147h08min
Connu dans le milieu du Trail qu’il fréquente depuis plus de 10 ans, c’est un passionné avant tout, altruiste, qui s’est lancé ce défi incroyable qui force l’admiration, mais suscite aussi quelques interrogations et beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux.
Nous l’avons joint pour en connaître un peu plus sur ce défi, son état d’esprit, les conséquences physiologiques…
A lire aussi le récit de Maria Semerjian, 3ème du Tor des géants 2016 (Cliquez ICI)
Pourquoi t’être lancé dans un tel défi ?
C’est tout simplement un hasard et un concours de circonstances, si je peux ainsi le dire.
L’UT4M est ma course de cœur, j’ai terminé dernier de la 1ère édition et c’est aussi la 1ère fois que j’ai failli abandonner.
L’UTMB, je n’y avais pas participé depuis 3 ans et maintenant avec le tirage au sort c’est moins simple, j’ai donc été retenu cette année et je voulais honorer ce dossard.
Pour ce qui est du 4K et du Tor des géants, on était au courant du différend entre les organisateurs et les politiques de la vallée, et l’affaire était devant la justice.
Avec un copain, on s’est inscrit aux 2 sans savoir si les épreuves auraient lieu, lorsque la justice a rendu son verdict, les 2 épreuves pouvaient avoir lieu, on s’est alors lancé le défi de faire les 2.
« Le Tor des Géants 2010 m’a retourné le cerveau »
C’était un pari risqué ?
Oui c’est un jeu dangereux, l’UTMB et le 4K n’étaient pas des priorités mais je me suis pris au jeu.
Je positive énormément lorsque je suis en course et je n’ai jamais eu de blessure et dans la tête je ne lâche jamais, je me connais bien, je savais que je pouvais le faire.
En 2009, j’avais déjà enchaîné La Montag’hard, la 6000 D, le Tour des Fiz et les Mondiaux à Serre Chevalier.
Je ne fais pas cela pour surenchérir sur quoi que ce soit, c’est un concours de circonstances et un challenge personnel.
Si je ne l’avais pas fait j’aurais vraiment eu le sentiment d’un manque.
Que recherches-tu au fond ?
Au début, quand je me suis mis à courir je voulais progresser, améliorer mes chronos, un peu comme tout le monde, mais depuis le TOR des Géants 2010, cette épreuve m’a retourné le cerveau.
J’ai vécu une aventure humaine extraordinaire avant tout, avec des valeurs fortes, de l’entraide, des rencontres incroyables et une vallée mobilisée autour des bénévoles.
J’avais profondément envie de revivre cette alchimie du TOR mais c’est vrai qu’il faut aussi aimer souffrir.
J’ai délaissé la performance, à mon niveau, et découvert des capacités et une passion pour ces très longues distances.
Mon premier TOR en 2010, j’avais des hallucinations, j’ai mis 6 mois à m’en remettre, en 2011 seulement 2 mois.
Aujourd’hui le partage au sens général avec les coureurs, les bénévoles, les populations m’apportent autant que la performance.
« je suis nickel, aucune ampoule… »
De quoi as tu le plus souffert ?
Effectivement, je souffre comme tout le monde, ce ne sont pas des épreuves faciles, mais j’ai acquis de l’expérience.
Lorsque j’ai un coup de moins bien, je me trouve une autre motivation pour m’occuper l’esprit, je discute avec un autre coureur ou si quelqu’un est en difficulté je vais l’aider et le soutenir….et si je sens qu’il faut que je m’arrête je le fais.
Je me suis jamais mis mal au point de me coucher.
Après ces 1 000 km, j’ai les pieds nickel, pas une ampoule, pas une courbature et aucune douleur ligamentaire….je pourrais recourir mais je ne vais pas le faire de suite*.
Je plus dur sur la fin était le manque de sommeil, mais depuis je dors bien.
Je connais bien le milieu, je connais des élites et des coureurs qui cherchent la performance, je pense qu’ils se font plus mal que moi en course et à l’entraînement.
* il a participé ce WE au Trail des Aiguilles Rouges, après notre ITW.
Avec quel état d’esprit abordes tu chaque course ?
Dans la tête j’ai toujours une petite part d’inconscience.
Lorsque j’ai commencé il y a 10 ans, j’avais comme repère la Saintélyon et ensuite je me suis lancé sur la CCC, je croyais que c’était juste 30 km de plus, je ne savais pas ce que c’était que le dénivelé.
Et lorsque j’ai fait la 6000 D pour la 1ère fois, je découvrais les montagnes, je voyais ces massifs enneigés pour la 1ère fois et je suis allé toucher la neige comme un môme.
Je n’ai jamais subi une course au point de souffrir, je trouve toujours du positif dans ce que je fais et j’essaie de rester comme un gamin qui découvre les choses.
« j’étais blindé dans ma tête »
Ne crains tu pas les conséquences physiologiques et comment vas tu récupérer de tout ça ?
Oui et non, je sais que je pourrai le payer un jour et que mon corps me dira STOP.
Il y a toujours le risque de blessure et je sais que tout ce que l’on entreprend à une fin un jour mais j’en profite tant que ça me sourit.
J’étais blindé dans ma tête cette année, plus que les autres années, je n’ai jamais douté et c’est sans doute, aussi comme cela qu’on peut réussir ses défis.
A chaud, quel est ton meilleur souvenir et quelle image te restera en tête ?
(sans hésiter), l’accueil des SÉNATEURS**, je ne m’attendais pas à ça, c’était incroyable.
On se voit une fois par an pour certains, on vit des moments forts, de franches rigolades…il y a une histoire.
Romain et Arnaud en font partie et je leur dois beaucoup.
Mais avec un peu de recul, ce sont aussi les couchers de soleil en montagne, l’accueil des Valdotains, l’une des grosses forces de cette course, car ce sont eux les bénévoles de la courses, ils parlent de leurs vallées et de leurs montagnes avec passion et amour et ne parlent pas d’eux en « moi, moi, moi… ».
« un vide comme un « race blues » …l’envie de refaire la course »
De quoi as tu envie tout de suite ?
A l’arrivée c’était Pizza et bière !
Mais quelques jours après c’est l’envie de revoir toutes les personnes que j’ai vues ou croisées cette année, de discuter avec elles, certaines je ne les reverrai peut-être plus.
J’ai l’impression d’être parti 6 mois mais que tout s’est arrêté brutalement dimanche dernier après la remise des prix, j’ai un peu un vide, un « race blues », j’aurai envie de prendre du temps pour échanger et refaire la course.
Que penses tu de ceux qui pensent que c’était « n’importe quoi » ?
Je me fiche de ce que l’on raconte, ceux qui me connaissent savent de quoi je suis capable et que je ne fais pas cela pour être médiatisé.
Je pense surtout qu’il ne faut pas avoir peur des défis que l’on peut se lancer et que c’est possible pour beaucoup de personnes, je me dis souvent « quand on veut on peut » et il faut alors essayer.
Il est peu probable que je recommence, malgré l’expérience que j’ai, je crains aussi le « too much ».
A la base je ne suis pas sportif, pour l’instant je prends du plaisir, alors j’en profite.
Au fond de moi, j’ai envie de faire une performance à mon niveau et dans mes capacités, essayer d’être sous les 7h pour la Saintélyon en 2017, 10 ans après avoir participé à ma 1ère édition (7h14’)….mais je pense que je souffrirai plus !
**SÉNATEURS : ils sont 11 à avoir bouclé toutes les éditions du TOR des GÉANTS dont 6 Français.
France : Pierre Henri Jouneau / Alexandre Forestieri / Arnaud Simard /Romain Jouffroy / Thierry Blondeau / Jean Michel Touron, Belgique : Claude Lambin, Espagne : Oskar Martin, USA : Beat Jegerlehner et Italie : Ruggiero Isernia / Luciano Micheletti
Jean Michel Touron
Age : 32 ans
Originaire du Pérou, né à 2500 m arrivé en France après sa naissance
Profession : technicien monteur en industrie
Lieux : Habite à Saint-Etienne (42)
1ère épreuve : Saintélyon en 2007
S’entraîne 2 à 3 fois par semaine – 1h à 1h30min.
=> Matériel utilisé sur le défi 2016 :
- sac WAA Marathon des Sables
- chaussures Hoka Mafate Speed (3 paires)
- textiles Salomon et Lafuma
- Nutrition : rien de parrticulier juste 2 -3 barres en secours
Se nourrit sur les ravitaillements (eau, abricots, saucisson…)
Par Fred Bousseau – Photos Fred Bousseau – Tor des géants et JM Touron
novembre, 2024
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